Malgré les réductions proposées et votées, le service de l'Instruction publique s'élevait encore à 20,753,372 fr. Il y avait encore dans cette somme bien des dépenses inutiles. La centralisation multiplic les établissements scientifiques et les inspections de toutes sortes. L'instruction publique en Algérie coûte près de 200,000 fr. M.Emile Barrault demandait une réduction de 33,000 fr., en faisant ressortir le contraste d'un nombreux état-major universitaire avec le peu d'écoles que possède notre colonie. Cette réduction, après une épreuve douteuse, fut repoussée. Néanmoins un ou deux inspecteurs furent supprimés sur la proposition de MM. Raudot et de Kerdrel. On demandait de tous côtés à M. le ministre combien il y avait de colléges en Algérie; M. de Parieu ne put répondre; mais il sembla prouvé qu'il n'y avait qu'un seul lycée et que sur 80 pensionnaires il y avait 50 boursiers. Ainsi on installait en Algérie des professeurs de grec et de latin, avant même qu'il y eût des élèves. La part du ministère de l'Intérieur fut de 122,446,428 fr., ainsi décomposés dépenses imputables sur les fonds généraux du budget 27,964,928; dépenses départementales imputables sur les ressources spéciales; 94,481,500. Le chapitre 34, relatif aux inspections administratives des services départementaux, souleva un assez vif débat. Sur ce chapitre de 111,000 fr., M. Raudot proposa une réduction de 40,000 fr., portant sur les inspecteurs généraux de bienfaisance. Cet amendement, combattu par M. Mathieu Bodet, fut soutenu par M. Paulin Gillon. M. Baroche déclara qu'à ses yeux les inspecteurs généraux de bienfaisance étaient indispensables. C'est un besoin de la bureaucratie de mettre la main partout et de rattacher aux bureaux des ministères des objets qui par leur nature répugnent le plus à cette centralisation. Il y a en France, suivant l'exposé de M. Baroche lui-même, 9,000 établissements de bienfaisance publique; ils appartiennent aux communes et aux départements. Où peut-on mieux contrôler que dans les localités les fonds votés par les communes et les conseils généraux ? Comment d'ailleurs quatre ou cinq inspecteurs généraux donneraientils une attention sérieuse à la comptabilité de tant d'établissements? N'aurait-il pas été plus simple, comme le proposait M. Raudot, d'attribuer cette surveillance aux préfets, que de créer de nouvelles sinécures? L'important chapitre Agriculture et Commerce est toujours mal partagé en France: il lui fut accordé 17,049,431 fr., dont 6,272,280 pour l'agriculture et les haras. Ce dernier objet avait déjà occupé l'Assemblée le 30 janvier. Elle avait adopté d'urgence, par 500 voix contre 96 sur 596 votants, l'établissement à Saint-Cloud d'un haras exclusivement consacré à la propagation d'animaux de race pure de sang oriental. Ce haras serait placé sous la direction du ministre de l'Agricuture et du Commerce, qui nommerait un conseil de perfectionnement gratuit pour en surveiller la marche et les progrès. Ce conseil rendrait compte tous les ans au ministre des expériences physiologiques qui seraient faites dans le sein de l'établissement pour la multiplication et le perfectionnement de la race chevaline. La commission avait été d'avis de ne pas donner encore une réalisation complète aux institutions d'enseignement agricole dont la loi rendue par la Constituante avait posé les bases. Il lui paraissait utile d'attendre les premiers résultats de l'expérience. Elle avait proposé, en conséquence, de se borner, quant à présent, à entretenir les soixante-dix fermes-écoles existantes et les quatre écoles régionales en activité. Quant à l'institut agronomique de Versailles, elle avait cru devoir combattre l'établissement d'un internat ainsi que le développement d'une exploitation rurale et d'un enseignement pratique : cette dernière critique fut vivement et habilement réfutée par M. Lanjuinais et par M. le ministre de l'Agriculture (23 avril). Quant au commerce, le crédit réclamé pour les trois écoles d'arts et métiers (Châlons, Angers, Aix), et pour le conservatoire de Paris, s'élevait à 1,165,000 fr. La commission n'accordait que 1,150,000 fr. M. le ministre du Commerce s'était rallié à ce dernier chiffre, de concert avec les membres de la commission du budget, et il était convenu entre eux qu'une des trois écoles pourrait être supprimée. M. Dumas étonna donc l'Assemblée quand il soutint le contraire de ce qu'il avait précédemment accordé, sans raison sérieuse d'un tel revirement d'idées. M. Berryer développa avec force les motifs de la commission. La commission prit des renseignements plus circonstanciés, elle s'entoura des documents les plus sûrs. Elle se convainquit de l'infériorité des élèves sortis des écoles industrielles. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'ils ne trouvent pas auprès des chefs d'industrie l'accueil qu'ils croient mériter. Ils ne valent pas, dans la pratique, les ouvriers qui ont travaillé depuis leur enfance dans les ateliers et dans les manufactures. Il y a, d'ailleurs, un danger sérieux à appeler les jeunes gens dans des écoles où ils puiseront une instruction disproportionnée avec la position qu'ils doivent occuper dans la société et les services qu'ils peuvent rendre à l'industrie. Les usines et les manufactures sont les véritables écoles de l'industrie. Un scrutin de division eut lieu sur la réduction demandée par la commission. La réduction fut adoptée par 358 voix contre 277. La commission avait posé des principes dont la conséquence était la suppression des écoles industrielles. M. Raudot se chargea de tirer la conclusion logique devant laquelle la commission avait reculé. Il demanda par un amendement la suppression totale du crédit alloué aux écoles industrielles. Son amendement ne