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ment s'il possède, et depuis quand (1). Or la possession est un fait certain, notoire, qu'un certificat du maire est suffisant pour démontrer (2). »

ch, req., DU 2 JANVIER 1843, arrêt C. cass., MM. Zangiacomi prés., Hervé rapp., Pascalis av. gén., Chevrier av.

« LA COUR; - Attendu, en droit, qu'il résulte des art. 7 et 14 de la loi du 19 avril 1834 que les contributions ne peuvent être omptées pour le cens électoral, hors les cas le succession ou d'avancement d'hoirie, que orsque la propriété foncière sur laquelle elles ont assises a été possédée antérieurement aux remières opérations électorales devant com.encer du 1er au 10 juin de chaque année; » Attendu, en fait, que l'arrêt attaqué a dé idé qu'un acte d'extinction d'usufruit du 24 pt. 1842 ne prouvait pas que l'usufruit de la ropriété appartenant actuellement au demaneur se fût réuni sur sa tête à la nue propriéé antérieurement aux premières opérations é icctorales, réunion d'usufruit nécessaire à la formation du cens électoral du demandeur; qu'en le jugeant ainsi, et en ordonnant par suite que Decourt serait radié de la liste électorale, l'arrêt n'a fait qu'apprécier un acte qui lui était soumis, et n'a violé aucune loi; REJETTE, etc. »

COUR DE CASSATION.

(2 janvier 1843.)

En matière d'expropriation pour utilile publique, la recevabilité des pourvois en cassation n'est pas subordonnée à la consignation préalable de l'amende; il suffit que la consignation ait eu lieu avant l'époque où l'affaire est en état de recevoir arrêt.

Le délai de huilaine fixé par la loi du 3 mai 1841 comme délai de la notification du pourvoi doit s'entendre de la huilaine qui s'est écoulée depuis que le pourvoi a été formé, sans égard à l'époque de la notification du jugement. L. 3 mai 1841, art. 76.

étre réputée nulle si le juge commissaire
n'a pas assisté à toutes les opérations de
l'expertise (1).

Et il y a excès de pouvoir de la part du tri-
bunal qui ordonne la dépossession el fixe
l'indemnité provisionnelle, alors que
l'instruction préalable n'a pas élé sui-
vie et consommée.

Cet excès de pouvoir donne ouverture ₫ cassation (2).

LAFITTE ET COMPAGNIE

C. PRÉFET DE LA SEINE.

DU 2 JANVIER 1843, arrêt C. cass., ch. civ., MM. Portalis 1er prés., Renouard rapp., Hello av. gén. (concl. contr.), Moreau et Jousselin av.

• LA COUR: Sur la première fin de nonrecevoir : Attendu que les lois qui exigent pour la recevabilité des pourvois en cassation la consignation préalable de l'amende ne sont point applicables aux pourvois contre les jugements d'expropriation pour cause d'utilité publique, pourvois qui doivent être déclarés dans les trois jours de la notification du juge ment, et qui sont reçus, non au greffe de la Cour de cassation, mais au greffe du tribunal Attendu qu'il sufqui a rendu le jugement;

fit en cette matière, pour la régularité du pourvoi, que l'amende ait été consignée avant l'époque où l'affaire est en état de recevoir arret; - Attendu que, dans l'espèce, les demandeurs justifient avoir consigné Faurende le 20 août 1842;

(1-2) Le principe posé par l'arrêt que nous reeueillons sur la nécessité de l'assistance du jugecommissaire à toutes les opérations de l'expertise avait déjà été consacré par l'arrêt du 5 juil. 1842

Mais il existait entre es deux especes cette différence que dans la première le tribunal, par suite de l'intervention des parties intéressées, avait eu à prononcer expressément sur la régularité de l'instruction et des opérations d'expertise, tandis qu'au contraire, dans l'espèce actuelle, il s'était borné, sans statuer sur la régularité de Finstraction, à ordonner la dépossession et à fixer l'indem- D'oir l'on concluait que le En matière d'expropriation poursuivie en nité provisionnelle. vertu de la loi du 30 mars 1831, l'in- jugement, qui n'avait appliqué aucun texte, n'astruction qui précède le jugement de dé-vait pu en violer aucun, et que dès lors il ne saupossession el de fixation de l'indemnité rait donner prise à cassation. approximative et proportionnelle doit

1

Mais la Cour de cassation a considéré, et avec raison, que le fait, de la part du tribunal, de passer outre au jugement, malgré l'irrégularité de l'in

(1) V. Duvergier, note sur la loi du 19 avril struction 1831, art. 7.

