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vain M. Baroche défendit le paragraphe avec une décision, une énergie et une fermeté qui n'étaient jamais allées plus loin; ses efforts échouèrent. Le paragraphe fut repoussé par une majorité de 330 voix contre 227 (13 juillet).

C'est ainsi que l'Assemblée et le Gouvernement flottaient sans direction apparente, patronant ou combattant tour à tour des votes contradictoires, aggravant au hasard ou amoindrissant la loi.

C'est le spectacle que donna l'Assemblée en revenant, le 15 juillet, sur sa décision du 13. Elle avait rejeté le droit de timbre sur les écrits non périodiques. Sur une nouvelle proposition de M. Dabeaux, combattue par M. de Larochejaquelein et soutenue par M. Benoist-d'Azy et par M. le ministre de l'Intérieur, elle rétablit cette disposition avec deux correctifs qui avaient à la vérité leur importance. D'après cette disposition, un droit de 5 cent. était établi sur les écrits non périodiques traitant de matières politiques ou d'économie sociale; mais l'impôt ne porterait pas sur les écrits actuellement en cours de publication ou tombés dans le domaine public; en outre, il ne porterait que sur les écrits ayant moins de trois feuilles d'impression.

M. de Riancey fit faire encore un pas au nouveau système tendant à moraliser la presse, par un coup porté à un des poisons les plus violents qu'elle renferme, le roman-feuilleton. 352 voix contre 251 votèrent un amendement assujettissant ces productions spéciales à un timbre de 1 cent. par numéro (15 juillet).

Un incident tout de circonstance vint interrompre le débat. M. Baze parut tout à coup à la tribune et dénonça à l'Assemblée un article publié par un journal, le Pouvoir (ancien Dix-Décembre); l'honorable membre proposait à l'Assemblée de traduire à sa barre le gérant du journal, comme prévenu d'offense envers elle. Conséquent à ses principes de liberté illimitée, M. Émile de Girardin s'opposait à ses poursuites mais il fut violemment interrompu par la Montagne qui devinait un scandale. M. Charras, dans une intention toute contraire à celle de M. Émile de Girardin, fit un appel aux passions et essaya de jeter la discorde entre les deux pouvoirs de l'État. Le journal dénoncé était napoléonien. Une majorité considérable traduisit le gérant du Pouvoir à la

barre de l'Assemblée. M. le ministre de la Justice s'associa d'ailleurs à cette décision. Trois jours après (18 juillet), le gérant comparaissait et l'Assemblée le condamnait au maximum de l'amende. Était-ce bien sa propre dignité que la Chambre vengeait en frappant ainsi une feuille obscure, ou n'était-ce pas plutôt un parti qu'elle menaçait par cet exemple. Cet incident, jeté au milieu des discussions d'une loi de défense commune, était un indice nouveau de la faiblesse de la cohésion qui existait entre les diverses fractions de la majorité. M. de Lamoricière lui donna sa valeur dans le cours du débat en présentant à l'Assemblée le fantôme d'une restauration impériale.

Après s'être refusée à autoriser, comme le voulait M. F. de Lasteyrie, la vente et la distribution sur la voie publique pour tous les journaux indistinctement; après avoir repoussé également une interdiction générale proposée par M. Bac, et accordé aux journaux établis un délai de deux mois pour se conformer aux prescriptions nouvelles, l'Assemblée vota sur l'ensemble. Sur 657 votants, 392 voix se réunirent pour l'adoption, 265 se prononcèrent pour le rejet. La loi était adoptée à la majorité de 127 voix (16 juillet. Voyez le texte à l'Appendice, p. 24).

Nous ne redirons pas le concert de malédictions qui s'éleva contre la loi de haine dans la presse tout entière : « Vous avez fait, disait-on, une loi qui frappe la bonne comme la mauvaise presse; vous l'avez faite par colère, par vengeance. >> Mais ces reproches perdaient beaucoup de leur gravité, par ce seul fait que la loi n'appartenait plus au gouvernement qui l'avait proposée, mais à l'Assemblée qui l'avait aggravée.

