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prompt, quoique gouverné par la prudence. Sigismond avait justifié le choix de la noblesse polonaise : peutêtre aussi courageux que Gustave, il mettait pourtant à la méditation de ses desseins une lenteur qui l'a fait nommer le roi du lendemain. Cette différence dans le caractère de deux grands princes explique les succès d'Iwan, incapable de leur résister s'ils eussent agi

de concert.

Quelques historiens accusent Gustave des malheurs de la Livonie... Pufendorff (1) en rejette le tort sur Sigismond; il dit qu'en vertu d'un arrangement fait entre eux, Gustave entra le premier en campagne, mais que, ne voyant arriver ni les Polonais ni les Livoniens, il fit la paix et retourna en Suède. Le fait est que Gustave se retira trop tôt, et que Sigismond commença trop tard. Dès l'expiration de la trève, les chevaliers porte-glaives s'étaient mis sous la protection de la Pologne. Sigismond se flattait de faire renoncer Iwan à ses prétentions (2) : il négociait toujours, lorsqu'Iwan, prêt à combattre, envoya demander au grand-maître Fustemberg, cinquante années d'arrérages qu'il prétendait lui être dues (3). Fustemberg les refusa. C'est l'occasion qu'Iwan attendait pour envahir la Livonie. Elle fut

(1) Introduction à l'histoire universelle, &c.

(2) Iwan faisait valoir le droit d'ancienne conquête, la fondation de Derpt; prétentions dont nous avons montré l'injustice ( chap. 1).

(3) Des écrivains russes prétendent que les chevaliers porte-glaives s'étaient eux-mêmes, à une certaine époque, rendus tributaires de la Russie; mais les archives de la Livonie n'offrent aucune preuve qu'ils

livrée aux dévastations les plus affreuses. Derpt et: Narva tombèrent au pouvoir des Russes, et Fustemberg, pris lui-même dans Felling, livré par la lâcheté de la garnison, mourut de misère dans une prison de Moscow.

Il n'y avait plus d'autre remède aux malheurs de la Livonie, que de lui donner un souverain en état de la défendre; l'ordre des chevaliers porte-glaives avait perdu sa puissance et sa considération. Gothard, nou- 1561. veau grand-maître, vit que le moment était venu de céder la province à la Pologne ; il remit à Sigismond sa croix, le sceau de l'ordre, les clefs de la ville et du château de Riga, et reçut en échange la Courlande et la Semigalle, érigées en duché, comme fiefs relevant de la Pologne. Cet acte, librement consenti, franchement exécuté de part et d'autre, a été sanctionné par des traités postérieurs entre la Russie, la Suède et la Pologne (1). Il n'est point de titre de propriété plus authentique et plus respectable.

se soient soumis à cette humiliation... « Le seul droit d'Iwan sur la » Livonie était le droit de la force, et le motif de la guerre qu'il allait > entreprendre était l'ambition. » Lévesque, Histoire de Russie, tom. II, pag. 457.Leclerc, id. pag. 317. L'ancienne Généalogie des grands-ducs de Moscovie rapporte une lettre intéressante à consulter sur les prétentions injustes des czars, relativement à la Livonie... Le tribut dont quelques chroniques russes parlent, était une contribution de six sous livoniens, que dans des temps très-reculés, avant l'établissement des chevaliers porte-glaives, une bande de Russes imposa à un hameau du district de Dorpat. Genealogia &c., Francofurti, 1600..

(1) Notamment par celui qui fut négocié par le jésuite Antoine Possevin. Voyez plus bas, p. 60 et 61.

