étoient les seules barrières des passions, et que là ou elles n'existoient pas, on pouvoit saivre librement les inclinations les plus déréglées. Sur ce qu'on lui reprochoit de donner un sens faux à quelques mots grecs qu'il prétend expliquer dans son livre, il avoua qu'il ne savoit pas le grec, et qu'il s'en rapportoit aux explications qu'il trouvoit dans d'autres auteurs. Comme on Ini objectoit qu'il y avoit peu de bonne foi à citer les difficultés rapportées par des écrivains catholiques, sans faire mention des réponses qu'ils y joignent, il s'excusa en disant qu'à sou jugement ces réponses ne valoient rien. Enfin, il s'appuya constamment sur sa seule autorité, sur son propre sens, et parla de la manière la plus irrévérencieuse des Pères, et même du divin auteur du christianisme. Il se vanta d'avoir réduit au silence les hommes les plus distingués de la capitale, et attendoit, disoit-il, qu'on le réfutât; mais il trouvera, quand il voudra, la réfutation de ses erreurs dans les livres même où il a pris ses objections. Il ne s'agit pour lui que de les lire avec d'autres yeux, et d'apporter à l'examen de ces graves questions plus de bonne foi, de réflexions et d'amour pour la vérité. Puisse-t-il entrer dans ces sentimens, et reconnoître avec Paul combien il est dur de résister à la voix qui nous appelle et a la lumière qui nous éclaire! - On nous a fait passer une gazette américaine qui contient une notice intéressante sur M. Matignon, doc teur et professeur de Navarre, mort l'année dernière à Boston, et dont nous avions dit un mot dans notre numéro 518. Cette notice, très bien faite, est d'autant plus remarquable qu'elle offre, dans une gazette protestante, un éloge complet d'un prêtre distingué par son zèle et sa piété. Nous allons en présenter la substance, pour suppléer à ce que nous n'avions pas dit. - M. Fran çois-Antoine Matignon étoit né à Paris, le to novembre 1753. Voué à l'étude et à la religion dès sa jeunesse, il se fit connoître par ses talens en même temps qu'il éloit aimé et estimé par ses qualités. Il fut ordonné prêtre le 19 septembre 1778, qui fut précisément le jour du mois et de la semaine où sa dernière heure devoit sonner quarante ans après. L'abbé Matignon, prêtre en licence en 1782, prit le bonnet de docteur en 1785; il fut alors nommé professeur d'Ecriture sainte dans la maison de Navarre, et il occupa cette chaire jusqu'à la révolution. M. de Brienne lui avoit obtenu une pension du Roi. Lors de nos troubles politiques, l'abbé Matignon passa en Angleterre où il resta quelques mois: il y prit la réso lution d'aller en Amérique, où il savoit que le besoin de prêtres étoit extrême. Etant répassé en France pout prendre ses derniers arrangemens, il partit pour Baltimore; et M. Carroll, qui apprécia bientôt son mérite, jugea à propos de lui confier la congrégation catholique de Boston; M. Matignon y arriva le 20 août 1792, et les catholiques de Boston durent remercier la Providence de leur avoir ménagé un tel pasteur. M. Matignon n'étoit pas seulement un théologien consommé et nourri de la lecture des Pères, un logicien exact, un critique habile; il joignoit à ces avantages une douceur et une bonté inaltérables, la piété la plus aimable, la charité la plus active. Les pécheurs et les malheureux trouvoient en lui un père également habile à ramener les uns et à consoler les autres. Il étoit difficile de résister à ses ma nières ouvertes et engageantes, à ses insinuations paternelles, à sa bienveillance affectueuse. Ces qualités étoient plus nécessaires à Boston qu'ailleurs pour dissiper les préventions enracinées que les habitans de la Nouvelle-Angleterre avoient conçues contre les prêtres catholiques. Tous ceux qui ont connu M. Matignon, apprirent à revenir au moins en partie de ces préjugész sa charité désarmoit les uns, ses connoissances et ses raisonnemens en imposoient aux autres, et sa prudence le mettait en garde contre toute fausse démarche, et qui eût donné prise sur lui. Il soutint seul pendant quatre aus tout le poids du ministère, jusqu'à ce que la Pro vidence lui envoya un coopérateur dans la personnie de M. Chéverus, l'évêque actuel. Ces deux hommes vénérables étoient faits l'un pour l'autre par la conformité de leurs goûts, de leur caractère et de leur piété. Ils passèrent ensemble vingt-quatre ans, se consolant dans leurs peines (car leur ministère leur en offrit), et travaillant dans le plus heureux accord au bien de leur troupeau. M. Matignon est mort à Boston le samedi 19 septembre, laissant à sa chère congrégation un évêque animé de son esprit, et dont il s'honoroit de n'être que l'aide et le second, après avoir été son maître et son guide. PARIS. Une ordonnance du Ror augmente de 200 fr., à dater du 1er. janvier prochain, le traitement annuel des lieutenans et sous-lieutenans des troupes de ligne. - Le 11, a eu lieu l'ouverture des cours annuels de l'école royale Polytechnique. Une messe du Saint-Esprit a été célé brée dans la chapelle de cette école. M. l'abbé Frayssinous a ensuite prononcé un discours sur l'alliance des sciences avec la religion; alliance dont on a vu tant de grands exemples dans les siècles passés, et qui seroit encore aussi utile qu'ho norable pour les sciences et pour les lettres. - MM. le général Tarayre, Cadet-Gassicourt, et Léon Thiessé, ont