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prise par les états 1. Peut-être même la leur imposa-t-il? C'est la punition de ceux qui gouvernent par la terreur de rendre suspects de tyrannie tous leurs actes. L'influence qu'ils exercent ressemble toujours à la contrainte. Quelque douteuse que soit la spontanéité de la proposition, il est certain que le projet convenait aux intérêts de la province. Habituée depuis des siècles à un système de répartition qui offrait aux contribuables des garanties sérieuses, elle ne souffrait pas tant de l'impôt directement levé sur elle et perçu par l'intermédiaire de ses propres commissaires, que des mille taxes indirectes exigées à tout propos et à chaque instant par les officiers du roi ou les commis des traitants. Les affaires extraordinaires étaient une cause de tourment perpétuel. On désirait les voir disparaître à tout prix. Toutes les provinces du royaume le désiraient également. Il est vrai que, dans les pays d'élection, les contribuables subissaient, sans y intervenir, la répartition de la taille, mais on pouvait espérer que le nouvel impôt serait réparti d'une manière moins vicieuse; en tout cas une contribution régulière, même imparfaitement organisée, valait mieux que le désordre universel causé par les offices et la fausse monnaie.

Le projet ayant été présenté au conseil, Pontchartrain résista tant qu'il put. « A la fin, il eut la main forcée par la nécessité des dépenses, par les persécutions de Basville et les mouvements des financiers 2. » Ces derniers avaient pour eux un argument décisif: ils refusaient de faire crédit, si on maintenait un état de choses qui conduirait droit à la banqueroute. Ne pouvant repousser le

1 Mémoires du duc de Saint-Simon, éd. Chéruel, t. III, chap. ναι, * Saint-Simon, loc, cit.

T. III.

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projet, le contrôleur général le dénatura. Ce qu'on voulait c'était une contribution analogue aux aides du moyen age « partagée par tous les sujets du royaume, chacun selon sa force, >> un impôt proportionnel sur le revenu. Ce qu'il établit ce fut un impôt par classe, une capitation graduée.

L'ordonnance parut le 18 janvier 1695. Le préambule en est curieux. Le roi fait appel au zèle de la nation, il explique les difficultés qui l'embarrassent, il s'excuse presque des fautes commises, il constate les vœux de ses sujets, il daigne justifier les sacrifices qu'il leur demande, il en marque les limites et il s'engage solennellement à ne pas les dépasser. Quelle différence avec les préambules superbes et hautains des ordonnances du temps de Colbert! Comme on sent bien que les temps sont changés! Les épreuves commencent et les revers ne tarderont pas à venir.

« Depuis que la gloire de notre Etat (dit le texte) et les prospérités dont le ciel a béni notre règne, ont excité contre nous l'envie d'une partie des puissances de l'Europe et les ont engagées à se liguer entre elles pour nous faire injustement la guerre, la sincérité de nos intentions et les avantages que nous avons remportés d'année en année, nous faisant toujours espérer une paix prochaine, nous avons tâché de n'employer pour nous mettre en état de repousser les efforts des Etats ligués contre nous que les moyens qui étaient le moins à charge à nos sujets. Nous avons pour cet effet aliéné des rentes dont nous avons assigné le payement sur nos revenus ordinaires et créé des charges dont les gages sont employés sur les états de nos finances. Et si, dans la suite, nous avons été obligé de pratiquer quelques autres moyens qui ont été plus à

charge à nos peuples, ce n'a été que par la nécessité de nous assurer dans des termes fixes les fonds convenables au bien de notre Etat. Mais l'endurcissement de nos ennemis, qui paraissent insensibles à leurs pertes, et qui, loin d'être touchés de la misère des peuples, semblent même tirer avantage de l'inclination que nous témoignons pour la paix, nous faisant prévoir la continuation de la guerre et nous obligeant à nous y préparer, nous espérons faire connaître à toute l'Europe que les forces de la France sont inépuisables, quand elles sont bien ménagées, et que nous avons des ressources certaines dans le cœur de nos sujets et dans le zèle qu'ils ont pour le service de leur roi et pour la gloire de la nation française. Dans cette confiance, nous avons résolu, pour nous mettre en état de soutenir les dépenses de la guerre, aussi longtemps que l'aveuglement des ennemis les portera à refuser la paix, d'établir une capitation générale, payable pendant le temps de la guerre seulement, par tous nos sujets sans aucune distinction par feux ou par familles, et nous avons lieu de juger ce moyen d'autant plus sûr et plus efficace, que les plus zélés et les plus éclairés de nos sujets des trois ordres qui composent cet Etat semblent avoir prévenu notre résolution1... Cette capitation, se répandant généralement sur tous, sera peu à charge à chaque particulier, et, jointe à nos revenus ordinaires, produira des fonds suffisants, dont le recouvrement se faisant sans frais et sans remises, rendra ce secours beaucoup plus prompt, plus facile et plus effectif. Nous croyons même, si ce recouvrement réussit, comme nous avons sujet de l'espérer, qu'il nous donnera lieu de nous

