d'enseignement. Cette promesse de la liberté appartient en propre au gouvernement de 1830, et depuis, ajoutait M. le ministre, il en a loyalement poursuivi l'exécution. Il a accompli son œuvre pour l'instruction primaire en proclamant le principe de la concurrence. Pour l'instruction secondaire, l'œuvre a été tentée trois fois. L'avait-elle été loyalement ? M. le ministre répondait à ce doute par ces nobles paroles sur la nécessité absolue qu'il y a, pour le gouvernement représentatif, de fonder partout la liberté. Toutes les grandes créations de la Révolution et de l'Empire, toutes les grandes institutions qui sont sorties de ces temps et qui sont réellement conformes au génie, aux intérêts, aux besoins de notre société, toutes ces grandes institutions, dis-je, quelque éloignées qu'elles aient été à leur origine des principes et des vœux de la liberté, peuvent les admettre. Oui, messieurs, elles peuvent les admettre; la liberté peut entrer dans ces grandes machines créées par l'Empire pour la défense et pour la restauration du pouvoir. Vous l'avez vu; vous en avez fait l'épreuve. Est-ce qu'il y avait rien de plus spécialement institué dans l'intérêt du pouvoir, de plus fortement conçu pour sa vie de tous les jours que notre régime administratif, la Constitution de l'an VIII, l'ad ninistration préfectorale, les conseils de préfecture, le conseil d'Etat? Eh bien! vous avez fait entrer la liberté dans notre grand régime administratif; les conseils généraux élus, les conseils municipaux élus, toutes tes institutions très-réelles et très-vivautes, et qui de jour en jour jouent un plus grand rôle dans notre société, ces institutions sont venues s'adapter au régime administratif que nous tenions de l'Empire. La liberté y est entrée, entrée avec succès pour elle-même, avec succès pour le pouvoir. La même chose peut se faire pour la grande institution de l'Université. Pour fortifier réellement le pouvoir aujourd'hui, il y a, dans une certaine mesure, nécessité absolue de faire à la liberté sa part et de la fonder. C'est un trop grand fardeau, dans un gouvernement comme le nôtre, avec le régime au milieu duquel nous vivons, en présence de ces bancs, au pied de cette tribuns, au milieu de nos discussions, c'est un trop grand fardeau que le pouvoir absolu et le monopole, quelles que soient les mains qui les portent. Il n'y a pas de responsabilité, pas de force qui puisse y suffire; il faut, dans son intérêt, que le pouvoir, que le gouvernement soit déchargé d'une partie de ce fardeau, que la société, dans une certaine mesure, se suffise å elle-même, fasse ses affaires elle-même, qu'il y ait mille choses dont on ne puisse pas s'en prendre au pouvoir qui la gouverne. • Un autre fait qui me frappe, un fait, et que notre expérience depuis 1830 démontre, si je ne me trompe, évidemment, le spectacle du développement de la liberté, le spectacle de ses mouvements, de ses écarts mêmes, savezvous ce que cela apprend au public? les nécessités du pouvoir! Cela fait comprendre au public quelles sont les forces dont le pouvoir a besoin, quels sont les moyens qu'il faut lui donner pour qu'il se suffise à lui-même, pour qu'il suffise aux besoins de la société; en sorte que du sein même de la liberté nait pour le pouvoir une source de force. • Est-ce que vous n'avez pas vu tous les jours, par suite de nos délibérations, par suite des dangers auxquels le pouvoir a été exposé, par suite des obstacles qu'il a eus à vaincre, est-ce que vous n'avez pas vu la société, les Chambres, le public lui apporter, lui remettre les armes, les moyens d'action dont il avait besoin? Est-ce qu'on aurait admis la possibilité de ces moyens pour le pouvoir, la possibilité de ces armes données au pouvoir, sans le spectacle de la liberté, sans le besoin que ce spectacle faisait sentir? Jamais. Tenez pour certain que la méine chose arrivera en matière d'instruction publique le jour où la part aura été faite à la liberté. Ce jour-là, vous, nous, tout le monde, nous sentirons la