dans le travail industriel, dont l'activité ne s'était pas ralentie, et dans l'exécution des grandes entreprises de chemins de fer; des chantiers considérables furent établis sur tous les points pour réparer les ravages des dernières inondations et pour rétablir les communications interrompues. A ces mesures généralés vinrent s'ajouter des mesures plus spéciales: par exemple, la création d'ateliers de charité sur les routes et sur les chemins vicinaux. Des instructions adressées aux préfets par M. le ministre de l'intérieur, en date du 28 novembre, leur recommandèrent de s'assurer, à cet égard, le concours des communes, dont plusieurs avaient déjà pris une généreuse initiative, soit en ouvrant à leur compte des ateliers de charité, soit en allouant des crédits destinés à payer aux boulangers la différence du prix du pain livré au-dessous du cours aux ouvriers nécessiteux et aux indigents, à l'aide de bons. La municipalité de Paris avait la première donné l'exemple: sur la proposition du préfet de la Seine et du préfet de police, le conseil municipal avait voté un crédit pour maintenir dans la capitale, en faveur des indigents, le prix du pain de première qualité à 80 cent. les 2 kilog.. s'il arrivait qu'il dépassât ce taux. Pendant le dernier mois de l'année, près de 100,000 personnes profitèrent du bénéfice de cette mesure. Des événements d'une nature aussi fâcheuse n'ayant pu se passer sans atteindre profondément la fortune publique, il est nécessaire d'insister plus particulièrement qu'à l'ordinaire sur les résultats généraux du commerce et sur les chiffres qui établissent la situation financière de la France. La position d'un établissement de crédit aussi important que la Banque de France est un sûr thermomètre de la prospérité publique. L'ensemble des opérations de cette année présentait. deux faits dignes d'attention. Jamais les escomptes ne s'étaient élevés aussi haut. Un abaissement inusité dans les réserves avait signalé les derniers mois de l'exercice. En 1839, en 1840, en 1845, les opérations de la Banque et de ses comptoirs avaient, par extraordinaire, approché de 1,500 millions; en 1846, le total général atteignait 1,726,000 fr. La masse des affaires avait été sensiblement plus forte au commencement de l'année qu'à la fin, et, pendant les derniers mois, les transactions commerciales avaient marché en sens inverse. Pendant le premier semestre, les réserves de la Banque et des comptoirs avaient été croissant; à partir du mois de juillet, un mouvement contraire s'était déclaré. Ce mouvement anormal était dû à des causes diverses; mais la plus active de toutes, sans contredit, avait été la pénurie des subsistances. Cette cause avait agi doublement sur l'état de la place, car des espèces avaient été exportées pour les pays qui avaient vendu à la France l'excédant de leurs récoltes, et les pays manquant à la fois de céréales et d'argent s'étaient approvisionnés de numéraire à Paris, soit à l'aide de moyens de crédit, soit par le retrait de placements précédemment effectués. De l'accroissement des besoins d'argent il était résulté que, de toutes parts, on s'était adressé à la Banque, grand dépôt d'espèces réputé inépuisable, et naguère jugé excessif. L'intérêt haussait en divers lieux, et la Banque, continuant à escompter aux mêmes conditions, les demandes avaient redoublé et des millions en lingots on en espèces s'étaient, pendant quatre mois, dirigés incessamment vers la Russie, l'Allemagne, la Hollande, la Belgique, la Suisse et même l'Espagne. Quant aux espèces décentralisées de Paris et retenues dans les départements, elles n'avaient pu faire retour. Lorsque les vivres renchérissent, une plus grande masse de numéraire devient nécessaire pour solder les achats journaliers. Les travaux simultanément entrepris sur tous les points du territoire avaient été poussés avec plus d'activité, afin de soulager la gène des classes laborieuses. Or, les sommes réparties en salaires et divisées en milliers de fractions minimes se recomposent avec lenteur et ne reprennent que plus tard la direction que les mouvements du commerce leur impriment habituellement. Cette situation conseillait peut-être des mesures restrictives. En Angleterre, en pareil cas, on n'hésite jamais. Une législation plus sévère que la nôtre impose même ce pénible devoir à la plupart des institutions de crédit. La Banque de France avait pourtant tenu à honneur d'ajourner toute décision de ce genre jusqu'à la fin de l'année, époque des règlements de compte, et par conséquent des grands besoins et des grands payements; elle avait continué à subvenir avec libéralité à toutes les demandes, et par là elle avait rendu au commerce un signalé service. Pourtant les réserves métalliques n'avaient cessé de diminuer de jour en jour. La quantité de billets en circulation était restée à peu de chose près la même. Les effets de commerce en portefeuille, et dont le montant représente exactement les avances faites par la Banque à l'industrie, ne différaient pas sensiblement du chiffre habituel et normal; mais la réserve avait subi, à la fin de l'année, une réduction très-grave. Après avoir varié, en 1845, de 279 à 176 millions, en 1844, de 279 à 234, elle était tombée à un peu plus de 100 