(2) V Bordeaux, 16 et 23 juin 1850.

On doit comprendre sur la liste de l'année le eitoyen qui justifie par un acte de vente qu'il doit entrer en jouissance le 29 septembre de l'immeuble dont il s'est rendu acquéreur. Rennes, 4 mars 1846.

La durée de la possession pour établir le droit du propriétaire d'être inscrit sur la liste électora le peut être constatée, à défaut d'un certificat êmané du maire, par toutes autres pièces régulièrement produites. Rennes, 10 mers 1846.

constituait un excès de pouvoir : or l'art. 20 de la loi du 5 mai 1841, auquel Fart. 76 de cette loi renvoie pour les expropriations poursuivies en vertu de la loi du 30 mars 1831, autorise expressément le pourvoi en cassation pour excès de pouvoir.

A outons que cette décision est d'autant plus sage que, l'intervention des parties n'étant pas permise lors du jugement de dépossession (V. l'arrêt précité), ce n'est que devant la Cour de cassation que les intéressés peuvent réclamer contre les vices d'une instruction dont la loi a tracé les formes essentielles précisément dans leur intérêt.

»Sur la deuxième fin de non-recevoir : Attendu qu'aux termes de la loi du 3 maí 1841, déclarée applicable, par l'art. 76 de la même loi, aux expropriations poursuivies en vertu de la loi du 30 mars 1831, le pourvoi doit être formé au plus tard dans les trois jours à dater de la notification du jugement et être notifié dans la huitaine; Attendu que la huitaine indiquée par cet article comme délai de la notification du pourvoi doit s'entendre de la huitaine qui s'est écoulée de puis que le pourvoi a été formé, sans égard à l'époque de la notification du jugement, laquelle peut, en certains cas, ainsi que l'indiquent les mots au plus tard, être postérieure au pourvoi; - Attendu que, dans l'espèce, le pourvoi a été formé le 29 juillet, et a été notifié dans le délai légal, le 6 août suivant

REJETTE les fins de non-recevoir; Statuant au fond: Vu les art. 10 de la loi du 30 mars 1831, 20 et 76 de celle du 3 mai 1841; — Attendu que l'art. 76 de la loi du 3 mai 1841 déclare que l'art. 20 de ladite loi est applicable aux expropriations poursuivies en verta de la loi du 30 mars 1834, et que l'art. 20 autorise le recours en cassation pour incompétence, excès de pouvoir ou vice de forme du jugement;

Attendu que l'art. 10 de la loi du 30 mars 1831 exige en termes formels que le juge commissaire assiste à toutes les opérations de l'instruction, et que la surveillance de ce magistrat est la garantie indispensable des opérations essentielles à cette instruction;

Attendu qu'un tribunal excède ses pouvoirs lorsqu'il statue, soit sur la dépossession des terrains à exproprier, soit sur l'indemnité approximative et provisionnelle de dépossession, sans que l'instruction ait été préalablement suivie et consommée conformément à la

loi :

Attendu, en fait, que le juge-commissaire n'a été présent qu'aux opérations du 21 oct. 4840; qu'il n'a assisté à aucune des opérations subséquentes; que notamment il n'a point assisté à la séance du 15 sept. 1841, à laquelle les intéressés appelés par les experts ont reçu communication des bases et du montant des estimations fixées par les experts;

Attendu que les experts ont clos leur procès-verbal en l'absence du juge-commissaire et i ont déposé au greffe, le 18 mars 1842; que c'est par procès-verbal séparé, dressé le même jour, postérieurement audit dépôt, que le jugecommissaire subrogé a déclaré le procès-verbal definitivement clos; d'où il suit que le jugement attaqué a été rendu en violation des lois précitées ; · CASSE et ANNULE

COUR DE CASSATION.

(2 janvier 1813.) Une donation peut être annulée comme faite en fraude des droits des créanciers du donateur, alors même que le donataire aurait été de bonne foi. Il suffit qu'il y ait eu fraude de la part du donateur (1). C. civ. 1167.