Il faut le reconnaître, la loi était faite contre la presse. On avait pu annoncer hautement l'intention d'élever, de moraliser le journalisme. Mais si, ce dont on pouvait douter, ce devait être là l'effet de la loi, ce n'en était pas le but. Comme la Garde nationale, comme le jury, comme la liberté de la tribune, la liberté de la presse était devenue suspecte au pays par ses abus.

Mais la loi aurait-elle les effets qu'on en avait attendus? Le but essentiel qu'elle se proposait, but inaperçu par le projet primitif, était de dissoudre les corps collectifs appelés journaux, en appelant la lumière sur leur structure intime, et de les réduire à la

valeur personnelle des membres qui les composeraient désormais. Sans doute une pareille loi pourrait être fatale à des personnalités médiocres ou indignes, mais peut-être ne ferait-elle que fortifier l'autorité attachée à des noms influents. Et d'ailleurs ne serait-elle pas facilement éludée ? Les difficultés d'exécution apparurent dès les premiers jours. A peine la formalité de la signature était-elle devenue exigible, que les gérants de plusieurs journaux furent appelés au parquet pour y recevoir des avertissements officieux. Certains journaux demandaient que le ministère public interprétât la loi. Toutes ces difficultés disparurent, au reste, après quelques condamnations sans importance, et la loi se trouva n'être, dans la pratique, ni aussi dangereuse pour la liberté, ni aussi efficace contre les excès que l'avaient craint ou désiré ses partisans et ses adversaires.

L'attitude du parti légitimiste pendant les débats sur cette loi avait été remarquable: tantôt il avait apporté son concours aux autres fractions de la majorité, tantôt il les avait vaincues en ralliant à lui l'opposition la plus avancée. Il s'était fait surtout l'organe des défiances élevées contre le président de la République, et, toutes les fois qu'il croyait voir en jeu une force personnelle à accorder au Pouvoir actuel plutôt qu'à la société elle-même, il pesait de tout son poids sur les décisions de l'Assemblée. C'est ainsi qu'il fit écarter une autre mesure proposée pour la défense du pays.

Le Gouvernement proposait de donner au Pouvoir exécutif le droit de nomination et de révocation des maires dans les villes de moins de 6,000 âmes. C'est là, disaient les esprits conservateurs sans acception de parti, c'est là une véritable mesure de salut public, un des projets qui répondent le mieux à ce besoin d'ordre et de sécurité qui est le premier, le plus impérieux besoin du pays. Il est réclamé par tout ce qui appartient, par tout ce qui touche aux administrations locales, par les préfets, par les conseils généraux, par les populations elles-mêmes, dont les intérêts sont trop souvent compromis par suite de l'incurie absolue ou de l'esprit déplorable des maires placés à leur tête. Objectera-t-on que le Gouvernement est armé du droit de suspension, du droit de révocation? Mais le droit de suspension est insuffisant, et

celui de révocation ne peut être exercé qu'à la suite d'une poursuite devant le conseil d'État. Il est évident que de semblables mesures ne peuvent rien contre cette incapacité, contre ce mauvais vouloir, qui se trahit dans toute la conduite des affaires, sans cependant pouvoir devenir l'objet d'une répression. Singulière chose! le Gouvernement a la nomination des maires dans les villes de plus de 6,000 âmes, qui présentent des garanties de richesse, d'aptitude, d'intelligence, et l'on se révolte à l'idée de lui donner la même prérogative dans les communes rurales où ces garanties n'existent pas au même degré ! Les garanties que vous avez données au Pouvoir exécutif au sujet des instituteurs primaires, les lui refuserez-vous s'il s'agit des magistrats municipaux? Les dangers sont les mêmes et appellent les mêmes remèdes. La loi de 1848 est une loi d'anarchie, et non pas une loi de gouvernement. Le maire est à la fois l'agent de la commune et l'agent du pouvoir exécutif. Comme agent de la commune, il doit émaner de l'élection; mais comme agent du pouvoir exécutif, il doit être choisi par le Gouvernement. Or, ces deux conditions étaient admirablement remplies dans le système de la loi de 1831, qui faisait élire le conseil municipal par la commune et réservait au Gouvernement le droit de choisir le maire dans le conseil municipal. La loi de 1848 a détruit cet équilibre sagement établi entre les droits de la commune et ceux de l'État.

