créés par la Révolution. On inquiéta les possesseurs des biens nationaux. On ne respecta ni la liberté des cultes ni la tolérance religieuse. Le roi signait ses ordonnances de la vieille formule de Louis XIV: « Car tel est notre plaisir. » Les grades, les honneurs étaient prodigués aux émigrés, tandis que 14 000 officiers, qui avaient gagné leurs épaulettes en face de l'ennemi, étaient renvoyés en demi-solde. Les soldats de l'armée de Condé, des hommes même qui n'avaient jamais porté l'épée, devenaient généraux. Les officiers de marine rentraient avec le grade immédiatement supérieur à celui qu'ils avaient le jour de l'émigration; ceux qui avaient servi sur les flottes britanniques conservaient le rang que l'amirauté anglaise leur avait donné. Les campagnes de guerre faites contre la France leur comptaient pour la retraite (ordonnance du 25 mai). Retour de l'île d'Elbe (20 mars 1845). Cepen→ dant, de l'île d'Elbe, Napoléon voyait les Bourbons accumuler les fautes, et leur impopularité grandir. Menacé d'être enlevé dans son île, il préféra tenter encore une fois la fortune. Il s'embarqua avec quelques centaines d'hommes et aborda près de Cannes, dans le département du Var (1er mars). De Cannes à Grenoble, la petite troupe ne rencontra pas un obstacle. « Citoyens, disait l'empereur aux paysans, je compte sur le peuple, parce que je suis l'homme du peuple. Il avouait franchement qu'il s'était trompé en voulant donner à la France l'empire du monde, ne parlait que de paix et de liberté, promettait une constitution et des garanties. Près de Grenoble, il rencontra les premières troupes envoyées contre lui. Les armes leur tombèrent des mains. Dès lors, la route ne fut qu'un triomphe. Ney, parti de Paris tout dévoué au rọi, vit ses régiments céder à l'entraînement universel, et vint lui-même rejoindre à Auxerre son ancien chef. Le 20 mars, Napoléon rentrait aux Tuileries, que Louis XVII avait quittées la veille. Les Cent-Jours (20 mars-22 juin). Les événe 1 ments accomplis depuis une année avaient appris à Napoléon qu'il avait laissé en dehors de son gouvernement une des forces vives de la France, l'esprit de liberté. Cette force, il voulut la ressaisir, et l'acte additionnel aux constitutions de l'empire en forma les principales dispositions de la Charte deux chambres, l'une héréditaire, l'autre élective, la liberté de la presse, etc. Cependant on allait avoir l'Europe entière à combattre, et, outre la guerre étrangère, la guerre civile: les royalistes prenaient les armes dans la Vendée. Les souverains alliés, réunis alors en congrès à Vienne pour se partager les peuples, déclarèrent que « Napoléon s'était placé hors des relations civiles et sociales, et que, comme ennemi et perturbateur dú repos du monde, il était livré à la vindicte publique. » Ainsi, on mettait l'empereur hors la loi, et non-seulement l'empereur, mais la France. << Marchons, disaient-ils, pour partager cette terre impie. Le monde ne peut rester en repos tant qu'il existera un peuple français. Qu'on le change en peuples de Bourgogne, de Neustrie, d'Aquitaine, etc. Ils se déchireront entre eux, mais le monde sera tranquille. » Et Blücher promettait aux étudiants prussiens de faire pendre Napoléon. C'étaient les paroles de Brunswick lors de la première coalition; elles excitèrent presque un élan pareil à celui de 1792. Bourgeois, ouvriers, paysans, offrirent leurs bras. Des fédérations eurent lieu dans plusieurs provinces. En cinquante jours, une armée de 300 000 hommes fut organisée. 150 000 gardes nationaux étaient mobilisés pour la défense des places. On avait fabriqué 250000 fusils, réparé 150 forteresses. Les alliés n'avaient pas licencié leurs troupes et étaient prêts à entrer en campagne. L'Autriche dirigea vers le Rhin et les Alpes 350000 hommes, 200 000 Russes se trouvaient à Nuremberg vers la mi-juin. Déjà 100000 Anglais ou Hollandais, sous les ordres de Wellington, 130000 Prussiens, commandés par Blücher, étaient en Belgique. Bataille de Waterloo (18 juin 1815).-L'empereur se décida à prévenir l'ennemi, il franchit la Sambre avec 115 000 hommes et 350 pièces de canon (15 juin). Il comptait surprendre les Prussiens, mais le lieutenant général Bourmont passa à l'ennemi, et Blücher, averti du péril, eut le temps de concentrer ses forces à Ligny. Il y fut pourtant attaqué, battu, mais non détruit comme il aurait pu l'être. Le 17, Napoléon marcha aux Anglais, établis au nombre de 90 000 hommes en avant du village de Waterloo, sur le plateau de Mont-Saint-Jean. L'armée française ne comptait que 65 000 combattants, mais pleins d'enthousiasme. Wellington, adossé à la forêt de Soignes, n'ayant qu'une seule route de retraite, était perdu s'il n'était vainqueur. Il avait été convenu entre Blücher et lui que celui des deux qui se trouverait attaqué ferait une résistance désespérée, afin que l'autre pût venir à son aide. Wellington comptait donc sur les Prussiens; mais Napoléon comptait aussi que les Prussiens, poussés vers la Meuse ou contenus par Grouchy, n'arriveraient