fut pas même appuyé (27 avril). Après la fixation des services de la Guerre à la somme de 318,520,691 fr., le budget de la Marine obtint 108,917,417 fr., dont 18,267,767 pour le service colonial. Le département de la marine, nous le répétons, se trouvait placé dans une situation tout exceptionnelle. D'une part, un comité d'enquête parlementaire s'occupait d'examiner et de réformer au besoin son organisation tout entière. D'autre part, de nombreuses commissions instituées par le ministre même achevaient de préparer des projets de lois qui seraient prochainement soumis à l'Assemblée, et qui auraient pour objet d'améliorer plusieurs des services les plus importants. Les crédits furent donc approuvés sans débats sérieux. Une augmentation fut faite au crédit qui se rapportait à l'armement sur le pied de guerre de notre escadre de la Méditerranée. Bien qu'aucune espèce de collision ne fût à craindre, le ministre avait pensé avec raison que sur ce théâtre d'événements politiques considérables, l'escadre française ne pouvait pas se présenter dans un état d'infériorité à côté des marines étrangères. La commission se rallia à la proposition du ministre qu'avait appuyée M. Lacrosse. Le nombre des aumôniers de la marine fut porté à cinquante. Cette mesure, qui ne put être sérieusement combattue, était vivement désirée par nos populations maritimes, car, dans les expéditions lointaines, elles ont eu souvent à déplorer la privation des secours et des consolations de la religion. A l'occasion du crédit accordé aux approvisionnements, on demanda au ministre si, malgré la réduction à laquelle il avait consenti, les arsenaux contenaient une quantité de bois de construction et particulièrement de bois de mâture suffisante pour toutes les éventualités. Le contre-amiral Romain-Desfossés répondit qu'il avait dû subir la loi des circonstances en adhérant à la diminution du crédit destiné aux approvisionnements; il ajouta toutefois, que, pour cette année, la somme allouée suffirait, et que d'ici à 1851 la marine ne serait prise au dépourvu par aucun des événements qui pourraient surgir. Enfin l'Assemblée, au moment de terminer le vote de ce bulget, reçut une communication intéressante. Il s'agissait des chiourmes, restées annexées au département de la marine depuis. l'époque où les condamnés étaient envoyés sur les galères de l'Etat. Il y a longtemps que l'on se plaint du mélange des forçats et des ouvriers libres dans les arsenaux. Le contact des premiers est humiliant ou corrupteur pour les seconds. La morale publique commande donc leur séparation. Que ferait-on des condamnés? On paraissait d'accord pour employer leur travail dans une possession d'outre-mer. A ce point de vue, ce n'était plus uniquement une question de morale, c'était une question de politique. Il s'agissait d'une réforme du Code pénal. Le ministre de la Marine, à l'évidente satisfaction de l'Assemblée, déclara que le Gouvernement s'occupait d'un projet de déportation des forçats; et le rapporteur du budget, en quelques mots chaleureux, recommanda cette question à l'attention sérieuse de M. le ministre de la Justice (2 mai). Venaient enfin les Dotations des deux pouvoirs : celle du pouvoir exécutif s'élevant à 1,248,000 fr., celle de l'Assemblée nationale montant à 7,839,378 fr. Le gros chiffre de ce dernier budget représentait l'indemnité attribuée aux représentants. M. Raudot, l'économiste économe par excellence, proposa, après beaucoup d'autres, de réduire cette dépense, alléguant que, lorsqu'on voulait faire des économies, il fallait commencer par soi-même. On fit observer à M. Raudot que ces discussions perpétuelles sur l'indemnité des représentants n'étaient guère propres à rehausser la dignité de l'Assemblée. M. Raudot se rendit de bonne grâce à cette observation ; il retira son amendement, et l'indemnité fut votée sans nouveaux débats. Deux réductions proposées par la commission sur les traitements des secrétairesrédacteurs et sur le service sténographique, furent également écartées. L'Assemblée décida, toutefois, qu'avant le 1er juillet 1850, un règlement délibéré et arrêté par le bureau de l'Assemblée, de concert avec la commission de comptabilité, réorganiserait le service sténographique (10 mai). L'ensemble du budget des dépenses fut adopté, le 15 mai, par 483 voix contre 182 (Voyez la loi et les chiffres détaillés à l'Appendice, p. 67). Recettes. - Au chiffre adopté par M. H. Passy, 1 milliard 519 . millions, et aux évaluations moins exagérées de M. A. Fould, 1 milliard 381 millions, la commission substituait le chiffre trèslégèrement modifié de 1 milliard 368,112. Dans ce budget, il fallait distinguer entre les recettes qui résultaient des anciens impôts conservés et celles qui provenaient de propositions nouvelles. Pour les impôts anciens, on avait pris les produits constatés de l'exercice 1849, pour base de l'évaluation des impôts pour 1850; on pouvait espérer que cette estimation resterait au-dessous de la réalité. Les recettes qui figuraient au budget étaient de diverses natures et avaient diverses origines. 1o Les recettes pour ordre. Elles correspondaient naturellement aux dépenses pour ordre, et formaient un total de 265,885,903 fr. 2o Les recettes provenant des revenus et produits des domaines de l'État. Ces recettes s'élevaient à 60,830,160 fr. Les recettes pour services rendus et pour monopoles exercés par l'Etat. Ces recettes s'élevaient à 169,280,700 fr. Les recettes extraordinaires et celles pour recouvrement de créances. Elles s'élevaient à 14,990,000 fr. Tot. gén., 508,986,763 fr. L'évaluation des recettes au budget de 1850, étant de 1 million 368,419,117, il restait pour les impôts prélevés sur les contribuables pour le compte de l'État 859,432,354-295,549,580 |