d'autre passion que le brigandage, un prince Poyarski(1) parvient à se faire un parti redoutable aux factieux et aux étrangers. La rivalité des Suédois et des Polonais lui donne des succès; il rétablit une espèce d'ordre, et la Russie cherche sous ses auspices l'homme auquel elle veut confier ses destinées. On trouve dans l'obscurité d'un cloître le jeune Mickail Fæderowitz; il est proclamé tzar le 21 février 1613, et la dynastie des 1613. Romanow commence. (1) Le premier moteur de cette révolution fut un boucher de NizniNovogorod.... Les principaux agens furent, après Poyarski, un prince Serge Troubetzkoï, un Scheremetow, et un moine qui prêta, pour cette entreprise, la caisse du convent de la Trinité. (Lévesque, Hist. de Russie, t. III, p. 326 et saiv.— Antidote, 1770, p. 128.) État de au commen cement *7. siècle CHAPITRE IV. Tableau de la Russie au commencement du XVII. siècle. AVANT VANT d'entrer dans l'histoire de la dynastie des Romanow, qu'un seul homme a rendue célèbre, il n'est pas inutile de nous représenter l'état politique et moral de la Russie au commencement du XVII. siècle. Cette esquisse servira de point de comparaison avec le tableau qui doit terminer cet ouvrage. La monarchie russe, délivrée du joug des Tartares, la Russie venait d'acquérir, au midi, des contrées qu'elle n'avait jamais possédées avant leur invasion (1). Mais les petits du Tartares occupaient encore un vaste territoire entre le Dnieper et le Don (2). La domination russe se prolongeait en suivant le cours du Volga jusqu'à la mer Caspienne et jusqu'au pays des Nogais; elle s'appuyait à l'est sur cette immense Sibérie dont la possession était encore vague, incertaine et mal déterminée. Au nordest, elle n'avait pas d'autre limite que le pôle et des (1) On peut consulter, pour cette partie de la Moscvie, la relation d'Herberstein, pag. 1 et 2, et la carte qui y est jointe. (Rerum Moscovit. Commentarii, Francofurti, 1600.) (2) Ils étaient encore assez redoutables au commencement du XVII. siècle pour que le tzar se crût heureux d'en acheter la paix ; ce qui lui coûta des sommes immenses. (Voyage d'Oléarius en Moscovie, 1633, 1639, traduction de Wicquefort; Paris, 1656; pag. 111 et 112.) glaces glaces éternelles. Mais une seule province de l'Occident valait ces immenses solitudes, où quelques huttes de Samoyèdes n'offraient de cités que le nom. C'est du côté de la Suède et de la Pologne que se portaient principalement les vues d'envahissement. A l'avénement des Romanow, on disputait encore de ces limites: il faut donc les prendre quelques années plus tard, au moment où des traités solennels les fixèrent d'une manière authentique. Par le traité conclu avec la Suède à Stolboff, le 26 janvier (17 février) 1617 (1), le tzar renonça à toutes prétentions sur la Livonie et l'Esthonie. Il abandonna l'Ingrie, la Karélie et tout le pays entre l'Ingrie et Novogorod, de sorte que, jusqu'au règne de Pierre-le-Grand, la Russie n'eut plus rien sur la Baltique (2). Du côté de la Pologne, les droits ou prétentions réciproques n'étaient pas moins litigieux; mais ils furent réglés par deux traités successifs (3). Le tzar renonce à toutes ses prétentions sur la Livonie, et (1) Histoire ancienne de Russie, tom. III, pag. 25; Histoire de Léves-que, tom. III; Art de vérifier les Dates, &c. D'après ce traité, le tzar Mickaïl s'obligea encore de payer à la Suède une somme pour l'indemniser des frais de la guerre. (2) Ces limites furent gardées depuis cette époque jusqu'à celle où la guerre s'éleva entre Pierre-le-Grand et Charles XII, c'est-à-dire, pendant près d'un siècle. (Histoire de la Russie ancienne, t. II, p. 25.) (3) Trève de quatorze ans conclue en 1618, confirmée par le traité de 1634. Ibid. F abandonne en toute propriété les duchés de Smolensk, de Sévérie et de Czernicow. Au sud-ouest, les Cosaques de l'Ukraine formaient, sous la protection de la Pologne, les limites de la Russie (1). Popula- S'il est difficile de déterminer rigoureusement l'étion. tendue de l'empire Russe à cette époque, on ne peut guère hasarder que des conjectures sur sa population... Ce n'est qu'environ un siècle après, qu'on a pris des mesures propres à faciliter le dénombrement des sujets de la Russie; mais, si l'on considère qu'en 1723, après la conquête ou l'acquisition de quelques provinces peuplées d'environ trois millions d'habitans, l'état général de la population russe ne fut porté qu'à onze millions d'individus (2), on est autorisé à croire qu'au commencement du XVII. siècle, après tant de troubles, de proscriptions, de guerres civiles ou étrangères, et de fléaux de toute espèce, la population russe et tartare ne s'élevait guère au-dessus de six millions d'individus répandus sur un territoire déjà plus vaste que toute l'Europe. Il ne faut pas juger du nombre des habitans par ces armées immenses qu'on a vues se répandre en torrens sur des campagnes désertes, comme celles de Mamai-khan et de Dmitri-Donski: outre ce qu'il faut rabattre de l'exagération des vieilles chroniques, on (1) Leclere, Histoire de l'ancienne Russie, tom. III; Art de vérifier les dates. (2) Voyez chap. XI de cet ouvrage. sait que c'étaient moins des armées que des nations entières qui se précipitaient en masse les unes sur les autres. La barbarie ne favorise point la population. Gouver Les Russes ne connaissaient et n'estimaient. le que nement, gouvernement le plus despotique. Jamais ils n'avaient pensé à prescrire des lois à la race de Rurick, et même les tzars élus dans des temps d'anarchie par des boyards séditieux ne furent pas moins maîtresabsolus de la vie et des biens de leurs sujets que leurs prédécesseurs (1). On distinguait plusieurs degrés dans la noblesse. Noblesse, D'abord les kniaz ou knez, princes apanagés, descendans ou alliés de la maison de Rurick, au-dessus desquels le souverain ne porta long-temps que le titre de Veliki Kniaz, c'est-à-dire de grand prince (2); mais, dans la suite, le grand nombre des Mourzas tartares et des étrangers que la politique des monarques fit admettre dans cet ordre, le rendit si nombreux, que le titre de prince y devint moins considéré que celui de comte (3). Ensuite venaient les boyards (ou bojares), simple titre, non héréditaire, accordé par le tzar à ceux qui (1) Antonii Possevini è soc. Jes. Moscovia, in-fol., in officina Birckmanna, 1695, pag. 3; Guagnini Veronensis Descriptio Moscovia, pag. 179; Rerum Moscoviticarum Commentarii, auctore Herberstein, pag. 11, &c.; Voyage d'Oléarius, trad. par Wicquefort, pag. 98, &c. (2) Rerum Moscov. Comm. pag. 12. (3) Voyez, pour les détails sur la noblesse russe, la Description de l'empire Russe de Stralhemberg, tom. II, pag. 131-148. - Leclerc, tom. III. |