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France; elles acquiescent, elles signent avec vous, au-dessous
de votre signature, la convention du 27 juillet et cet acte de
garantie du 19, par lequel vous déclarez, quoi? que la Tur-
quie est mise désormais sous l'inviolabilité de l'Europe tout
entière, la France en tête, et que son intégrité et son indé-
pendance faisant enfin partie du droit public des nations, rien
ne se traitera que de concert et en commun de ce qui la con-

cerne.

Qui peut douter que cet acte ne fût une immense concession à la France; que la Russie n'eût saisi sa proie; que l'Angleterre n'eût envahi les passages indiens sans vous?

Jusqu'ici donc, où est l'insulte à la France? (Très-bien! au centre.)

Le ministère du 12 mai, si injustement inculpé par M. Berryer en ce point, ce ministère qui, sans doute, n'a pas traité la question de mon point de vue, mais qui, je le reconnais, l'a traitée du point de vue de la Chambre et de la France avec une loyauté et une habileté auxquelles il est impossible de ne pas rendre hommage (très-bien); le ministère du 12 mai, il vous l'a dit lui-même, est prêt, je n'en doute pas, à venir porter témoignage à cette tribune de ce que j'affirme. A-t-il vu dans la proposition de la Russie, dans la proposition de l'Autriche, dans la série des propositions anglaises, a-t-il vu ces signes de défi, ces signes de prédominance, ces signes d'hostilité, ces volontés d'exclure la France de toute coopération et de toute influence dans l'Orient? Je le lui demande à lui-même; mais les faits sont ici pour répondre. Il a reçu des propositions de toute nature : la proposition de passer les Dardanelles conjointement avec les flottes de la France, et d'aller ainsi déchirer, à coups de canon, ce traité d'Unkiar-Skelessi, dont le cabinet du 12 mai se préoccupait avec

raison.

Il a reçu la proposition de faire un débarquement en Syrie, de se borner à séparer le pacha d'Égypte et le sultan et de conserver le statu quo syrien tel que le débarquement le trouverait établi. Était-ce une insulte à vous, qui aviez proclamé ce statu quo? Où est le défi?

Il a reçu la proposition, enfin, de faire restituer la flotte au sultan et de traiter alors dans des termes infiniment plus favo

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rables avec le pacha d'Égypte. Où est l'insulte à la France qui le protégeait? où est le défi?

Des circonstances, que je ne veux pas apprécier, ont empêché la France d'accepter l'une et l'autre de ces propositions. L'honorable M. Passy vous a expliqué pourquoi; il vous a expliqué, avec sa haute et loyale intelligence, les graves et sérieuses discussions qui s'étaient élevées dans le cabinet, les préoccupations profondes qui ont dirigé sa conduite et lui ont fait ajourner l'affaire. Mais il faut reconnaître que l'affaire n'a jamais été compromise, n'a jamais été perdue entre les mains de ce cabinet; et, si vous en doutez, lisez la dernière phrase écrite par M. le ministre des affaires étrangères du cabinet du 12 mai, cette phrase où il est dit que si, en effet, les propositions qui viennent de Russie à Londres étaient sincères, s'il était vrai que l'empereur de Russie consentît à déchirer volontairement le traité d'Unkiar-Skelessi, le rapporter, pour ainsi dire, sur la table de la négociation, sur l'autel de la paix, la France était disposée, ayant atteint son but du côté de Constantinople, à accepter, à écouter des propositions nouvelles, et qu'on la trouverait alors aussi bienveillante et aussi conciliante qu'on l'avait trouvée jusque-là obstinée dans ses refus. Voilà la conduite du cabinet du 12 mai. (Très-bien ! très-bien !)

