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cousins. Tour-à-tour vainqueur et vaincu, il fit crever les yeux à son cousin Kossoy, et reçut ensuite le même traitement. Replacé sur le trône, il régna, dans ce triste état, près de seize ans. Sa vie n'avait été qu'un enchaînement de malheurs, de troubles et de vicissitudes singulières.

Il était réservé à son successeur de recueillir les avantages que la fortune avait ménagés à la Russie, comme malgré ceux qui la gouvernaient. Plusieurs familles apanagées s'étaient éteintes durant les derniers troubles; d'autres avaient été dépouillées par la violence. La réunion de leurs domaines avait rendu la puissance du grand prince formidable à ses vassaux. Dans les discordes des Tartares, il ne manquait à la Russie qu'un chef qui connût sa force, et qui sût profiter de leur faiblesse : Iwan III parut, et la Russie fut affranchie.

A peine sur le trône, il mesura la carrière qu'il avait à parcourir; il vit le but et y marcha sans se détourner, avec cette volonté ferme et cette inflexibilité de caractère qui assurent enfin le succès. Les Tartares de Crimée venaient d'attaquer ceux du Kaptschak ; il marche à Kasan et rend Ibrahim-khan tributaire. Les citoyens de Novogorod se disputaient les restes d'une liberté orageuse; les uns voulaient Iwan pour souverain, les autres appelaient le roi de Pologne comme protecteur.... Iwan prévient la guerre civile par une incursion subite. II envoie les plus riches citoyens peupler d'autres villes ; il punit les turbulens; enfin il soumet pour toujours

cette fameuse cité, qui avait donné tant d'embarras à ses prédécesseurs. On prétend qu'elle pouvait ariner deux cent mille hommes : on peut le croire à l'importance des guerres qu'elle a soutenues. Mais, dès qu'elle fut soumise, sa population s'affoiblit, son commerce décrut, sa renommée tomba; on ne dit plus d'elle : Qui oserait s'attaquer à Dieu et à Novogorod la grande! >>

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Iwan III n'avait pas achevé cette conquête, lorsque parurent à sa cour des envoyés d'Akhmet-khan pour lui demander le tribut et l'hommage. Iwan prend le basma, c'était l'ordre scellé du grand sceau tartare; il le déchire, le foule aux pieds, et fait égorger tous les députés qui l'avaient apporté, à l'exception d'un seul qu'il charge d'aller dire à son maître le cas qu'il fait de ses ordres. La première action était d'un héros, l'autre d'un barbare; mais cette fois elle sembla justifiée par la victoire. En vain Akhmet assemble des forces immenses pour en tirer une vengeance éclatante: la terreur avait passé, comme la discorde, des Russes chez les Tartares. Akhmet est vaincu dans plusieurs rencontres. Tout-àcoup il apprend que les Russes ravagent la grande horde; il court défendre ses foyers. L'armée russe avait disparu, mais il y trouve de nouveaux ennemis; ce sont les Nogais accourus pour partager les dépouilles du vaincu. L'infortuné Akhmet fait le dernier effort du désespoir : il perd la bataille, l'empire et la vie. Ainsi la grande horde finit. Elle avait été fondée en 1237,

elle est détruite en 1475, et la Russie ne se trouve complétement délivrée que par le secours d'une tribu de ces mêmes barbares (1) qui l'avaient asservie. Arrêtons-nous à ce jeu bizarre de la fortune.

(1) Nous nous servons ici d'une épithète que les préjugés et l'habitude autorisent peut-être plus que l'examen réfléchi des faits et l'observation impartiale du caractère des nations. Sans doute que si nous comparions les mœurs, les usages, les connaissances des Tartares, à l'époque de leur domination, avec ce qu'étaient alors les Russes, et même avec ce qu'ils sont aujourd'hui dans presque toutes les provinces de ce vaste empire, nous trouverions que ce ne sont pas les Tartares qu'il faudrait appeler barbares (a): car enfin, oublions pour un moment les violences de leur première invasion, et nous trouverons dans la conduite des khans du Kaptschak autant de bonne foi, de modération, d'équité, que nous avons vu de cupidité, d'ambition, de perfidie et de férocité dans la conduite des kniaz ou princes russes, L'intérêt de ceux-là leur prescrivait d'entretenir la discorde entre ceux-ci : mais, il faut le reconnaître, on voit presque toujours la justice et la générosité dicter les jugemens de la grande horde aux princes qui viennent les solliciter..... Ils auraient pu s'emparer de la domination absolue, ils se sont contentés d'avoir des vassaux; ils ont respecté les mœurs, les lois, la religion des vaincus. Ils ont commis des cruautés; mais les princes russes leur en avaient donné l'exemple, en massacrant deux fois leurs ambassadeurs.... Dans le reste de leur conduite, étaientils plus humains que les Tartares? Leur histoire dépose contre eux (b). Quant à la civilisation, tout prouve qu'elle était fort supérieure chez les Tartares.