reçu une assignation pour comparoître devant M. Meslier, juge d'instruction, comme témoins dans l'affaire de MM. Gévaudan et Simon, relativement à la société des Amis de la liberté de la presse. -Les correspondances publiées dans les journaux étrangers parlent, toutes les semaines, d'un changement de ministère en France. Ces bruits variables et contradictoires paroissent destitués de fondement. - Nos feuilles libérales nous présentent l'Allemagne comme livrée à l'agitation la plus vive, et elles répètent que les princes ne pourront y rétablir la tranquillité qu'en donnant des constitutions. Un voyageur qui parcourt l'Allemagne depuis un an, a remarqué qu'il y avoit en effet de l'agitation, : mais seulement dans les pays pourvus de nouvelles consti tutions, ou dans ceux auxquels on en avoit proinis, et que les pays qui ont conservé leurs anciennes constitutions d'Etats jouissent du calme le plus profond. - La princesse de Galles est à Montpellier depuis le 28 octobre. A son arrivée dans cette ville, elle a reçu la visite du général de division, du préfet et du praire. - Le conseil général du département du Morbihan a des tiné une somme de 1800 fr. pour la restauration des tombeaux de Jean II et de Jean III, anciens ducs de Bretagne. - Le roi d'Espagne a nommé M. le marquis de Mata-Florida secrétaire d'Etat au département de la justice, en remplacement de M. Lozano de Torres. Ce prince a donné 15,000 réaux pour la souscription ouverte en faveur des inalades de Cadix. Les infans ont aussi contribué; mais ils n'ont pas voulu que la valeur de leurs dons fût connue. On a publié l'année dernière à Reggio, dans l'Etat de Mos dène, un ouvrage sous ce titre: Le Creature ampio libro dell'uomo, ou les Creatures grand livre de l'homme; ou vrage de Raymond de Sebonde, phlosophie du 15c. siècle, refondu et adapté aux études de la jeunesse du age. siècle; 2 vol. in-12. Il est dédié à Farchiduc d'Autriche, duc de Modène. La préface entre dans quelques détails sur le premier travail de Raymond de Sebonde, et sur ce qu'y á ajouté l'éditeur. Raymond de Sebonde, dont nous eûmes oc casion de parler dernièrement, étoit né à Barcelone au 14. siècle, et mourut à Toulonse vers 1432, après y avoir oc cupé une chaire avec distinction. Le plus connu de ses on vrages est sa Théologie naturelle, où, comme le titre l'in dique, il se proposoit de conduire l'homme à Dieu panele spectacle de cet univers et de toutes les créatures, et par les seules forces de la raison. Cette idée a paru heureuse et utile à un membre d'un corps célèbre, et en changeant quelque chose au premier plan de Sebonde, il s'est proposé d'arranger l'ouvrage selon le goût de notre siècle, et d'offrir à la jennesse un préservatif contre une métaphysique ténébreuse. Dans le premier livre, il traite des créatures et du créa tear; il jette un coup d'œil sur le monde physique, et y trouve la preuve de l'existence d'une cause première. Il exa mine quels peuvent être les principaux attributs de cette cause; puis s'attachant à considérer l'homme, il cherche à connoître son origine, sa nature, ses devoirs, sa fin. Il le montre maître de la terre, dominant sur tous les êtres, faisant tout servir à ses besoins ; mais en même temps, obligé de porter au créateur les hoinmages de toutes les créatures, et d'aimer, dans ses semblables, le Dieu qui nous a fait tous. C'est là qu'est notre félicité. Ce que l'auteur dit contre le matérialisme, sur l'existence des esprits, sur le péché originel et ses suites, est d'une saine philosophie, et est présenté d'ailleurs dans un style facile, et dans une forme propre à exciter l'intérêt d'une jeunesse curieuse de s'ins truire. Dans le second livre, qui traite du monde moral, l'auteur, remontant aux temps les plus reculés, considère l'état des nations, leurs erreurs, leur corruption, leur culte insensé. Une seule se montre à nous sous un aspect extraordinaire; elle paroît favorisée d'une protection spéciale; elle offre un livre rempli de dogmes importans, de beaux préceptes, de grands exemples. L'auteur examine ce livre, et y voit des caractères de divinité. L'arrivée du Messie continue ce grand tableau; elle résout bien des difficultés et éclaircit bien des ténèbres. La vie et la mort de Jésus-Christ forment un spectacle im posant, et les suites de sa mort ne sont pas moins admirables. Les apôtres auroient-ils pu convertir le monde par leur seule vertu, triompher de tant de passions et de préjugés? Le doigt de Dieu est là. Nous ne suivrons point l'auteur dans ses réflexions sur l'établissement du christianisme, sur les vertus des chrétiens, sur les Mahométans et les Juifs, sur les prérogatives de l'Eglise, sur les protestans, et nous arrivons à la grande erreur de notre temps, à cette incrédulité qui sape la religion par la base, et qui devroit être confondue par les derniers triomphes de l'Eglise sur ses ennemis. L'auteur peint rapidement ces événemens, et terimine par une suite de faits propres à faire juger la nouvelle philosophie et ses partisans. Il nous fait l'honneur, en cet endroit, de nous citer plusieurs fois, et paroît connoître la littérature françoise. Son ouvrage renferme beaucoup de choses dans un petit espace, et nous regrettons seulement qu'il soit écrit dans une langue qui n'est pas familière à tous nos lecteurs. |