N° 27 BOUÉES SONORES ET BOUÉES LUMINEUSES NOTE Par M. ÉMILE ALLARD, Inspecteur général des Ponts et Chaussées. Les bouées que l'on mouille le long des côtes pour signaler aux navigateurs les dangers qu'ils doivent éviter, ou les passes qu'ils peuvent suivre, cessent de remplir leur office pendant la durée des nuits, et même quelquefois pendant le jour lorsque la brume empêche de les apercevoir. Deux améliorations importantes ont été imaginées dans ces derniers temps pour prolonger les services que rendent ces bouées; elles consistent à leur faire produire soit un son, soit une lumière. Il peut être intéressant de faire connaître les résultats qui ont été obtenus dans ce sens. Depuis longtemps déjà on a cherché à signaler l'approche d'une bouée que la nuit ou la brume rendent invisible, en plaçant vers la partie supérieure une cloche fixe, autour de laquelle sont suspendus des marteaux mobiles. Mais arrive souvent que les agitations de la bouée ne sont pas suffisantes pour faire tomber les marteaux sur la cloche, et d'ailleurs les sons qu'ils peuvent produire ne se font entendre en général qu'à une faible distance. Une bouée à signal sonore également automatique, mais beaucoup plus puissant, a été construite il y a quelques années par M. Courtenay, de New-York. Cette bouée se Annales des P. et Ch. MÉM. 6e sér., 2o ann., 6o cah. TOME III. 41 Bouée sonore. (Ech. 1/100.) compose d'un flotteur de forme conique ayant 3 mètres de diamètre à la base, et d'un cylindre creux de o",75 de diamètre, lequel traverse verticalement le flotteur et descend jusqu'à 8 ou 9 mètres de profondeur dans la mer. Ce tube, ouvert à la partie inférieure, est fermé un peu au-dessus du niveau de l'eau par un diaphragme, dans lequel sont percés trois trous munis de soupapes. Le principe sur lequel s'est appuyé l'inventeur, consiste en ce que le niveau de l'eau dans l'intérieur du cylindre ne doit pas participer au mouvement des vagues extérieures, parce que ce cylindre descend à une profondeur où l'action des lames ne se fait plus sentir et où la pression reste constante; de sorte que si le flotteur, entraînant le tube, est soulevé par une vague et retombe ensuite dans le creux qui la suit, l'eau intérieure conserve toujours à peu près le niveau moyen. Il en résulte que l'air compris dans le tube entre l'eau et le diaphragme, se trouve successivement dilaté et condensé, comme par un piston fixe sur lequel agirait un corps de pompe mobile. Lorsque l'air est dilaté par suite de l'ascension du flotteur, deux des soupapes du diaphragme s'ouvrent et laissent pénétrer l'air extérieur, de manière à rétablir l'équilibre de pression; lorsque l'air est comprimé par la descente du flotteur, il soulève la troisième soupape, s'échappe par un tuyau qui monte jusqu'au sommet de la bouée, et agit sur un sifflet qu'il fait vibrer. Une bouée de ce genre a été, il y a quelques années, placée à titre d'essai dans la rade du Havre, à 3 milles 3/4 de la jetée du Nord et à 2 milles 1/2 des phares de la Hève. Elle a donné de très bons résultats. D'après les observations faites pendant plusieurs mois consécutifs, le sifflet a été entendu trois fois sur quatre de la Hève et une fois sur deux de la jetée du Nord. L'influence du vent est considérable et la probabilité d'entendre la bouée est beaucoup plus forte par vent favorable que par vent contraire. A la suite de cette expérience, huit bouées ont été acquises par l'Administration; quatre ont été mouillées au Havre, au cap Gris-Nez, au cap la Hague et dans l'Iroise, près de Brest; les quatre autres ont été conservées pour servir de rechange. Les accidents que quelques-unes de ces bouées ont éprouvés par suite de la violence de la mer, rentrent dans la catégorie de ceux qui arrivent à toutes les bouées, et ne prouvent rien contre la valeur du système de signal sonore, lequel du reste n'a éprouvé aucune avarie. Le prix de chacune de ces bouées est de 8755 francs, non compris l'ancre ni la chaîne. Au lieu de faire produire un son par les bouées, on a cherché à les rendre lumineuses, et ce système est peutêtre de nature à rendre encore plus de services aux marins que le précédent. L'électricité est naturellement venue à l'esprit des inventeurs, et on a songé à employer des tubes de Geissler rendus lumineux par une pile et une bobine de Ruhmkorff placées dans l'intérieur de la bouée; mais cette idée n'a encore conduit à aucun résultat pratique. Le gaz comprimé a mieux réussi. Le corps de la bouée pouvant servir de réservoir, la solution est très simple, puisqu'il suffit de laisser sortir le gaz à travers un régulateur de pression, et de le conduire à un brûleur placé dans une lanterne au sommet de la bouée. Le système que M. Pintsch, de Berlin, a fait breveter et que M. le comte Delamarre fait fabriquer en France, comprend différents détails qui paraissent heureusement combinés. Le corps de la bouée est établi dans une forme à peu près semblable à celle des autres bouées, mais assez solidement pour résister à une forte pression intérieure sans donner lieu à des fuites de gaz. Pour arriver à ce résultat sans trop augmenter le poids de l'appareil, on emploie des tôles d'acier que l'on soude au lieu de les river. Le gaz est obtenu par la distillation d'une huile de schiste; il jouit de la propriété d'avoir un pouvoir éclairant supérieur à celui du gaz ordinaire et de ne pas être altéré par la compression. Le régulateur de pression se compose d'une cuvette cylin drique, fermée à sa partie supérieure par une membrane. imperméable et flexible, au centre de laquelle est fixée une tige agissant sur le levier qui ouvre ou ferme l'orifice d'introduction du gaz. Ces différents organes sont calculés et réglés pour entretenir dans la cuvette une pression déterminée de 18 millimètres d'eau par exemple au-dessus de Bouée lumineuse. (Éch. 1/100.) celle de l'atmosphère. Dès que ce chiffre est atteint ou légèrement dépassé, la membrane flexible qui se soulève plus ou moins suivant la pression, entraîne le levier dans une position correspondant à la fermeture complète de l'orifice |