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<< monter la victime, mais la descendre est actuellement « hors de notre pouvoir, car la surveillance est si « extraordinaire que j'ai cru d'être trahi. Le comité de « sûreté générale avait, comme vous savez déjà, envoyé <<« les monstres Matthieu et Reverchon, accompagnés de « M. H. de la Meuse, pour constater que notre muet est <<< véritablement le fils de Louis XVI. Général, que veut <<< dire cette comédie? Je me perds et je ne sais plus que «penser de la conduite de B... Maintenant il prétend << faire sortir notre muet et le remplacer par un autre « enfant malade. Etes-vous instruit de cela? N'est-ce pas « un piège. Général, je crains bien des choses, car on << se donne bien des peines pour ne laisser entrer per<< sonne dans la prison de notre muet, afin que la subs<< titution ne devienne pas publique; car, si quelqu'un <<< examinait bien l'enfant, il ne lui serait pas difficile de << comprendre qu'il est sourd de naissance et par consé<<< quent naturellement muet. Mais substituer encore un << autre à celui-là; l'enfant malade parlera et cela perdra << notre demi-sauvé et moi avec. Renvoyez le plus tôt « possible notre fidèle et votre opinion par écrit. >>>

Tour du Temple, 5 février 1795.

Sans nous attarder au ton de cette lettre, aux explications qu'elle demande, aux appréciations qu'elle suggère, retenons en un point essentiel: sa date. Le 5 février 1795, Laurent fait mention de la visite des trois conventionnels, délégués du Comité de sûreté générale. Donc cette visite, si l'on ajoute foi à sa parole, a précédé le 5 février. Que si au contraire

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Louis XVII, on y trouvera les renseignements suivants : un des premiers biographes du Dauphin, Eckard, après avoir assigné à la délégation d'Harmand de la Meuse et de ses collègues la date du 2 décembre 1794, se décide dans une édition postérieure de son ouvrage, pour le mois de février 1795 et plus tard enfin affirme la date du 13 février. De Beauchesne indique le 27 février; enfin Chantelauze se prononce pour le 26 février.

Or, si l'on recourt une fois de plus aux documents originaux, on constatera que dans cette seconde lettre encore Laurent a dit la vérité. Il était d'ailleurs bien simple de contrôler ses dires approximativement et c'est ce qu'a entrepris M. Henri Provins, avec son aisance et sa méthode habituelles1. Puisque Harmand de la Meuse, Matthieu et Reverchon étaient venus au Temple en tant que membres du Comité de sûreté générale, la date de leur visite se trouvait limitée à l'époque où les trois à la fois avaient fait partie de ce Comité. M. Provins, utilisant ce principe, démontra que leur venue au Temple avait

Le dernier roi legitime de France, t. I. pp. 324-330.

eu lieu entre le 5 novembre 1794 et le 4 janvier 1795.

Une récente découverte nous a mis à même de déterminer plus exactement encore cette date et d'après un document conservé aux Archives nationales, l'on peut établir avec certitude que la visite des conventionnels se fit le 19 décembre 17941.

Cette coïncidence frappante entre la nouvelle renfermée dans la seconde lettre de Laurent et la réalité des faits n'ajoute-t-elle pas une preuve d'authenticité décisive à cette même lettre?

* L'arrêté du Comité de sûreté générale désignait un quatrième commissaire, Garnier de l'Aube, qui fut empêché d'accompagner ses collègues, car nulle part sa présence n'est mentionnée. Voici d'ailleurs la teneur de l'arrêté resté jusqu'ici inédit : « Le Comité « de sûreté générale arrête que les représentants Garnier de << l'Aube, Harmand, Reverchon, Matthieu, quatre de ses membres <<< constateront l'état de service au Temple et en rendront compte <<< au Comité. Signé Reverchon, Bentabole, Bourdon de l'Oise, <<< Matthieu, Reubell, Laignelot, Boudin, Montmayou, Garnier de << l'Aube, Lomont. 27 frimaire an III (17 décembre 1794). Archives nationales, A F II 277

Le texte suivant permet en outre de déterminer exactement le jour de la visite des conventionnels. C'est une lettre de ces derniers aux deux gardiens du Temple, les priant de leur faire passer l'original de l'arrêté qui les déléguait qu'ils avaient oublié au donjon. Ce texte est également inédit. « Au reçu de la présente, citoyens, « vous nous ferez repasser et remettre l'arrêté en original que « nous avons laissé sur votre bureau aujourd'hui. Les représen<< tants du peuple: Matthieu, Reverchon, Harmand aux commis« saires préposés à la garde du Temple. Le 29 frimaire an III « (19 décembre 1794) ». Archives nationales, AFII* 300, p. 88.

CHAPITRE V

LE MYSTÈRE DU TEMPLE (Suite.)

Que faisaient pendant cette époque, à Londres, les amis de Mme Atkyns? De quelle manière employaient-ils leur temps? Que savaient-ils de la marche de leur entreprise ? Comme on l'a déjà dit, le mieux renseigné était sans contredit Cormier qui, par son expérience, son âge, le respect qu'il inspirait, recueillait et centralisait les nouvelles reçues de Paris et agissait en conséquence. C'est lui qui disposait en grande partie des deniers de Mme Atkyns et qui les employait selon son jugement. Aussi, rien d'étonnant à ce que la belle lady lui témoignât toujours plus sa confiance et que dans son entourage, aux yeux de Peltier, du baron d'Auerweck, de Butler, beau-frère de Cormier, de l'évêque de Saint-Pol-de-Léon, le gentilhomme breton exerçât de jour en jour une plus grande autorité.

Dans ce monde d'émigrés remuants et intrigants, envieux les uns des autres, le fait suivant devait nécessairement se produire. Témoin de la faveur dont jouissait Cormier, l'admirateur de Mme Atkyns, Frotté, se prévalant de l'ancienneté de leur amitié, allait en venir immanquablement à se méfier de son compagnon et à lui porter envie. Rappelons-nous comment il avait insisté, à plusieurs reprises déjà, sur l'intimité des relations qu'il prétendait conserver avec son amie, « sur la confiance exclusive » qu'il réclamait d'elle, lui qui affirmait être « le seul à posséder ses derniers secrets. » « Je ne veux aller sur les brisées de personne, « lui répétait-il, j'observerai, je profiterai, « gardant toujours notre secret » et il lui renouvelait dans chaque missive ses protestations de dévouement : « Rien, non rien dans le monde ne pourrait m'empêcher de vous tout sacrifier 1. >>>

Cormier avait l'esprit trop aiguisé pour ne pas se rendre compte des sentiments de Frotté

Lettre de Frotté à Mme Atkyns du 23 octobre 1794, V. Delaporte. Article cité, p. 259.

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