nécessité de fortifier l'instruction de l'État, l'autorité de l'État dans ses propres établissements; et le régime de la concurrence, le spectacle de la liberté, tournera au profit de l'État, au profit des établissements de l'État, au profit du gouvernement qui les dirige. « Gardez-vous donc bien, dans l'intérêt de l'Université, dans l'intérêt du gouvernement de l'Université, dans l'intérêt de l'État, à qui appartient ce gouvernement, gardez-vous bien de repousser l'accomplissement de la promesse de la Charte, gardez-vous bien de repousser la liberté de l'enseignement, l'État sera le premier à en profiter. « Voilà l'œuvre que le gouvernement de Juillet a, le premier, et seul entre tous nos gouvernements, tenté d'accomplir. Elle est possible, elle est utile; mais elle est difficile, très-difficile Et j'ai peur que beaucoup des hommes qui désirent son accomplissement ne se rendent pas un compte suffisant de ces difficultés. La principale de ces difficultés avait été cette lutte qui s'établit, en 1841, entre une partie du corps qui représente les croyances religieuses et le corps qui est chargé, par l'État, de l'enseignement public; l'un se prévalant des droits de la famille et de la liberté de conscience, l'autre se prévalant des droits de l'État et de la liberté de la pensée, qui sont la conquète des sociétés modernes. Une lutte pareille, ajoutait l'orateur, est pleine de dangers pour la société tout entière, non-seulement parce qu'il est déplorable de voir les grandes forces morales aux prises les unes contre les autres, mais aussi parce que les passions perverses, factieuses, viennent à l'instant se jeter au travers de cette lutte pour s'en emparer, pour l'exploiter. Le gouvernement avait dù s'élever au-dessus de ce déplorable confit, pour pacifier ces deux partis, sans chercher à donner à aucun d'eux la victoire. Or, au moment où le gouvernement avait cette tâche à remplir, le conseil royal de l'instruction publique se trouvait en lutte directe, immédiate, presque personnelle, avec le corps religieux. Sans doute, jusque-là le conseil n'avait pas gouverné tyranniquement l'Université; mais rien ne corrige le vice des situations, et l'initiative illégitime, la responsabilité illogique dont ce corps se trouvait investi, avaient eu leurs périls. Dans toutes les questions en litige entre l'Université et le clergé, brevets de capacité, commissions d'examen, programmes d'enseignement, juridictions, le conseil s'était trouvé en première ligne le représentant apparent, presque unique, de l'Université. De là une grande méfiance contre ce corps, mème parmi ses amis. Le gouvernement n'avait donc pas pu ne pas reconnaître qu'il y avait dans l'organisation du gouvernement central et supérieur de l'instruction publique un des nœuds de la difficulté. Au lieu d'y porter remède par un projet de loi, on avait avisé en revenant au décret de 1808: on avait ainsi remis le gouvernement de l'Université entre les mains de l'État, on avait fortifié le pouvoir réel, gouvernemental, et on avait élargi, dans le sein même de l'Université, la base des délibérations et des influences. Peut-être fallait-il faire plus, peut-être l'intervention de la loi serait-elle nécessaire; mais il y avait déjà là un grand pas de fait dans le rétablissement du gouvernement central. On n'avait voulu par là ni éluder les promesses de la Charte, ni affaiblir l'Université et les droits de l'État en matière d'enseignement. M. Guizot résumait ainsi, en finissant, les intentions du gouvernement: Exécuter sincèrement les promesses de la Charte; maintenir les droits de l'État sur Tenseignement public; enfin, conserver la paix entre la liberté religieuse et la liberté de la pensée, dont la coexistence fait l'honneur de notre société. Après quelques paroles de MM. Thiers et Dupin pour renvoyer la question à l'avenir et laisser au temps le soin de juger Ann. hist. pour 1846. 