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On trouve encore,

dans les pays habités par les Tatars-Mongols, dit Storch (c), de fréquens monumens de leur ancienne grandeur, de » leur magnificence et de leur civilisation : quelques-uns ont plus de mille ans d'antiquité; souvent on foule aux pieds des ruines de ces

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(a) Voyez le Tableau que lè baron d'Herberstein en fait. (Rer. Moscovit. Com. p. 66).. (b) Leclerc, Hist. de la Russie ancienne, tom. II, pag. 93.

(c) Tableau de l'empire de Russie, tom. I, pag. 165.

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villes, dont les débris dispersés prouvent les progrès des arts chez une » nation que nous traitons communément de barbare. On voit encore plus fréquemment des tombeaux dont les inscriptions servent à nous » donner des éclaircissemens sur l'histoire de ce peuple, et qui nous » fournissent des preuves intéressantes de son goût et de son indus» trie par les bijoux et les ustensiles qui s'y sont conservés. Ces objets » tiennent aux progrès de la civilisation, »

Que ces objets aient été fabriqués par des ouvriers tartares ou par des Européens attirés à la cour des khans, comme Muller et Coxe le prétendent (a), ils annoncent toujours un goût bien supérieur à celui des Russes; et, dans cette hypothèse, on ne peut s'empêcher de faire une réflexion. Nous avons vu les Russes résister à l'influence des Grecs; la lumière des sciences et des arts n'a pu pénétrer chez eux avec la religion maintenant, deux cent cinquante ans de mélange avec les Tartares n'ont pas encore changé l'âpreté de leurs mœurs, ont donné aucun des arts du vainqueur (6). Ainsi la Russie ne gagne jamais rien à ce qui fait des révolutions heureuses chez presque tous les peuples.

(a) Coxe's Travels into Russia, &c., London, in-4.o, 1785, vol. II, pag 127.

ne leur

(b) Nous nous trompons : ils en ont pris la manière de préparer les cuirs dits de Russie, ou plutôt de Roussi.

1482.

CHAPITRE III.

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*Conquêtes sur les Tartares.- - Iwan. IV. Fin de la dynastie de Rurick. - Anarchie.

IWAN III, à peine échappé au joug des Tartares, corr çoit les plus vastes desseins. Il épouse en secondes noces une petite-fille de Michel Paléologue, comme pour se ménager des droits au trône impérial d'Orient, qui venait de s'écrouler (1). Il faisait, comme nous l'avons dit, remonter son origine jusqu'à la famille d'Auguste; il prend le titre de tzar (2); il substitue l'aigle noire à deux têtes au Saint-George qu'on voyait sur la bannière de ses aïeux (3). C'est toute la dot qu'il reçut de son ambitieuse épouse.

Toujours entreprenant, souvent heureux, il battit les Lithuaniens; il conquit le duché de Sévérie; il réunit à ses domaines la principauté de Twer; il porta ses armes jusque sous la zone glaciale, dans la Permie (ancienne Biarmie), au-delà des montagnes de l'Ougourie. Ce fut là que les Russes virent pour la première fois des

(1) Coxe's Travels, in-4.o, vol. II, pag. 133.

(2) Ce mot signifie roi dans la langue slavonne; il a donné lieu à des › discussions dans lesquelles nous ne pouvons pas entrer. Voyez Genealogia magni Moscovia ducis, Francfort, 1600; Description de l'Empire russien, par le baron de Stralhemberg, traduit de l'allemand, Paris, tom. I, pag. 236, 241; et Coxe's Travels, vol. I, pag. 198 et 200. () Ibid.

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