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dorées, de ces buffets garnis de vaisselle d'or et d'argent, les paysans, les bourgeois et les marchands, misérablement habillés de toile ou de gros drap, avaient de petites huttes construites avec des troncs d'arbre assemblés les uns sur les autres, revêtus de mousse à l'extérieur (1): ils ignoraient l'usage du verre ; une pierre transparente, un morceau de parchemin, leur tenaient lieu de vitres. Une seule pièce carrée, àu milieu de laquelle on allumait le feu, des bancs sculptés à la hache, attachés tout autour, tenaient lieu de siége, de table et de lit (2). C'est là qu'avec quelques pots de terre et des écuelles de bois pour tous ustensiles de ménage, les paysans étaient entassés pêle-mêle avec leurs femmes, leurs enfans et leurs bestiaux (3); et les boyards ne les surpassaient guère par les agrémens de la vie domestique.

Dans cet état sauvage de la population russe, il n'y avait point d'industrie: on ne faisait que de gros draps, des toiles à voile, des instrumens grossiers pour l'agriculture. Le commerce ne pouvait être bien

(1) Hackluyt's Principal Navigations of the English nation, vol. I, pag. 319. Tuberville, Letter to Spencer, &c.

(2) Ibid.

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Where he is wont to heave a beares skinne for his bed,

And must, in stead of pillow, clap his saddle to his head.

« On est étonné d'y trouver une peau d'ours pour matelas, et tout » heureux de se servir de sa selle en guise d'oreiller. »

(3) Voyage d'Oléarius, pag. 98.

florissant (1), et cependant nul peuple n'avait été mieux placé pour en recueillir les bienfaits. Ses relations avec Constantinople datent de la conquête de Kiow. Ensuite son commerce s'ouvrit avec les Génois par la voie de Kaffa et par l'intermédiaire des Tartares de la horde dorée, et après la conquête d'Astrakhan, avec les Arméniens et les Indiens (2). Novogorod, qui avait été le marché général du Nord, perdit cet avantage après sa réduction pendant les guerres de Livonie, et sur-tout par l'établissement des marchands aventuriers anglais à Arkhangel, à Moscow, à Vologda, à Kholmogor... Les principaux articles d'exportation consistaient alors en fourrures, cuirs, mâts, chanvres, cordages, suifs, miel, cire, huile de baleine, goudron, &c. ; les articles d'importation se composaient principalement d'étoffes d'or, de soie ou de coton, de draps fins, de papier, cuivre, plomb, &c. (3). Le commerce s'était fait d'abord par échange; ensuite les Russes reçurent beaucoup de monnaies d'Allemagne et des lingots. Enfin, ce n'est qu'au XVI.° siècle qu'on battit régulièrement monnaie dans la monarchie russe (4)... Quoique les besoins de

(1)

« II

» si

No wonder, though they use such vile and beastly trade;
Sith with the hatchet and the hand their chiefest goods they made.

(1." Letter, to Ed. Dancie.)

les Russes fassent un commerce si vil et belles marchandises sont faites à la hache et par

faut
ne pas s'étonner que
sauvage; leurs plus

» des mains grossières.

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pag. 224 et 225.

(2) Leclere, Hist. de la Russie moderne, tom. I, (3) Herberstein, p. 40 et 42.— Anglorum Navigatio, p. 150, etë. (4) A Novogorod même, dans cette ville citée par les Russes comme

ses

ses habitans fussent très-bornés, et qu'ils eussent à fournir des denrées nécessaires pour des objets de luxe, il est à remarquer que la balance était en faveur de la compagnie anglaise, et la constance qu'elle mit à poursuivre ce commerce (1) est une preuve des bénéfices qu'elle en retirait.

la preuve de leur ancienne civilisation, on ne se servait encore, au commencement du XV.e siècle, que de petites monnaies tartares, de fragmens de peaux de martre ou de morceaux de cuir frappés d'une empreinte. On ne commença qu'en 1425 à battre des monnaies d'argent fort grossières. Cela est prouvé par l'histoire numismatique de Russie. Sub principe Constantino Dimitrievitz, cives Novogrodenses argenteos nummos cudere cœperunt, iisque uti in mercatura: primò enim mercabantur pelliculis ex frontibus martium detractis; ante dictas verò pelliculas, restellis martium mustellarumque, etc.

(1) Le nombre des bâtimens employés à ce commerce montait, en 1582, à neuf, et il s'accrut par degrés : il n'avait pas cessé, même dans ce temps de désordres, où l'avidité des Anglais trouvait toujours son compte. Le roi Jacques I.er avait un ambassadeur et un consul à la cour de Boris Goudounow. On peut conjecturer qu'ils restèrent en Russie d'après la lettre de protection spéciale qu'Otrepieff leur écrivit en 1605, et que Leclerc et Coxe rapportent. (Hist. de la Russie ancienne, tom. II, pag. 87; Coxe's Travels.)