Une donation faile par un mari à sa femme par contrat de mariage pour le cas de survie de celle-ci, el avec condition de réciprocité, ne peut pas être, malgré ces circonstances, considérée comme un contrat à titre onéreux (1). En conséquence une telle libéralité a pu élre faile en fraude des droits des créanciers du donateur, par cela seul que ce dernier savait qu'elle ne pourrait recevoir d'exécution qu'au détriment de ses créanciers, el quoique sa femme donalaire fût de bonne foi (2).

DUCHESNE ET MINEURES GROS

C. FAILLITE DURAND.

Le sieur Gros avait eu d'un premier mariage deux filles, représentées dans l'instance par le sieur Duchesne, leur tuteur. Marié en secondes noces avec la dame veuve de Fortin, il avait dans son contrat de mariage arrêté les conventions suivantes :

donation, le premier mourant au survivant, Les futurs époux se font réciproquement quel qu'il soit, qu'ils laissent ou non des enfants nés de leur mariage, d'une pension annuelle et viagère de 5,000 fr., laquelle sera payable sans retenue et par moitié, de dix mois en dix mois, à partir du décès du premier mourant. »

Trois ans après environ, le 15 septembre 1833, est décédé le sieur Gros, laissant un passif de 2 millions, et un déficit de près de 600,000 fr. Sa veuve renonça à son

gain de survie, ou, pour mieux dire, elle en lit cession à la maison Durand et compagnie, aux périls et risques de cette maison, réservant les droits que les héritiers à réserve pourraient avoir sur la rente cédée par voie de réduction. Les mineurs Gros, ne trouvant pas dans la succession de leur père leur réserve légale, voulurent la saisir dans la donation faite à leur belle-mère, donation protégée par une hypothèque légale. Le sieur Duchesne, leur tuteur, intenta donc une action en réduction de la donation au quart, d'après l'art. 1098 C. civ.; et, comme la réduction ne peut

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(1-2) V. les autorités citées dans le cours du rapport de M. le conseiller Troplong, duquel résulte, en outre, cette proposition: «Que les donations réciproques, et particulièrement celles entre époux, que la jurisprudence ancienne considérait comme contrats à titre onéreux, non suscepubles, en conséquence, de l'application de l'action paulienne à l'égard des contractants de bonne foi, ont pris, depuis l'ordonnance de 1731, le caractère d'acies de pure libéralité, et l'ont conservé sous le Code civil.»

V. conf. Bordeaux, 13 fév. et 2 mai 1826. et

(1) v. sous l'arrêt de Cassation du 30 juil. 1839 les notes.

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2 JANVIER 1843.

profiter qu'aux réservataires, et non aux créanciers (C. civ., art. 921), les héritiers Gros espéraient que ce fragment de légitime pourrait échapper à l'action des créanciers. Il ne put pas en être ainsi : ceux-ci soutinrent qu'à leur égard la donation était nulle, comme faite en fraude de leurs droits.

Le tribunal de Bourgoin ayant, par jugement du 2 avril 1841, repoussé leurs prétentions, la Cour royale de Grenoble, par arrêt du 3 mars 1841, débouta les mineures Gros de tous droits et prétentions dans l'hoirie de leur père à raison de la réduction par elles demandée de la donation de rente viagère faite par Gros à la dame veuve Fortin. Cet arrêt est ainsi motivé :

• Attendu que Gros est décédé laissant un passif d'environ 2 millions et un déficit d'environ 600,000 fr.; qu'à la vérité, Duchesne soutient que ce déficit, au moment du décès de Gros, n'arrivait qu'à 333,000 fr.; mais qu'en admettant même cette dernière appréciation, il n'en est pas moins certain que Gros était déjà de beaucoup au dessous de ses affaires le 2 juin 1830, date de son second mariage ;...