millions, dont 80 à Paris; le reste dans les comptoirs. Cette diminution provenait surtout de l'abaissement du compte courant du Trésor. Cette année, les services publics avaient absorbé une grande partie de ce capital dormant, et il n'était plus que d'environ 35 millions. Jusqu'ici, il n'y avait encore rien d'inquiétant, et 100 millions d'espèces pour une circulation parisienne de 270 millions formaient une proportion considérée partout comme rassurante. Mais si le compte courant du Trésor devait être épuisé bientôt, la Banque, qui n'avait pas cessé de faire de grandes avances au commerce, serait dans la nécessité de s'arrêter; il faudrait qu'elle restreignit ses escomptes, qu'elle élevat le taux de l'intérêt, ou qu'elle se procurât des espèces au dehors. Le tableau du revenu public est un autre symptôme non moins digne d'attention de la situation matérielle d'un pays. La recette générale des impôts et du revenu indirect s'élevait, pour l'année 1846, à 823,291,000 fr. contre 803,902,000 fr. en 1845: accroissement, 19,389,000 fr. L'augmentation, en 1845, n'avait été que de 15 millions. Un fait non moins remarquable, c'est que la plus forte partie de cet accroissement portait sur le dernier trimestre, celui qu'on aurait cru devoir étre le plus vivement affecté; les neuf premiers mois avaient donné, en excédant, 13,183,000 fr. ; les trois derniers, 6,206,000 fr. Le service le plus important, celui qui embrasse l'enregistrement, les domaines, le greffe, les hypothèques, le timbre, et concerne ainsi plus spécialement les mutations de propriété et les transactions du négoce intérieur, s'était élevé à 255 millions contre 252 en 1845. Ici le progrès était presque imperceptible. Les droits de douanes, à l'entrée, avaient donné 106 millions contre 100, excédant qui se trouvait balancé par une perte sur les sucres coloniaux: de 43 millions, ces derniers étaient tombés à 37, résultat auquel avait dù beaucoup contribuer l'heureuse rivalité du sucre indigène, dont la taxe de consommation avait donné 17 millions contre 11. Les autres droits de douanes, soit à la sortie, soit à la navigation, avaient aussi procuré quelques excédants. Les sels des salines du littoral avaient produit 55 millions contre 58, perte de 3 millions, compensée en partie par un accroissement des extractions à l'intérieur. La recette sur les boissons était passée de 101 millions à 102 1/2. La reeette des tabacs continuait de grandir: au lieu de 112 millions, elle en avait donné 116. La recette postale s'était élevée de 48 millions 1/2 à 50 millions 1/3; celle des poudres était montée de 5 millions 1/2 à près de 7; le revenu des malles-postes avait un peu fléchi; enfin, les droits et taxes divers avaient donné 41 millions contre 40. En résumé, sur dix-huit branches de produits, trois seule-. ment, le sucre colonial, les sels et les malles-postes, laissaient apercevoir, en 1846, quelques diminutions; le reste était en progrès marqué. Si l'on mettait en balance avec ce résultat les rudes épreuves auxquelles avait été soumise la France, inondations, pénurie des subsistances, embarras politiques (voyez le chapitre suivant), il fallait reconnaître combien étaient grandes les ressources d'un pays dont la prospérité avait pu s'accroître au milieu de tant de complications diverses. Il reste maintenant à raconter sommairement quelques événements qui se lient d'une manière moins intime à l'histoire intérieure du pays. Dans le mois de mars, eurent lieu quelques troubles dans le bassin houiller de la Loire. La grève des ouvriers donna lieu à de regrettables conflits entre ceux-ci et la force armée; il y eut quelques victimes. La diminution du salaire sur un des principaux points de l'exploitation et les exigences outrées de quelques meneurs occasionnèrent ces désordres. Mais le fait le plus important qui se produisit à cette occasion, et auquel on attribua sans fondement l'irritation des ouvriers, fut la fusion en une seule compagnie de presque toutes celles qui exploitaient jusqu'alors le vaste bassin de la Loire. On vit dans ce fait le commencement d'un dangereux monopole, et M. Lanyer interpella à ce sujet le gouvernement. Des explications données il résulta que, d'après la loi de 1810, la concession d'une mine constitue une propriété transmissible comme toute autre. Sans doute il y avait un danger dans la mise aux mains d'une seule et puissante compagnie de toutes les ressources houillères du centre de la France; mais la légalité était du côté de la compagnie. On reconnut pourtant la nécessité d'armer le gouvernement contre les inconvénients futurs du monopole, sans violer d'ailleurs les droits acquis. D'autres désordres de même nature eurent lieu, dans les premiers jours de juillet, dans le bassin houiller de Valenciennes, exploité par la compagnie d'Anzin; mais là, heureusement, la grève se termina sans collision. Quelques troubles eurent lieu, à Paris, dans le mois d'octobre; le faubourg Saint-Antoine en fut le théâtre, et la cherté des subsistances le prétexte. Mais l'arrestation des principaux acteurs de ces scènes violentes prouva qu'il ne fallait voir dans ces essais d'émeute que les mauvaises passions d'une populace peu nombreuse, et non l'expression des besoins véritables d'une |