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grande, presque égale à celle des agents de Me Atkyns. L'enfant ne leur fut jamais remis. Était-il sorti du Temple? Tout autorise à le croire; mais à croire aussi qu'on le leur ravit, alors qu'ils n'avaient plus qu'à l'embarquer pour l'Angleterre, la pauvre Mme Atkyns trépignait, attendant fébrilement l'enfant qu'elle nommait son roi, son roi qu'elle appelait de tous ses vœuих, qu'elle ne vit probablement jamais et dont elle ignora toujours le sort.

Telle est l'histoire que nous conte le livre de Frédéric Barbey, histoire angoissante, douloureuse, exaspérante, écrite, est-il besoin de le dire, sur des documents entièrement nouveaux et de la plus incontestable authenticité.

Mais est-ce à dire qu'il satisfait pleinement la curiosité, qu'il est le dernier mot de cette harcelante Question Louis XVII, dont la bibliographie compte déjà plusieurs centaines de volumes ? Non pas ! Le récit des tentatives de Mme Atkyns est une contribution singulièrement importante apportée à l'étude de ce problème : ce n'en est pas la solution. Que devint l'enfant sorti de son cachot? Cet enfant même n'était-il pas déjà un substitué? La fidèle amie de Marie-Antoinette n'avait-elle réussi qu'à se faire jouer par ceux qu'elle avait payés? A l'époque elle entreprit ses premières démarches, le dauphin, le vrai, n'était-il pas déjà loin de la prison du Temple,

A

caché, disparu, escamoté, mort peut-être anonymement, chez quelque recéleur ignorant de sa personnalité? Car ne faut-il pas toujours compter avec les déclarations de la femme du cordonnier Simon, attestant qu'elle a enlevé le jeune prince plus de sept mois avant la date se révèlent les premiers agissements de Mme Atkyns? Problème jusqu'à présent insoluble, le plus compliqué, le plus ardu, le plus indéchiffrable que la perspicacité des historiens ait eu encore à résoudre.

Le plus clair résultat de cette nouvelle étude c'est qu'elle relègue au rang des romans les livres de Beauchesne, de Chantelauze, de la Sicotière, Eckart, etc., etc.; c'est qu'elle réduit à néant les assertions de l'histoire officielle; celle qui n'admet pas qu'il y ait doute, celle qui impose la croyance que le dauphin n'a jamais quitté sa cellule, qu'il y a vécu, qu'il y a agonisé, qu'il y est mort. Il sera établi tout au moins, désormais, de façon irréfutable, que, pendant `près de cinq mois, de novembre 1794 à mars 1795, l'enfant confié au geolier n'était pas le fils de Louis XVI et qu'il fut remplacé, pendant cinq mois, par un petit muet. De quelle façon se termina cette intrigue ? Eut-elle le résultat qu'on en attendait? La chose reste indécise : mais cette substitution, du moins, n'est plus contestable et c'est là une révélation qui, loin d'éclaircir l'impénétrable obscurité du drame, la rend, au contraire, plus épaisse. Ce muet remplaçant l'enfant prisonnier qui n'est peut-être lui-mêте qu'un substitué; - ces gardiens niais et sournois qui se succèdent, se leurrent, s'abusent, se mystifient les uns les autres ; - ces médecins appelés au chevet de l'enfant mourant, et qui, longtemps après, lui fabriquent, comme Pelletan, une agonie de fantaisie, quand, au moment même de sa mort, inattentifs ou trop adroits, ils ne sont parvenus qu'à rédiger un procès-verbal amphigourique, sur lequel tous les commentateurs glosent depuis un siècle sans parvenir à se mettre d'accord; ces constatations officielles qui ne constatent rien; - cette inhumation racontée de trois façons différentes par les trois fonctionnaires qui en furent témoins; le doute évident, manifeste, avoué, qui subsista toujours dans l'esprit de Louis XVIII et de la duchesse d'Angoulême ; les manœuvres du gouvernement de la Restauration qui aurait pu si facilement élucider la question et qui, par maladresse ou par astuce, la rendit inextricable, en élaguant des dossiers d'archives les pièces les plus importantes; - et, brochant sur le tout, les inepties, les mensonges d'une quinzaine d'aventuriers qui, au cours du XIXe siècle, se présentèrent comme autant de dauphins évadés du Temple, et qui tous, eurent des partisans convaincus, tenaces, obstinés, dont les radotages aussi vides que complaisants, quand ils ne furent pas intéressés, composent un imbroglio tournant à la divagation : tel est le bilan de la question Louis XVII. Le pis est que, de tout cela, il importe de ne rien négliger : c'est par la réfutation, par l'élimination qu'on parviendra à isoler les quelques faits solides, indéniables, qui serviront de pierres d'attente aux révélations futures.

Il faut tout étudier, tout scruter, tout peser. Une seule opinion est condamnable, une seule est pertinemment fausse : celle des chroniqueurs qui ne voient, -dedans, rien digne d'examen, rien prétant à controverse; auxquels l'histoire du dauphin semble la plus nette, la plus parfaitement limpide, la moins discutable, et qui pataugent à travers le tout avec cette sérénité satisfaite des aveugles, d'autant plus assurés d'être en bon chemin qu'ils n'ont pas conscience de la profusion des obstacles. Le livre de Frédéric Barbey dévoile trop de faits historiques incontestables pour qu'il soit permis désormais de ne voir qu'invention ou fantaisie dans cette prodigieuse énigme.

VICTORIEN SARDOU

De l'Académie française.

AVANT-PROPOS

Refaire après tant d'autres l'histoire de la reine Marie-Antoinette, revenir sur les épisodes si souvent narrés de son séjour aux Tuileries, de sa captivité au Temple, de sa comparution devant le tribunal révolutionnaire, de sa fin, ajouter quelque détail inédit aux écrits innombrables suscités par ces événements, apprécier à notre tour et sa conduite et celle de ses ennemis, et par là même porter un jugement sur la Révolution, sur son œuvre, sur ses conséquences, telle n'a point été notre intention.

Ce livre a un but plus modeste: Faire revivre la figure d'une femme, d'une étrangère, que le hasard amena certain jour à Versailles, à la veille de la catastrophe, qu'honora l'amitié de la Reine, et qui n'eut de repos qu'après avoir épuisé toutes les ressources de son énergie et de sa fortune pour procurer la liberté à Marie

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