» Attendu que Gros était bien instruit, en 1833, du mauvais état de ses affaires; que la connaissance qu'il en avait résulte des documents du procès, et particulièrement de ce qui a été énoncé et n'a pas été contredit au sujet des causes de sa mort; que dès lors Gros ne pouvait pas non plus ignorer sa fâcheuse position de fortune trois ans auparavant, c'està-dire à l'époque de son second mariage, puis qu'il avait alors pour apprécier cette position les mêmes éléments qu'il a eus plus tard, et que l'on ne peut indiquer aucun fait ni aucun événement qui ait été de nature à lui révéler en 1833 un état de ruine sur lequel il se serait jusque alors abusé;

Attendu qu'il résulte de là que, lorsque Gros a fait par son contrat de mariage avec la veuve Fortin une donation de 5,000 fr. de rente viagère à celle-ci pour le cas où elle lui survivrait, il savait bien que cette donation ne pouvait recevoir aucune exécution qu'au détriment de ses créanciers; que dès lors cette libéralité doit être annulée, aux termes de l'art. 1467 C. civ.;

⚫ Attendu que cette nullité doit d'autant mieux être prononcée, que la libéralité dont il s'agit ne tournerait point au profit de la donataire, mais que, par l'effet de l'action en réduction, elle aurait pour résultat d'attribuer, contre la volonté même de Gros, à ses héritiers bénéficiaires, un émolument dans sa succession, tandis que les créanciers de cette hoirie éprouvent des pertes considérables;

Attendu qu'il importe peu que la veuve Fortin, donataire, ait été de bonne foi, c'està-dire qu'elle ait ignoré l'insolvabilité du donateur, parce que, lorsqu'il s'agit d'aliénation à titre gratuit, la mauvaise foi de l'auteur de la libéralité suffit pour donner lieu à l'application de l'art. 1167 C. civ.;

»Attendu qu'il est également indifférent que par le même contrat la veuve Forlin ait, de son côté, fait donation à son futur époux, sous la même condition de survie, d'une rente viagère de pareille somme de 5,000 fr,; que cette

réciprocité n'imprime pas à ces donations le caractère d'aliénation à titre onéreux: que ce qui le prouve c'est qu'elles sont sujettes à réduction pour le complément de la réserve lé gale; que, d'un autre côté, on ne pourrait invoquer en faveur de ce genre de libéralité la credit., d'après laquelle les donations à titre disposition de la loi 25, ., Quæ in fraudem de dot étaient, sous le rapport de l'action paulienne, assimilées aux actes à titre onéreux, parce que, d'une part, la disposition de cette loi n'a point été reproduite par le Code, et que, d'autre part, elle ne saurait s'appliquer à une donation qui n'est pas faite pour soutenir les charges du mariage, dès qu'elle ne redes époux.› çoit son exécution qu'après le décès de l'un

Gros, a formé un pourvoi basé sur la fausse Le sieur Duchesne, au nom des mineures application de l'art. 1167 C. civ., et sur la violation des art. 1094 et 1098 du même Code, et de la loi 25, au Dig., Quæ in fraudem credit.

. On s'applique, a dit M. le conseiller Tropplong, rapporteur, en reproduisant le système fait il n'a pu y avoir de fraude; que, loin que du pourvoi, on s'applique à prouver qu'en la donation ait pu être faite pour préjudicier aux créanciers, elle pouvait leur être avantales conditions de réciprocité l'auraient mis en geuse car, si Gros avait survécu à sa femme, possession de 5,000 fr. de rente, dont ses créanciers auraient profité. L'acte résiste donc à toute idée de fraude. demandeur, que la Cour royale a été souveraine? Cela serait bon s'il y avait dans l'ar– Dira-t-on, ajoute le l'acte. Or n'y en a pas. On n'allègue que l'inrêt des faits de fraude allégués en dehors de solvabilité lors du contrat. Mais cet état pouretour de fortune; il n'implique pas nécessaivait cesser par d'heureux événements, par un vantage devait être respecté. Madame Gros érement la fraude. Sous un autre rapport, l'atait de bonne foi, la Cour le reconnaît; seuleralité la bonne foi du donataire n'est pas à ment elle prétend que dans les actes de libéconsidérer. (L. 6, §11, Quæ in fraud.) Mais l'acte qui nous occupe n'est pas une libéralité c'est un contrat do ut des. Il est vrai que, pure; il présente un engagement réciproque, dère comme une libéralité; mais, au point de sous le rapport de la réserve, la loi le consigé dans la classe des pures libéralités, et est vue de l'action paulienne, il ne peut être ranà titre onéreux et réciproque. jecte que ce n'est pas le donataire qui profiterait ici du maintien de la donation, que ce L'arrêt obfoi; mais il ne faut pas s'enquérir de ceux qui seraient les enfants du donateur de mauvaise doivent profiter de la stipulation. Il s'agit ici d'une question de principes, et non d'une question de personnes. D'ailleurs la réserve des enfants est encore plus sacrée que le droit des créanciers.

qués par les mineures Gros, M. le rapporteur
Après avoir résumé ainsi les moyens invo-
a fait sur ces moyens les observations suivan¬
tes :

vous paraîtra pas exacte. Il n'est pas juste de
Cette dernière réflexion du pourvoi ne

le sentiment précis d'Ulpien dans la loi 40, 8 14, Dig., Quæ in fraud. creditor.

