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du malheur commun, sollicitaient la grâce de ne pas rester ses vassaux : mais le prince de Wolodimer conserva ce reste d'autorité sous le bon plaisir du khan, désormais distributeur des états russes et juge des querelles de leurs princes.

Ainsi fut établie cette souveraineté, qui dura plus de deux siècles et demi, que les Tartares ont appelée la grande horde; les Russes, la horde dorée : ainsi fut consommé l'asservissement de la Russie, plus par la bassesse et la cupidité de ses princes, que par le fer des Tartares. L'hommage fut suivi du tribut.

On ne peut déterminer quel fut d'abord ce tribut: il est à croire qu'il variait, au caprice des khans. Lors de la première invasion, le général mogol avait demandé aux princes de Riæzan la dîme de tout ce que possédaient les seigneurs et le peuple. Les chroniques russes assurent qu'après la soumission d'Iaroslaw, Baatikhan voulut bien se contenter de simples présens : mais ce n'était là, suivant un usage commun dans l'Orient, que des tributs déguisés; et d'ailleurs bientôt Bourgai, frère et successeur de Baati, en imposa de réguliers, perçus avec les formes les plus humiliantes (1) : voilà ce qu'on ne peut pas contester.

(1) Le baron d'Herberstein dit, dans son Histoire, qu'à l'arrivée des ambassadeurs tartares, le grand prince était obligé d'aller au-devant d'eux hors de la ville, et de les entendre debout, tandis qu'ils étaient assis: sedentes stans audiebat. (De rebus Moscov. Comment. pag. 8.)

Voltaire ajoute (a) que « les grands princes étaient obligés de porter (4) Essai sur les mœurs d'c., 1785, tom. III, pag. 8.

L'orgueil tartare n'avait point encore été satisfait de la démarche qu❜laroslaw avait faite à la horde dorée. On exigea d'abord que son fils allât renouveler le même hommage aux pieds du grand khan, dans la capitale de l'empire Mogol. Ce voyage dura plus d'un an. Bientôt le grand khan mourut.... Iaroslaw reçut ordre d'aller lui-même féliciter le successeur d'Octaï. Il partit pour Karakoum, et ne revit plus sa patrie : il succomba aux fatigues de ce long voyage.

Qui pourrait penser qu'une autorité soumise à de pareilles humiliations dût tenter les enfans d'Iaroslaw? Ils s'arrachèrent pourtant, avec un acharnement féroce, les débris de ce triste héritage; ils invoquèrent le jugement du khan : c'était à lui de régler l'ordre de la succession. Ils disputèrent de bassesse obtenir son suffrage (1). Alexandre Newski l'emporta sur ses rivaux. Les Russes ont fait un héros de cet Alexandre : récapitulons les titres de sa gloire.

pour

eux-mêmes le tribut à l'ambassadeur tartare, de se prosterner à ses genoux, de fui présenter une coupe de lait, et s'il en tombait sur le cou de son cheval, de le lécher. » D'autres nient, d'après les chroniques russes, que les grands princes se soient soumis à cet opprobre. Le témoignage de Voltaire est confirmé par le passage suivant, tiré de l'ancienne Généalogie des grands-ducs de Moscovie, extraite de feurs annales: Ea verò potentiâ tantopere Tartari abusi sunt, ut, cùm legatos suos ad Moscovia principem mitterent, is ipsis obviàm prodire, et pateram, equino lacte plenam, exhibendam offerre, et si quid in jubam equi deflueret, illud lambendo sorbere : in regiam verò introductos, nudato capite, sedentibus adstans, atque omni honore afficiens, audire cogeretur. (Genealogia &c. ; Francofurti, 1600.) (1) Rerum Moscoviticarum Commentarii, pag. 6.

Jusques à lui, Novogorod ne s'était point soumise au joug des Tartares: il compléta leur ouvrage. Le tribut fut régularisé sous son règne, comme nous l'avons déjà dit. Après qu'il a rendu hommage à Bourgai, nouveau khan de la grande horde, on le voit ramener avec lui des officiers tartares, appelés baskaks, chargés d'évaluer les propriétés russes, d'établir et de lever les taxes. Alexandre veut être lui-même le gardien des baskaks, l'huissier des collecteurs (1). Les habitans de Novogorod, indignés, se soulèvent; ils ont pour les commander Wassili, fils d'Alexandre; ils se mettent en mesure de résister à l'oppression étrangère. Mais Alexandre n'écoute ni la voix de la patrie, ni celle de la nature : à la tête des Tartares, il combat ses propres sujets; vainqueur, il poursuit son fils, le chasse au-delà de Pleskoff; il livre à des bourreaux le possadnik (2) de Novogorod; il fait couper le nez et les oreilles à un nombre considérable d'habitans; une foule d'autres expirent dans les supplices les plus douloureux, et l'ancienne capitale de l'empire est enfin réduite à payer le tribut aux Tartares.