1 Nous supprimons le passage où se trouve reproduite la délibération des états de Languedoc.

passer à l'avenir des affaires extraordinaires auxquelles la nécessité des temps nous a obligé d'avoir recours, promettant, en foi et parole de roi, de faire cesser cette capitation générale trois mois après la publication de la paix 1. >>>

En vertu de l'ordonnance, tous les sujets du royaume sont soumis au nouvel impôt : ecclésiastiques et laïques, nobles et non nobles, militaires et civils, privilégiés et non privilégiés, bourgeois des villes franches et cultivateurs des bourgs ruraux, tous doivent y contribuer. Il n'y a d'exception que pour les pauvres et les religieux mendiants, d'après les listes dressées par les curés et pour les taillables dont la cote est inférieure à 40 sols.

Le taux de la contribution est déterminé non par la fortune, mais par le rang, la qualité et l'état des contribuables, divisés en vingt-deux classes. Parmi ces classes, le clergé de France ne figure pas. Il doit cependant contribuer comme la noblesse, mais sous une autre forme, par une augmentation du don gratuit. Les contribuables de la première classe, en tête de laquelle se trouve inscrit le Dauphin, payent 2,000%, ceux de la deuxième 1,500, ceux de la troisième 1,000, et ainsi de suite, conformément à une progression décroissante jusqu'à la dernière classe, dont les membres ne payent que 20 sols2. Nul ne devant payer une double capitation, ceux qui exercent plusieurs

1 Isambert, XX, p. 381 et suiv.

* La première classe comprend : les princes et princesses du sang, le chancelier, le chef du conseil royal des finances, les ministres et secrétaires d'Etat, le contrôleur général, les gardes du trésor royal, les trésoriers de l'extraordinaire de la guerre et de la marine, les fermiers généraux. Les classes 2 à 10 (1,500 à 120#) comprennent toute la noblesse de robe et d'épée, les hauts fonctionnaires, les chefs de l'armée et de la marine, les traitants et sous-traitants. A partir de la 10me classe les professions libres commencent à se montrer. A côté des fonctionnaires et des employés figurent successivement les ban

états et qui, par exemple, possèdent plusieurs offices, ne contribuent qu'à raison d'un seul, à raison de celui qui correspond à la classe la plus élevée.

Les fils de famille, mariés ou pourvus de charges, doivent être soumis à une taxe particulière, bien qu'ils vivent avec leurs parents. La taxe des veuves est réduite de moitié et celle des mineurs des trois quarts.

Les rôles sont dressés par les intendants avec le concours des députés ou syndics dans les pays d'états et, dans les pays d'élection, de concert avec un certain nombre de gentilshommes désignés par le roi. Les intendants des provinces règlent aussi la capitation des officiers des armées; celle des officiers de la flotte est réglée par les intendants de la marine et des galères. Le prévôt des marchands et les échevins sont chargés des rôles de la ville de Paris.

Les taxes sont payables en deux termes fixés, l'un au mois de mars, l'autre au mois de juin.

Le recouvrement est confié aux receveurs des tailles dans les paroisses rurales et aux receveurs des deniers communs dans les villes des pays d'élection; aux trésoriers des provinces, dans les pays d'états; aux payeurs des compagnies et des armées, pour les taxes des officiers militaires ou civils; aux gardes du trésor royal, pour les

quiers et agents de change (10me classe, 120%), les marchands en gros (11me classe, 100%), les bourgeois des grosses villes vivant de leurs rentes (13me classe, 60%), les marchands de vin privilégiés (14me classe, 50#), les fermiers dont les baux dépassent 3,000 pour les terres et 2,000 pour les moulins (15me classe, 40%), les gros marchands tenant boutique et les avocats au conseil (16me classe, 30#), les avocats et procureurs des cours supérieures, les professeurs, les médecins et chirurgiens, les petits fermiers, les artisans (17me à 21me classe, 20 à 2t). La 22me classe (1) comprend, avec les simples soldats et matelots, les manœuvres et journaliers, les domestiques ruraux et urbains.

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