» Il est vrai qu'à l'égard du mari le contrat de dot est onéreux, puisqu'il a pour condition de soutenir les charges du mariage; et, en ce qui le concerne, on ne pourra faire révoquer la constitution de dot qu'autant qu'il aura été de mauvaise foi. (Venuleius, loi 25, § 1, Dig., Quæ in fraudem.) Mais, à l'égard de la femme, la dot qui lui est constituée est toujours une libéralité, et peu importe qu'elle n'ait pas connu la fraude: Nihilominus in filiam, quæ non scierit, dandam actionem quia intelligitur quasi ex donatione aliquid ad eam pervenisse. (Même loi.) On peut voir làdessus Pothier, dans ses Pandectes (t. 3, p. 194, n. 20), et Furgole (loc. cit.).

«La révocation, dit ce dernier auteur, a lieu même pour constitution de dot. Mais si le mari a reçu la dot, on distingue s'il a » connu la fraude ou non. Au second cas, les > créanciers ne pourraient agir contre lui, » parce qu'il est considéré comme créancier ou acheteur. Mais au premier cas la révoca tion a lieu. Quant à la femme, on n'examine ⚫ pas cela, car, à son égard, la dot est un titre lucratif.

dire que la réserve est préférable aux droits des créanciers. L'art. 922 C. civ. veut qu'avant de faire une part aux enfants, on commence par payer les dettes du défunt. De là résulte une singularité remarquable qui n'a pas échappé à l'arrêt attaqué : c'est que dans l'espèce la donation, si elle était maintenue proliterait non à la donataire, dont on plaide la cause quoiqu'elle ne réclame rien, mais à des personnes que la loi déclare moins privilégiées que les créanciers du donateur. Au surplus, ce sont là des considérations : vous verrez si elles peuvent avoir quelque influence dans l'espèce. Ce qui est plus grave, c'est la déclaration en fait que Gros était de mauvaise foi, ou, ce qui est la même chose, qu'il savait bien que sa donation ne pourrait recevoir aucune exécution qu'au détriment de ses créanciers. Que la Cour, ait bien ou mal apprécié les faits, peu importe. Ce qu'elle déclare en fait répond aux exigences de la loi. Ici en quoi consiste la fraude? Elle consiste à diminuer son patrimoine de manière à nuire sciemment à ses créanciers. C'est ce qu'enseigne Furgole dans son Traité des testaments (t. 4, ch. 11, sect. 1o, n. 20), d'après les lois romaines. Le pourvoire proche à l'arrêt de n'avoir pas relevé d'autres circonstances de fraude, si ce n'est que Gros savait qu'il était au dessous de ses affaires. Mais ne pourra-t-on pas répondre que c'est précisément cette circonstance qui est décisive ? Ecoutons la loi 17, S1, Dig., Quæ in fraud. Lucius Titius avait des créanciers, et néanmoins il donna tous ses biens à des affranchis qui étaient en même temps ses enfants naturels. Quoiqu'on puisse dire que son intention a été plutôt de favoriser ses fils que de faire tort à ses créanciers, néanmoins la donation n'est pas bonne, et voici les paroles de Julianus: Qui creditores shabere scit, et universa bona sua alienavit, intelligendus est fraudandorum screditorum animum habuisse....... Vous voyez que ce jurisconsulte fait résulter la fraude de la simple connaissance de l'existence des créanciers. Ici n'est-ce pas à peu près la même situation? La Cour royale n'a-t-elle pas pu trouver la fraude dans la connaissance que Gros avait de sa déconfiture et de l'impossibilité que la donation pât sortir à effet sans nuire aux droits de ses créanciers ?