Alexandre, n'osant ni venger ni délivrer sa patrie (3), voulait satisfaire son goût pour la guerre. Aidé des Tartares qui accompagnaient les baskaks, il tourna ses

(1) Leclerc et Lévesque, Hist. de Russie.

(2) Officier civil qui remplissait à peu près les fonctions des bourgmestres d'aujourd'hui dans les villes d'Allemagne.

(3) Histoire universelle, trad. de l'anglais, liv. xxx.

armes

armes contre les Livoniens et les Suédois; il remporta sur eux, aux bords de la Newa, une victoire d'où il acquit le surnom de Newski... Au lieu de faire cette expédition fatale à ses voisins, mais inutile à son peuple, il aurait pu profiter d'une division qui s'éleva entre les successeurs de Baati-khan, de la scission d'une horde qui se rendit indépendante au nord et à l'est de la mer Caspienne, sous le nom de son chef Nogai. Alexandre n'avait peut-être alors qu'à seconder l'indignation de ses sujets, toujours prêts à se soulever contre les taxateurs tartares. Le vainqueur des Suédois ne montra que de l'indécision; il courut en hâte apaiser le ressentiment de la grande horde par les plus lâches soumissions (1): il n'avait paru s'armer contre ses voisins que pour les soumettre au joug qu'il supportait avec tant de patience. Il mourut dans un froc: on en a fait un saint et le patron de l'ordre institué (2) en 1725.

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Sous les successeurs d'Alexandre Newski, la même ambition produit les mêmes résultats. Novogorod disputait toujours son indépendance et ses priviléges (3).

(1) Histoire universelle, trad. de l'anglais, liv. xxx.

(2) Ou du moins organisé; car des historiens prétendent que c'est Pierre I.cr, et non Catherine I.re, qui l'a institué.

(3) Ces priviléges, consentis par Alexandre et ses successeurs à leur réception, étaient que le grand prince ne pourrait employer que des citoyens dans les affaires du gouvernement; qu'il ne permettrait qu'à eux d'acquérir des terres et des villages; qu'il ne rendrait aucun jugement sans l'assistance du possadnik; qu'il ne recevrait pas le témoignage

C

Les princes russes dirigent leurs attaques, tantôt contre cette cité, tantôt contre leurs voisins: voilà comme le temps de leur servitude est marqué par des guerres continuelles avec la Suède, avec les chevaliers porteglaives (1), avec la Pologne.

Les historiens russes ou ceux qui se montrent toujours dévoués à la cause de la Russie, ont voulu jeter tout l'odieux de ces agressions sur ces puissances, dont la jaHousie profitait, disent-ils, « de l'abaissement et des mal>> heurs de la Russie, pour s'en partager les dépouilles >>. En admettant que l'intérêt ou la vengeance ait quelquefois été le motif secret de ces guerres sanglantes, si l'on veut considérer que les princes russes étaient alors vassaux et tributaires de la grande horde, qu'ils avaient constamment des Tartares (2) dans leurs armées, on verra que ces guerres et ces conquêtes, dont quelques écrivains accusent exclusivement la Suède et la Pologne,

des valets contre leurs maîtres; qu'il n'entreprendrait la guerre que du consentement de la république, et n'emploierait, dans le commerce avec l'Allemagne, que des sujets de Novogorod, &c. &c. (Sur l'administration de cette république, voyez Leclerc, Hist. de la Russie ancienne, tom. I et II, pag. 239 et suiv.)

(1) Voyez, sur l'établissement des chevaliers porte-glaives, chap. III de cet ouvrage, p. 56.

(2) Ces Tartares étaient ordinairement envoyés avec les officiers chargés de lever le tribut. Souvent d'ailleurs les khans accordaient des secours particuliers aux princes russes qui les demandaient; « car, en

combattant pour la Russie, dit Lévesque, les Tartares défendaient » leur propre domination, et l'étendaient même par les victoires du >> peuple qu'ils avaient soumis,» (Hist. de Russie, t. II, pag. 104.)

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