. Trente-six ans auparavant, Albert de Brandebourg avait renoncé à la grande maîtrise de l'ordre teutonique. Ces deux renonciations opérèrent un changement remarquable dans le Nord. Les chevaliers de l'ordre teutonique, institués dans la Palestine, comme ceux de Saint-Jean et du Temple, chassés avec eux de la Terre sainte, accueillis au commencement du XIII. siècle par Boleslas V, transformés tout-à-coup en prédicateurs guerriers, avaient converti la Prusse à la foi chrétienne, bien moins par la persuasion que par la violence. Vinrent après eux les chevaliers porte - glaives: ils firent en Livonie ce que les premiers avaient fait en Prusse; ils régnaient depuis trois siècles dans le pays qu'ils étaient venus convertir. On s'étonnerait qu'une poignée de ces chevaliers eût pu conquérir et garder un pays fort peuplé, si l'on n'appréciait l'avantage que leur donnaient sur une multitude sans défense une armure pesante et l'habitude des armes. Ingrats, ambitieux, ils avaient dépouillé leurs protecteurs; ils avaient constamment rempli la Lithuanie et la Pologne de troubles et de carnage. Sous Casimir IV, en douze ans de guerre seulement, on comptait dix-huit mille villages incendiés ; et le sang de trois cent mille combattans avait rougi cette terre malheureuse (1): ainsi la renonciation des deux grands-maîtres, abstraction faite des circonstances qui l'ont provoquée, fut un bienfait, et la Pologne

(1) Leclerc, Histoire de la Russie ancienne, tom. II, pag. 321,

fut délivrée, sous Sigismond Auguste, du plus grand fléau qui l'eût encore affligée.

A cette révolution, ou plutôt à la haine qu'inspiraient les Russes, la Suède avait gagné Revel et l'Esthonie, qui se donnèrent à elle. Cependant la jalousie divisa deux puissances si éminemment intéressées à rester unies. Gustave Wasa n'était plus. Eric XIV, son fils, vit à regret la cession de la Livonie à la Pologne; il abandonna la cause commune, et Sigismond demeura seul chargé de la querelle de tous. Il soutint cette lutte avec énergie, et la fortune seconda son courage. Les Russes furent enfin chassés de la Livonie, et, sous un nouveau roi, la Suède rentra dans l'alliance la plus conforme à ses intérêts.

Alors Iwan eut à combattre à-la-fois contre les Tartares de Crimée, contre la Suède, contre la Pologne et contre ses propres sujets; il ne fut jamais plus terrible.

Il avait été forcé de quitter la Livonie, sur-tout par la lâcheté des boyards jaloux des officiers étrangers qu'il avait attirés dans son armée. Les trames et les désertions continuelles de ces séditieux irritaient sa sévérité.

Il regardait ses sujets comme le plus grand obstacle aux plans qu'il méditait pour les policer (1): mais, quoique trompé dans ses vues, il ne rabattait rien de ses prétentions; son caractère ardent s'allumait, et des torrens de sang coulèrent de la Baltique à la mer Noire,

(1) Leclerc, Histoire de la Russie ancienne, tom. II, pag. 322.

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1572.

en Finlande, en Livonie, à Novogorod et dans Moscow, par le fer du soldat et sous la hache des bourreaux.

Telle était l'horreur qu'inspiraient alors le nom et la domination russe (1), qu'Iwan, désespérant de réussir par la force, s'avisa d'un expédient pour s'emparer de la Livonie. Il crut que les habitans supporteraient plus facilement la domination de quelque seigneur allemand ou danois, et il leur fit dire que, content d'être leur protecteur, il renonçait au titre de leur souverain en faveur de Magnus, duc de Holstein, qu'il nommait roi de Livonie, se réservant de le détrôner et de s'en défaire lorsqu'il aurait soumis la province (2). Magnus fut la dupe de cet artifice; il reçut à Moscow des félicitations et des fêtes qui ne lui préparaient que des malheurs : mais les Livoniens, moins crédules, résistèrent à ses promesses comme à ses menaces; et, après bien des vicissitudes, Magnus, fatigué de squerelles injustes et des malheurs dont ses prétentions étaient le prétexte, désabusé sur la générosité d'Iwan, et presque devenu son ennemi (3), se retira avant la fin de la guerre, et mourut en paix dans un château de la Courlande.

La mort de Sigismond Auguste, roi de Pologne', l'interrègne qui la suivit, les troubles inséparables d'une diète d'élection, et l'inertie du règne si court de Henri de Valois, laissèrent au tzar le moyen de poursuivre

(1) Joannis Basilid. Vita, à Paulo Oderborn scripta, pag. 276.
(2) Pufendorff, Introduction à l'histoire universelle.

(3) Coxe's Travels into Russia, vol. I, pag. 320 et suiv.

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