Un côté plus délicat du pourvoi est celui qui consiste à soutenir que la donation étais de la nature des contrats onéreux, et que par conséquent il fallait, pour pouvoir révoquer, que la donataire ait eu, comme le donateur, le consilium fraudis. Le pourvoi cher che dans deux causes la preuve que la donation participait de la nature des contrats oné reux. D'abord, dit-on, c'était une donation faite par contrat de mariage et toute donation de ce genre est censée faite à titre onereux. De plus, la donation était réciproque, et les donations réciproques ne sont pas autre chose qu'un contrat do ut des.

Le premier point n'est nullement démontre: les lois romaines qu'on a citées sont loin d'être décisives. En principe, disent les lois romaines, le contrat de dot, malgré sa faveur, est soumis à l'action paulienne. C'est

. Il ne faut donc pas dire que toute donation faile en vue du mariage est, en soi, à titre onéreux; on vient de voir le contraire.- Ici la donation était faite à sa femme; de plus, elle n'avait pas pour but de soutenir les charges du mariage, puisqu'elle ne devait recevoir exécution qu'à la dissolution du mariage. Elle était donc une vraie libéralité.

» Reste maintenant à savoir si la réciprocité ne lui enlève pas ce caractère. Ce point est un peu plus délicat.

» Il est certain que la doctrine des auteurs a toujours eu une tendance à voir le caractère du contrat do ut des dans les donations réciproques.

Tiraqueau, dans son commentaire de la loi Si unquam, établit qu'une telle donation est à titre onéreux, et que la révocation pour survenance d'enfants n'y doit pas avoir lieu. (Sur ces mots : Donations, Largitas, voy. aussi Richard, Don mutuel, glose 1o, chap. 1o, n. 7; Soefye, t. 1or, cent. 4, chap. 55. )

» C'était l'opinion reçue avant ordonnance de 1731. On tenait pour cont que la loi Si quare ne devait pas faire tomber les donohous reciproques, parce qu'elles n'avaient pas une cause purement lucrative et c'est ce qu'avait jugé un arrêt du parlement de Paris du 28 avril 1640, rapporté par Ferrière dans son Comment. de la coutume de Paris (t. 3, p. 1120, n. 9). Mais vous savez que cela fut changé par l'ordonnance de 1734. L'art. 39 soumit les donations mutuelles à la révocation pour survenance d'enfants. C'est aussi ce qu'a fait l'art. 960 C. civ.

>> Ce changement de jurisprudence vous pa raîtra-t-il de nature à affaiblir l'ancienne opinion qui rattachait les donations réciproques aux contrats à titre onéreux ? Ces donations ont-elles été atteintes, non pas parce qu'elles sont de pures libéralités, mais quoiqu'elles soient des contrats à titre onéreux ? Cette opi nion paraîtrait celle de Furgole. « Les dona

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tions mutuelles, dit-il, ne sont pas exceptées » de la révocation, quoiqu'elles soient consi» dérées en quelque façon comme un contrat onéreux et une convention réciproque. »> (Sur l'art. 39 de l'ordonn. de 1731, p. 314.)

Voyons cependant si, en faisant pour l'action paulienne ce que l'ordonnance de 1731 et le Code civil ont fait pour le cas de survenance d'enfants, la Cour royale de Grenoble a expressément violé quelque loi.

» D'abord, si nous voulons savoir comment doit se régler pour la forme une donation réciproque, il est évident que c'est à la forme des vraies donations qu'elle est assujettie. On ne serait pas reçu à soutenir qu'elle peut emprunter la forme libre des contrats à titre oné raux. Ainsi, voilà un premier point: sous le rapport de la forme, le caractère de libéralité domine.

» Sous le rapport de la réserve due aux enfants, c'est aussi comme libéralité que le Code l'envisage. La loi, qui respecte les coutrats à titre onéreux et les rend préférables à la cause des enfants, n'a pas les mêmes égards pour les donations réciproques; elle les traite comme de vraies libéralités. De plus, nous venons de le voir, c'est aussi comme actes à titre lucratif que l'art. 960 C. civ. les atteint pour survenance d'enfants. Enfin, leur nom est celui de donation (art. 960), et Furgole lui-même appelle une donation de ce genre libéralités réciproques. (Sur l'art. 46 de l'ordonnance de 1731, p. 358.) Et, en effet, c'est le caractère de libéralité qui est surtout frappant dans les donations réciproques. Vouloir en faire une spéculation, un calcul d'intérêt, comme un échange, une vente, c'est fausser son caractère, c'est lui enlever ce qu'elle a de méritoire et d'honorable. Voilà déjà bien des considérations qui viennent au secours de l'arrêt attaqué.