J'arrive, en peu de mots, à la conduite du ministère du 1er mars, que l'honorable M. Berryer a, suivant moi, beaucoup trop disculpé tout à l'heure. (Mouvement.) La situation du ministère du 1er mars, elle était celle-ci :

Il trouve sans doute l'affaire engagée; il trouve de graves difficultés à sa solution à Londres; mais rien n'était compromis, rien n'était aventuré, rien n'était perdu. Au contraire, la proposition de la part de la Russie d'abdiquer les avantages du traité d'Unkiar-Skelessi, c'est-à-dire la clôture du Bosphore au détriment des puissances de l'Europe, et l'ouverture à son profit; cette proposition était rapportée sur la table des conférences; un commencement de négociations pacifiques était accepté par le cabinet du 12 mai. L'affaire était brûlante, brûlante non pas seulement à Londres, non pas seulement à Paris, où l'on commençait à enflammer l'opinion publique; elle était brûlante surtout en Syrie, et surtout à Constantinople. Le pacha

d'Égypte, encouragé par ces influences fatales d'une opinion fanatisée pour lui ici par des amis et des correspondants dévoués, augmentait tous les jours ses armements dans la Syrie; tous les jours il parlait de franchir de nouveau le Taurus, et de descendre dans les plaines de l'Anatolie. Ši les Russes, augmentant leurs armements, étaient prêts à renouveler le débarquement de 1833, c'eût été alors une prise de possession définitive de l'influence russe à Constantinople. Il y avait donc en Asie, à Paris et à Londres, tous les motifs du monde de presser la solution de cette question. Qu'a fait le cabinet du 1er mars?

Nous avons vu avec étonnement sur la table de la commission, dont j'avais l'honneur d'être membre, nous avons vu que, pendant huit mois, le cabinet saisi de l'affaire la plus brûlante, il n'y a eu que sept à huit dépêches d'échangées entre le ministre des affaires étrangères et son ambassadeur à Londres. Nous avons vu que les termes de ces dépêches étaient presque tous des engagements à gagner du temps, à faire ou accepter des délais nouveaux. Eh bien! mettez-vous par la pensée dans la situation des puissances qui traitaient en commun cette affaire à Londres et avec la France, quand elles virent que le cabinet français, loin d'accepter les propositions qui lui étaient faites, cherchait toujours des occasions de délai, des occasions de se dérober à la négociation. Elles ont dû se demander pourquoi; n'approuvant pas les motifs de ces délais, elles ont du se dire: Puisque la France ne veut pas prêter l'oreille aux ouvertures qui lui sont faites, c'est qu'elle a une autre pensée, et cette pensée, que peut-elle être, si ce n'est celle de ses journaux qui, j'en conviens, ne sont pas ordinairement des organes diplomatiques (on rit), mais qu'un ministre, qui devait du moins les désavouer dans des affaires si délicates, si compromettantes, ne désavoue pas.

Eh bien! quand ces organes non officiels, mais non désavoués suffisamment, disaient: Ce n'est pas l'Europe qui décidera la question orientale, c'est nous seuls; c'est la France qui, pendant qu'on negocie à Londres, conclura seule à Constantinople et à Alexandrie. (Vives réclamations à gauche. Interruption prolongée.)

Permettez, je n'avance rien ici qui soit le résultat de ma con

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viction personnelle; j'ai laissé mon opinion isolée à la porte, je m'en suis dépouillé comme homme; je parle ici comme député, comme membre de la commission, je parle de ce que j'ai vu et lu. Eh bien! il est évident pour moi que les puissances qui traitaient à Londres ont pu avoir cette pensée que, pendant que le cabinet français qui avait concentré toutes les négociations à Londres, que pendant que le cabinet français, par un acte exceptionnel inusité dans tous les congrès antécédents, était parvenu à faire admettre un plénipotentiaire de la Turquie à Londres pour représenter le sultan, pendant ce temps des négociations secrètes du même cabinet tendaient à faire conclure un arrangement direct entre le pacha et le sultan, et par conséquent à frustrer les cinq puissances des droits qui leur étaient dévolus par le traité du 27 juillet et par l'acte de garantie signé à Constantinople, acte et traité qui obligeaient la France en loyauté et en honneur à ne pas agir isolément et contrairement aux vues concertées des cinq puissances.

