ces engagemens aient été contractés; il ne suffit pas même qu'ils soient fidèlement observés ; il faut encore qu'aucun des contractans ne puisse s'y soustraire; car, par cela seul qu'une partie pourrait, à son gré, méconnaître ses obligations, le contrat serait vicié. Il faut donc essentiellement, pour la conservation et la durée de toute société, qu'il existe une force capable de contraindre chaque membre à remplir ses devoirs, et de garantir à chacun l'exercice de ses droits; cette force, c'est le gouvernement, quelle que soit sa forme, quelle que soit sa dénomination. « Il faut remarquer, » dit un grand jurisconsulte, sur ce qui regarde les en»gagemens, qu'ils demandent l'usage d'un gouverne»ment qui contienne chacun dans l'ordre de la justice (1).» «Le corps politique, dit Harrington (2), qui » n'est point dirigé par la raison du gouvernement, n'est plus un peuple, une nation, mais un troupeau. » Ainsi la nature même des choses veut que chaque société soit soumise à une autorité; et la raison nous montre que cette autorité n'existe que pour l'avantage de la société. Mais tantôt la soumission due au pouvoir légal a été oubliée; tantôt les dépositaires de l'autorité en ont abusé; ces accidens n'ont pu changer les principes; mais ils ont fait voir la nécessité de donner au gouvernement assez de force pour agir, pour se conserver et se défendre, et de renfermer son pouvoir dans de telles limites, qu'il ne pût en faire (1) Domat, Traité des lois, chap. xi, no 40. (2) Aphorismes politiques, no 19. Voyez aussi Blackstone, discours prélim. sect. 2. usage contre l'intérêt de la société (1). Tel est le problème que présente à résoudre la formation ou l'organisation de toute société politique; et certes, l'esprit humain ne peut se proposer un objet de méditation plus grand et plus utile (2). En cette matière, il n'est pas de guide plus sûr que l'expérience; et les principes établis par le raisonnement ne reçoivent que de l'application une autorité compiète et une certitude irréfragable. C'est la machine dont le géomètré a combiné les ressorts et calculé les forces il faut la voir agir pour être sûr de son effet. Avant donc d'adopter les théories et les systèmes sur la forme du gouvernement, il ne suffit pas d'en apprécier le mérite d'une manière spéculative, il faut en outre consulter l'expérience, et adopter ou repousser les principes et les institutions, d'après leurs effets dans l'exercice et dans l'application. Mais dans quelles archives trouve-t-on recueillies les leçons ou les observations de cette expérience, qu'on peut appeler la pierre de touche des institutions politiques? La plupart des historiens ont négligé de montrer en quoi la forme du gouvernement et les institutions politiques ont influé sur la destinée des peuples ceux même qui ont considéré l'histoire sous ce point de vue, n'exposent pas toujours avec assez d'exactitude l'ensemble des principes et des lois formant la constitution; et c'est plutôt leur opinion sur ces lois que ces lois elles-mêmes qu'ils font connaître. Ainsi, l'histoire de chaque peuple (1) Locke, du Gouvernement civil, chap. vii, no 10. (2) Voyez la Préface des OEuvres philosophiques et politiques, de Hobbes. nous offre rarement les leçons de l'expérience sous ce rapport; mais, si une fois chaque constitution était connue dans toutes ses parties; si toutes les révolutions survenues dans la forme du gouvernement étaient indiquées avec exactitude; alors il serait facile de démêler dans chaque événement, quelle a été l'influence des institutions politiques, et de voir comment les événemens ont réagi sur ces mêmes institutions. Ces réflexions suffisent, sans doute, pour indiquer quelle a été notre intention, en présentant le texte des lois et actes formant la constitution de chaque peuple.' Il nous reste à développer le plan que nous avons suivi pour l'exécution. D'abord, nous n'avons compris dans notre Collection que les institutions des peuples modernes : sans doute, les gouvernemens des anciens ont offert souvent d'heureuses applications des principes de la politique. Montesquieu pense que les Anglais ont tiré des Germains l'idée de leur gouvernement politique (1); il dit aussi que la manière dont on rendait la justice à Rome, du temps de la république, est à-peu-près suivie en Angleterre (2). Mais les mœurs, les usages et les circonstances ont tellement changé; les inventions nouvelles, le progrès des sciences ont apporté dans l'état social de si grandes modifications, qu'il serait souvent inutile, et quelque (1) Esprit des lois, liv. xi, chap. 6. (2) Idem, liv. xi, chap. 18. fois ridicule de chercher dans les institutions des anciens, le type des gouvernemens actuels (1). Chez les nations modernes, au contraire, malgré les différences des mœurs, des usages, du caractère et du degré de civilisation, il existe des rapports tels, que souvent les institutions de l'une peuvent convenir à l'autre, mais toujours avec plus ou moins de modifications. En effet, ce serait une pensée bien fausse et bien dangereuse, de croire que telle ou telle législation politique est absolument applicable à tous les peuples indistinctement en cette matière, plus qu'en aucune autre, peut-être, le vrai et le bien ne sont que relatifs. Il entrait donc dans notre plan, comme nous venons de le dire, de recueillir seulement les actes et lois organiques des gouvernemens modernes. Cela une fois décidé, une difficulté qu'on n'aperçoit pas d'abord, nous a long-temps arrêtés; c'est le choix à faire dans la législation de chaque peuple, des lois et des actes qui forment sa constitution. Qu'est-ce à proprement parler que la constitution? quelles sont les lois qui en font essentiellement partie? quelles sont les lois qu'on doit regarder comme organiques de la constitution? Les publicistes, les jurisconsultes ont laissé des définitions et des classifications plus ou moins propres à nous diriger dans notre choix. Il n'est pas inutile de rappeler celles qui nous ont paru les plus exactes: elles indiqueront la règle que nous avons suivie. «La constitution est l'ordre ou distribution des pou (1) Encyclopédie, au mot Politique. voirs qui ont lieu dans un Etat, c'est-à-dire la manière dont ils y sont départis, le siége de la souveraineté et la fin que s'y propose la société civile (1). « Pour donner la meilleure forme possible à la chose publique, dit Rousseau, il y a diverses relations à considérer; premièrement, l'action du corps entier agissant sur lui-même, c'est-à-dire le rapport du tout au tout, ou du souverain à l'Etat..... Les lois qui règlent ce rapport portent le nom de lois politiques et s'appellent aussi lois fondamentales (2). » Des jurisconsultes partant de ces principes, ont expliqué avec détail ce qu'on doit regarder comme lois politiques; ils les ont désignées en indiquant les matières qu'elles règlent. Domat (3) est entré à ce sujet dans quelques développemens; et le Répertoire de jurisprudence de. Merlin s'exprime en ces termes (4) : « Le droit public est général ou particulier; le droit public général est celui qui règle les fondemens de la société civile, commune à plusieurs Etats et les intérêts que ces Etats ont les uns avec les autres. Le droit public particulier est celui qui règle les fondemens de chaque Etat. L'objet du droit public particulier est en général de maintenir la police nécessaire au bon ordre et à la tranquillité de l'Etat, et de procurer ce qui est le plus avantageux à tous les membres de l'Etat, considérés collectivement et séparément. (1) Aristote-Polit., liv. Iv. chap. 1er. Voyez aussi Montesquieu, Esprit des lois, liv. 1er, chap. 3. (2) Contrat social, liv. 11, chap. 12. (3) Traité des lois, chap. xi, n° 40. (4) Répertoire de jurisprudence, au mot Droit. |