« parler d'autre chose que de l'arrivée de << mon ami, le baron d'Auerweck. Il est parti (( de France il y a deux jours. Il arrive, après « avoir couru tous les risques imaginables et (( fait toutes les pertes possibles... Nous « avons par lui des avis de Paris jusqu'au 23, <<< la Reine était encore intacte. Le baron ne « croit point qu'elle périsse. Danton et les « Cordeliers sont pour elle, Robespierre et « les Jacobins contre. Son sort dépendra du <<< triomphe des deux partis. La Reine est gar« dée très étroitement, le Roi très mal. La « Reine conserve une force et une dignité <<< surnaturelles1. » C'est à Londres même, au Royal-Hôtel, que Mme Atkyns recevait ces lignes. Elle y était accourue pour être plus à même d'aller aux informations. Mais le décret rendu par la Convention, le 3 octobre, qui ordonnait la mise en jugement de la « veuve Capet », venait singulièrement contredire les assurances rapportées par d'Auerweck. Au reste, qui pouvait se vanter de connaître l'avenir et les projets de ceux qui occupaient le pouvoir? Les politiciens ultra-jacobins ignoraient les premiers où les Lettre non datée de Peltier à Mme Atkyns. Papiers inédits de Mme Atkyns. menait la fortune. N'était-il pas question, encore quelques semaines auparavant, de faire entrer la Reine dans le plan d'une négociation avec l'Autriche? Il n'était donc point étonnant que les illusions sur son compte subsistassent aussi bien à Paris que dans le monde des émigrés. Onze jours plus tard, Marie-Antoinette subissait un premier interrogatoire à la barre du Tribunal révolutionnaire. Le procès fut rapidement mené et ne traîna pas. Des sept témoins appelés, le dernier, Hébert, osa porter contre elle des accusations monstrueuses, auxquelle l'accusée ne répondit que par un silence méprisant. Puis vinrent les plaidoyers officieux de Chauveau-Lagarde et de Tronson-Ducoudray, pour la forme seulement, car « l'Autrichienne » était perdue sans retour. Le surlendemain, 16 octobre, à 4 heures et demie du matin, dans la salle enfumée du tribunal, à la vague lueur du jour naissant, le jury rendait son verdict affirmatif et la sentence de mort était prononcée aussitôt. Sur les 11 heures, la charrette pénétrait dans la cour de la Conciergerie, la Reine y montait et, accomplissant ce trajet tant de fois décrit, atteignait la place de la Révolution. A midi un quart, le couperet de la guillotine tombait sur elle. C'en était fait cette fois des suprêmes espérances, des dernières illusions si longtemps caressées par Mme Atkyns. La malheureuse femme apprit par Peltier l'issue terrible. C'était un cri de rage, de désespoir que lui apportait le billet de son ami, plus déchirant encore que celui tracé le 21 janvier : « Je n'existe pas. Je vois d'ici votre << chagrin, il double le mien. La rage me « tue. Je n'ai pas même la consolation de « répandre une larme. J'abjure à jamais le nom de Français. Je voudrais en oublier la (( « langue. Je suis au désespoir; je ne sais ni « ce que je fais, ni ce que je dis, ni ce que « j'écris. Ah! mon Dieu, quelle barbarie, << quelle horreur, que de maux présents, que de malheurs à venir! Je n'ose pas me pré<< senter chez vous. Adieu, brave et malheu« reuse femme1. >>> Les larmes ont dû couler souvent sur ce feuillet précieusement gardé. On y voit encore ces mots tracés de la main de Mme Atkyns: Papiers inédits de Mine Atkyns. Écrit après le meurtre de la reine de France1. Ses efforts étaient-ils perdus irrémédiablement? Elle se refusait à le croire. A ce moment d'ailleurs, deux nouveaux personnages surgissaient, dont elle allait utiliser l'appui. L'amitié de l'un, le chevalier de Frotté, reparaissant sur la scène de Londres, lui permettait d'entrevoir un concours dévoué. L'autre, inconnu pour elle jusqu'ici, récemment débarqué du continent, était destiné à devenir un des principaux acteurs de la partie qui allait se jouer. Written after the murder of the queen of France. >>> |