M. DE RÉMUSAT. Je demande la parole.

M. DE LAMARTINE. Et c'est ainsi, Messieurs, que lorsque l'honorable ambassadeur de France à Londres, M. Guizot, reçoit dans les derniers jours de la négociation l'ouverture de la Syrie viagère pour le pacha d'Égypte, on lui répondit tardivement: Ne dites ni oui ni non, gagnez du temps, faites attendre; on en perd soi-même ici, vingt et un jours, je crois, le temps nécessaire, dit-on, pour qu'un envoyé aille de Paris à Alexandrie et revienne d'Alexandrie à Paris. Que fait l'opinion? Elle s'égare peut-être. Elle croit voir là la France se mettant derrière le pacha avant de répondre, ou le cabinet cherchant à conclure directement à Constantinople, pendant qu'il négocie à Londres. Je n'affirme rien; je ne parle que de mauvaises apparences pouvant tromper, pouvant aigrir l'Europe. C'est à M. le président du conseil du 1er mars d'éclaircir ce fait pour l'honneur de notre négociation. Mais tous les journaux de Londres et de Paris retentissent de ces inculpations graves, et cette tribune même les a entendues. (Mouvement.)

Mais, Messieurs, cela serait-il croyable? Quoi! le ministère d'un pays éclairé autant que loyal aurait-il pu concevoir cette pensée puérile, passez-moi le mot, de soustraire ainsi à l'Europe

une solution européenne? Quoi! même en cas de succès, le cabinet du 1er mars aurait pensé que, s'il avait arrangé directement l'affaire à Constantinople au gré du pacha, les cinq puissances, que dis-je, les six puissances, auraient reconnu cet arrangement? quoi! la Russie, si intéressée à ce que l'empire ne changeât pas de face par l'usurpation de l'Arabie et de la Syrie jusqu'au Taurus? quoi! l'Autriche, si vigilante sur la constitution d'une puissance maritime nouvelle en face de l'Adriatique! quoi! l'Angleterre si inquiète si on lui constituait une barrière à Suez, dans un empire arabe! quoi enfin, la Turquie elle-même, qui se sentait appuyée, fortifiée par quatre alliés contre son vassal révolté et menaçant; quoi! toutes ces puissances se seraient laissé dérober, souffler le maniement, la solution de l'intérêt immense qu'elles tenaient sous la main de l'Europe à Londres?

Je dis qu'il y avait dans cette pensée, si elle exista jamais, autant d'ignorance de l'intérêt des puissances que de témérité. (Au centre Très-bien!)

Oui, voilà comment l'alliance anglo-russe s'est formée contre nature; car, sachez-le bien, ces deux grandes puissances avaient le pressentiment d'éviter longtemps encore le contact immédiat. en Asie pour éviter le choc terrible et inévitable qui doit les heurter l'une contre l'autre, et emporter des lambeaux de leur puissance ou sur mer ou sur terre. Le jour n'était venu ni pour les Russes ni pour les Anglais de se toucher. Les Russes savent que leur marine naissante serait anéantie si le choc a lieu avant un certain temps; l'Angleterre, qu'elle peut être vaincue en Asie si elle n'a pas en Occident la France et le continent de son côté! Vous n'avez rien voulu voir, et nous l'expions bien cruellement. (Très-bien !)

(A gauche.) Non, non.

(Une voix.) La faute en est aux Anglais.

M. DE LAMARTINE. Je réponds à l'interruption tout de suite. Quand vous demandiez à l'Angleterre de vous concéder l'influence exclusive, la fermeture à volonté de son passage par Suez aux Indes, son contact avec 100 millions de sujets anglais, n'était-ce pas lui dire : Soyez russe! Soyez russe contre nous, car nous vous demandons d'être française, mais nous vous

DE

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