pas. La pluie, qui tomba par torrents toute la nuit du 17 au 18, avait fait du terrain un bourbier, et ce ne fut que vers onze heures que la bataille commença par l'attaque du château d'Hougoumont. Pendant que les Anglais portaient de ce côté leurs principales forces, Napoléon dirigeait sur Mont-SaintJean une vive canonnade, dont les affreux ravages firent plier l'ennemi. Mais, une fausse manœuvre ayant arrêté le feu de cette artillerie, Wellington rallia ses troupes. A ce moment Ney aborde enfin la Haie-Sainte et s'en empare. Le désordre se met une seconde fois dans l'armée anglaise, les fuyards portent jusqu'à Bruxelles le bruit. de la défaite de Wellington. Pour changer ce désordre en déroute, Napoléon allait lancer la garde. Soudain le canon gronde derrière nos lignes. «Est-ce Grouchy ? » crie-t-on de toutes parts. C'était Bulow, qui débouchait sur la droite de l'armée française avec 30 000 Prussiens venus par Wavres quand on les croyait vers Namur. L'empereur est forcé de diri r ger contre lui le corps qu'il destinait à soutenir Ney. Wellington a reconnu le secours promis; il reprend l'offensive, mais notre infanterie repousse ses colonnes, nos cuirassiers les sabrent, franchissent un talus rapide et arrivent jusqu'au centre de la position anglaise. Onze fois nos cavaliers chargent les carrés ennemis. Si notre infanterie de réserve eût été alors disponible, c'en était fait de l'armée anglaise. A sept heures, nos cavaliers sont rejetés hors du plateau. Une colonne de quatre bataillons de la garde arrive, mais trop tard, l'artillerie anglaise la bat en brèche à coups de canon. Cependant Napoléon réunit toutes ses forces et ordonne une attaque générale. Il était huit heures du soir. Nos soldats abordent l'ennemi avec un élan admirable: plusieurs carrés anglais sont entamés, anéantis. Tout à coup une canonnade effroyable éclate à l'extrême droite de notre armée. « C'est Grouchy! » s'écrient encore les soldats. C'était un troisième ennemi, c'était Blücher qui, à la tête de 36 000 Prussiens, débouchait après Bulow dans notre flanc droit. Alors nos soldats se croient trahis. Quelques-uns poussent le cri de : Sauve qui peut! et la dernière armée de la France, pressée de front par ce qui restait des 90 000 hommes de Wellington, à droite par les 66 000 Prussiens de Blücher et de Bulow, tourbillonne sur elle-même; les rangs se mêlent, il n'y a bientôt plus qu'une horrible confusion. Napoléon, désespéré, tire son épée et veut s'élancer au milieu des ennemis; il veut périr avec sa fortune; ses généraux l'entourent, on l'arrête, on l'entraîne sur la route de Genappe. Il est plus de neuf heures; la nuit est descendue sur ce terrible champ de bataille, où la vieille garde meurt et ne se rend pas. La bataille de Waterloo avait duré dix heures. Les Français, qui étaient 59 000 à Ligny, contre plus de 90 000 Prussiens, et à Waterloo 65 000 contre près de 160 000 soldats, qui deux fois, dans cette dernière lutte, virent la victoire s'échapper de leurs mains, eurent dans ces deux journées 28 850 morts et 7800 prisonniers. Mais jamais armée française ne porta de coups plus terribles, puisque les alliés perdirent dans ces quatre jours près de 60 000 hommes. Seconde abdication de l'empereur (22 juin 1815). Sainte-Hélène (1815-1821). « Qu'on me seconde, disait l'empereur, et rien n'est perdu. » Mais Fouché, ministre de la police, fit courir le bruit que Napoléon méditait un 18 brumaire; la chambre des représentants, sur la motion de La Fayette, proclama la patrie en danger, et envoya un message à l'empereur pour lui demander son abdication. Il la donna en proclamant son fils, Napoléon II, empereur des Français. Mais on nomma un gouvernement provisoire, qui entra aussitôt en négociation avec les alliés, et Napoléon, menacé d'être livré à l'ennemi, partit pour Rochefort. De là, il se rendit à bord du vaisseau anglais le Bellerophon. Le gouvernement anglais traita en prisonnier de guerre l'homme qui venait si noblement réclamer son hospitalité. L'empereur fut conduit dans l'île Sainte-Hélène, au milieu de l'Atlantique, sous un ciel brûlant, à 800 lieues de toute terre, et après six années, qui furent six années de souf frances morales et de privations matérielles, il mourut à Longwood, le 5 mai 1821, à quatre heures du matin. Traités de 1815. Dans le naufrage de l'empire, peu s'en fallut que la France ne pérît. Ni la chambre, ni le gouvernement ne surent défendre Paris. Davoust signa une convention par laquelle l'armée française dut se retirer derrière la Loire. Les alliés prirent possession de Paris comme d'une ville conquise. Blücher voulait faire sauter les ponts d'Iéna et d'Austerlitz, renverser la colonne de la grande armée. L'intervention du roi de Prusse sauva ces monuments. Le musée du Louvre fut dépouillé des chefs-d'œuvre que la victoire y avait entassés, et nos bibliothèques, nos collections précieuses furent mises au pillage. La chambre des députés avait pensé que l'on compterait avec elle; les alliés fermèrent la salle des séances, et |