» Maintenant voyons les raisons données par les jurisconsultes romains pour ne pas exiger du donataire la connaissance de la fraude faite par le donateur à ses créanciers. Voyons si elle peuvent s'appliquer aux donations réciproques :

Le donataire, dit Ulpien, ne peut se » plaindre d'une injustice. Il ne souffre pas de » dommages; il manque seulement de faire un gain. Nec videtur injuria affici is qui ignoravit. Cum lucrum extorqueatur, non » damnum infligatur.» (L. 6, § 11, Dig., Quæ in fraudem.)

» Dans l'espèce, l'épouse donataire éprouve-t-elle une diminution de son patrimoine par la révocation de la donation ? N'est-elle pas dans la position de celui qui manque de gagner, et non dans la position de celui qui perd? Peut-elle être comparée à celui qui, partie dans un contrat à titre onéreux, aurait livré son argent ou sa chose, et s'en verrait privé? Maintenant, mettez-la en balance avec les créanciers qui ont devant eux la déconfiture de leur débiteur: c'est pour ceux-ci qu'il n'y a pas seulement le lucrum cessans, mais le damnum emergens. C'est à eux qu'on peut appliquer ces paroles d'Ulpien: Damnum infligatur.

Nous terminerons par une réflexion. La

faveur des enfants a paru au législateur assez grande pour que les donations réciproques ne pussent résister à l'action en révocation pour survenance d'enfants et à l'action en réduction pour le cas d'empiétement sur la réserve. Les créanciers méritent aussi leur part d'intérêt. S'ils n'ont pas pour eux ces droits du sang et ces grandes raisons d'affection naturelle qui élèvent la voix en faveur des enfants, ils peuvent invoquer la foi des contrats, et l'équité qui ne veut pas que nul s'enrichisse aux dépens d'autrui!

» Leur cause a même paru tellement sacrée, que les enfants eux-mêmes n'ont d'émolument à prendre dans la succession qu'autant que les dettes ont été préalablement payées. Or, si les enfants ont action contre les donations réciproques pour leur réserve, pourquoi les créanciers n'auraient-ils pas contre elles l'action paulienne ?

Telles sont les considérations que nous avons dû vous soumettre pour vous mettre à même de décider si la Cour royale de Grenoble a violé les lois invoquées. >>

DU 2 JANVIER 1843, arrêt C. cass., ch. req., MM. Zangiacomi prés., Troplong rapp., Pascalis av. gén. Roger av.

• LA COUR; Considérant qu'il résulte des faits reconnus constants par l'arrêt attaqué que le donateur savait bien que la donation de gain de survie qu'il faisait à sa femme ne pourrait recevoir aucune exécution qu'au détriment de ses créanciers, lesquels, par l'événement, n'ont trouvé dans sa succession qu'un passif énorme;

» Qu'en décidant, dans ces circonstances que le donateur avait fait à ses créanciers l'espèce de fraude prévue et réprimée par l'art. 1167 C. civ., l'arrêt attaqué, loin de violer cet article, en a fait, au contraire, la plus juste application;

» Qu'il n'était pas nécessaire que l'épouse donataire du gain de survie fût complice de cette fraude; qu'il s'agissait en effet, dans l'espèce, d'une véritable donation, et que, dans ce cas, l'action en révocation ne prend nullement en considération la bonne foi de la personne gratifiée;

» Qu'on ne saurait enlever à cet acte le earactère de libéralité, soit parce qu'il avait été fait par contrat de mariage, soit parce qu'il serait réciproque; que, d'une part, un simple gain de survie, n'étant pas destiné à sou-tenir les charges du ménage, n'a rien qui le fasse participer de la nature des contrats à titre onéreux; que, de l'autre, les dons mutuels portant le nom de donation, étant soumis aux formalités des donations, étant assujettis, comme donations, à l'action en réduction. et à l'action en révocation pour survenance d'enfants, procédant enfin d'une pensée de libéralité plutôt que d'un motif intéressé, doivent, par conséquent, être traités comme donations, pour ce qui concerne l'action paulienne;

Qu'on doit d'autant plus le décider ainsi, que le donataire par don mutuel qui n'a rien déboursé n'est exposé qu'à ne pas faire un gain, et est moins favorable que les créanciers

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