Malgré des faveurs tant de fois renouvelées, le commerce anglais avait souvent à se plaindre. La balance due par les Russes n'était pas exactement payée. Par un compte fait en 1581, le trésor du tzar était en arrière, soit pour achat de marchandises, soit pour sommes payées, de 4,273 roubles 25 altines. Il paraît même que cette dette donna lieu d'imposer quelques droits; et, sur la fin du règne d'lwan IV, la compagnie fut forcée de payer annuellement, et par compensation de droits, une somme de 2,000 liv. sterl. (W. Tooke's View of the Russian empire, vol. II, p. 562.) De la mort d'Otrepieff à l'avènement des

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Un historien dit que l'ancienne compagnie de marchands russes établie en 1419 s'était rendue digne de la confiance de l'étranger par sa probité (1). Il paraît qu'elle n'a pas conservé long-temps cette réputation; car, d'après tous les voyageurs (2), la fourberie, la mauvaise foi, la friponnerie des marchands russes passa bientôt en proverbe. Il fallait que leur commerce offrit bien des avantages pour que les Anglais y restassent si fortement attachés.

Malheureusement le génie trompeur ét fa corruption profonde des marchands russes étaient remarquables dans toutes les classes (3).

Romanow, il paraît que dans les troubles le commerce anglais fut suspendu; mais, à la sollicitation de Jean Meric, envoyé de Jacques l.or auprès de Michel, le tzar leur accorda encore le privilége exclusif. Purchas's Pilgrims, vol. III, pag. 738. Voy. chap. V, Coxe's Travels, vol. II, pag. 222.),

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(r) Leclerc, Hist: de la Russie modernc ; tom. I, pag:225.

(2) Nous ne pouvons que les indiquer. Voyez Guagnini, Moschevia Descriptio, pag. 156.-Le baron Herberstein, p. 43 et 46. L'abrégé de son opinion est dans ces mots : Mercantur fallacissimè et dolosissimè. — « Il est vrai, dit Oléarius, que les Moscovites ne manquent point d'esprit; mais ils l'emploient si mal, qu'il n'y a pas une de leurs actions qui ait pour but la vertu, et la gloire qui en est inséparable............... » Leur industrie et la subtilité de leur esprit paraissent principalement » en leur trafic, où il n'y a point de finesse ou de tromperie dont ils ne » se servent pour fourber les autres, plutôt que pour se défendre de l'être.... ; et d'autant que la tromperie ne s'exerce point » sans fausseté, sans menterie et sans défiance, qui en sont inséparables, » ils savent merveilleusement bien s'aider de ces belles qualités, aussi bien que de la calomnie. » (Voyage d'Oléarius, pag. 145 et 146.); (3) C'est de là qu'était venu cet ancien proverbe, dont une longue

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Si l'on voulait juger de l'état des mœurs russes à cette époque, d'après un ouvrage fait sous les yeux de Catherine II, on serait tenté de regarder les peuples contemporains comme des barbares, des inpies, des débauchés, et la Russie comme l'asile de la sagesse, de l'innocence, du bonheur et de la liberté. On y voit les vieillards rendre la justice, ou s'entretenir des affaires publiques; les jeunes gens les écouter avec respect; et la piété, l'ordre, la simplicité, les bonnes mœurs et l'union régner dans les familles (1).

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expérience avait confirmé la vérité : « Voulez-vous savoir si un Mosco>> vite est honnête homme! regardez s'il a du poil dans le creux de la » main; si vous n'y en trouvez pas, concluez que c'est un fripon. (The state of Russia by capt. John Perry, pag. 216. Hist. univ., liv. xxx.) «De cette façon d'agir et du peu de fidélité qu'ils ont entre eux, l'on >> peut juger de ce que les étrangers en peuvent espérer, et jusqu'à quef point on peut s'y fier : ils n'offrent jamais leur amitié, et n'en con»> tractent jamais que pour leur intérêt particulier, et à dessein d'en pro» fiter. La mauvaise nourriture qu'on leur donne en leur jeunesse, en laquelle ils n'apprennent au plus qu'à lire et écrire et quelques petites prières vulgaires, fait qu'ils suivent aveuglément ce qu'on appelle aux » bêtes l'instinct ; de sorte que, la nature étant en elle-même dépravée et » corrompue, leur vie ne peut être qu'un débordement etun dérégle »ment continuels. C'est pourquoi l'on n'y voit rien que de brutal et » des effets de leurs passions et appétits désordonnés, à qui ils faissent » la bride sans aucune retenue. » (Voyage d'Oléarius, pag. 148.)

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(1) Voici cet édifiant tableau, tel qu'il se trouve dans l'Antidote, P. 129,130, 131: « Il n'y eut point de nation jamais qui fût plus gou» vernée par les mœurs et les coutumes que la nôtre.... Entrons dans » les maisons les plus notables: elles étaient petites, et aucun luxe n'y » régnait; toute une famille, très-étroitement logée, y demeurait; les » hommes occupaient l'appartement d'entrée, et les femmes le plus

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