8 les actes du gouvernement, la discussion fut close, et aucun amendement ne fut présenté. Le quatrième paragraphe du projet d'Adresse fut adopté. Le paragraphe 5 était ainsi conçu : • Nous sommes heureux d'apprendre que vous continuez à recevoir de toutes les puissances étrangères des assurances pacifiques et amicales. La paix est désormais le premier besoin des peuples. Il appartient à ceux dont la force égale le courage d'en proclamer hautement les bienfaits. La politique quí a maintenu la paix générale à travers tant d'orages, avec l'appui des pouvoirs, de l'Etat et de la raison publique, excite aujourd'hui la reconnaissance des peuples. Un jour, sire, elle sera dans l'histoire l'honneur de votre règue.. M. Mauguin proposait de retrancher les trois dernières phrases de ce paragraphe, et de leur substituer les expressions suivantes : • Nous espérons que l'union et la bonne intelligence de votre gouvernement avec celui de S. M. Britannique continueront, sans nuire aux intérêts nationaux, à en assurer les bienfaits à l'humanité. » L'amendement n'étant pas appuyé, le paragraphe 5 fut mis aux voix et adopté (30 janvier). Ici se plaçait le paragraphe additionnel suivant proposé par M. Berryer: « Si la paix venait à ètre troublée par le conflit des prétentions de deux grands peuples, la France se réserve de veiller à ce qu'il ne soit porté aucune atteinte aux principes du droit public qui protégent, sur les mers, la liberté et la dignité des relations internationales.» L'état de contestation grave existant entre l'Angleterre et les État-Unis avait paru à l'honorable député nécessiter, de la part de la France, une déclaration de principes dans le but d'assurer l'avenir de la politique française de ce côté. M. Berryer croyait qu'en présence de cette possibilité d'un conflit, le gouvernement français n'avait pas assez réservé notre indépendance politique. Lui, non plus, il ne croyait pas à un équilibre américain, et, dans la conduite du Cabinet, il ne voyait qu'un seul motif déterminant, la condescendance. La déclaration de neutralité, faite aujourd'hui, lui semblait une imprudence: dans de pareilles conditions, ce serait la guerre. Ce qu'il fallait, c'était la déclaration solennelle d'une politique de réserve suivie en vue du maintien des maximes suivantes : Le pavillon couvre la marchandise; point de blocus fictif, Au fond, M. Berryer lui-même ne croyait pas à une guerre entre l'Amérique et la Grande-Bretagne; la Grande-Bretagne céderait, comme toujours. Mais une attitude ferme, une attitude de principes de la part de la France serait la plus noble et la plus sûre garantie de la paix. M. le ministre des affaires étrangères n'eut pas de peine à montrer que l'amendement n'était qu'une réserve faite en vue d'une hypothèse à laquelle on ne croyait même pas. Rien ici ne s'adressait donc à un fait actuel, à une nécessité présente. L'hy pothèse était improbable et la réserve inutile, puisqu'elle était de droit. Personne n'avait jamais pu penser que, si un conflit venait à éclater entre l'Angleterre et les États-Unis, la France abandonnerait les maximes qu'elle a constamment professées et maintenues sur la liberté des mers et le droit des neutres. Ce qu'il y aurait de difficile à établir, au moment d'un conflit, au milieu des passions qui s'élèveraient, ce serait la politique de neutralité, cette politique que le Cabinet avait voulu proclamer à l'avance pour prêter force et appui aux amis de la paix, quelque part qu'ils se trouvassent, pour détromper les partisans de la guerre, s'ils croyaient que la France pût se laisser entrainer vers eux. L'amendement fut rejeté à une majorité de 78 voix, 234 contre 156 (31 janvier). M. de Rémusat présentait un amendement sur le paragraphe 6, concernant les rapports de la France avec l'Angleterre. L'honorable député proposait d'ajouter un passage rédigé ainsi : < Mais, pour que ces relations se consolident, il faut que les deux gouvernements, tout en agissant de concert dans les circonstances où leurs intérêts sont coumans, gardent soigneusement, dans les deux mondes, toute l'indépendance de leur action politique. » |