Peut-être plus préoccupés des souvenirs des anciennes franchises municipales que des exigences et des périls de la situation présente, les légitimistes s'allièrent à la Montagne pour repousser la loi. MM. de Larochejaquelein, de Vatimesnil et Raudot se prononcèrent contre la proposition, en se fondant sur des motifs qu'il était difficile de ne pas prendre pour de simples prétextes. M. de Vatimesnil invoqua, comme motif d'ajournement, la nécessité de déterminer les attributions avant le mode de nomination des maires, considération théorique peu en harmonie avec l'état réel des choses. Car, M. Baroche le fit remarquer, les attributions des maires étaient actuellement définies par les lois existantes, et la loi proposée ne devait avoir de force que jusqu'à la promulgation de la loi générale.

L'Assemblée, à une majorité peu considérable, refusa de met

tre le projet à l'ordre du jour. La loi départementale et communale étant encore dans les cartons du conseil d'État, c'était une question ajournée à plusieurs mois (28 juin).

Il ne manquait cependant pas, dans le sein de l'Assemblée, d'esprits enclins à des mesures extrêmes, par suite des dangers que courait l'ordre social. Ces dispositions se manifestaient par des propositions sans doute excessives dans la forme, mais qui répondaient par certains côtés aux tendances nouvelles de l'opinion publique. Ainsi, M. le général de Grammont proposait de transférer à Versailles le siége du Gouvernement. Il était facile de prévoir le sort qui attendait la proposition dans l'Assemblée, mais on ne pouvait se dissimuler qu'elle avait de nombreux partisans dans les provinces. Le sentiment de défiance qui l'inspirait était le même qui avait dicté à l'Assemblée constituante l'art. 32 de la Constitution: c'était la crainte, malheureusement trop fondée, de voir la capitale, les ministères, les télégraphes, tous les pouvoirs publics pris d'assaut, encore une fois, par une insurrection, et la France devenir la proie d'un gouvernement de hasard. Vouloir greffer la République sur la centralisation impériale, n'était-ce pas une faute, même au point de vue de la démocratie (1)?

Malgré les conclusions contraires de la commission, M. le général de Grammont lui soumit un amendement par lequel il demandait que la translation eût lieu le 1er mars 1851, et que Versailles fût le lieu désormais fixé pour la résidence de l'Assemblée nationale et du président de la République (5 août). Il est inutile de dire quel fut le sort de cette proposition : mais l'attention était

(1) Voici, sur cette question, la très-remarquable opinion de M. Louis Blanc. (Organisation de la commune.)

« ...

Oui, on est parvenu à rapetisser la France jusqu'à la faire tenir dans l'enceinte de ce mur d'octroi dont on a fini par faire un rempart. Oui, on est parvenu à me tre, chose monstrueuse, un vaste royaume dans une ville de quelques lieues de circonférence. Et comme on craignait pour cette ville, on s'est avisé de la fortifier. Courage! Pourquoi nous arrêter dans ce système d'amoindrissement! De la France nous avons fait Paris : de Paris faisons un fort. Une garnison à la place d'une société ! Une forteresse à la place d'un royaume! Voilà les nécessités du système! Est-ce assez de folie?

» Pour moi, j'admire ce mode de centralisation qu'on nous donne comme un principe de force, et qui se trouve entraîner une telle déperdition de lumiè

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