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ment en avancement jusqu'à une de ces proies lucratives que convoitent les ambitions vulgaires, et qu'une fois qu'ils s'en sont emparés ils digèrent en paix sans songer davantage à leur pays? Non. (Bravos prolongés.)

Eh bien des hommes publics, en avez-vous assez pour nous dignifier dehors et nous consolider dedans? Qui le dira?

Et cependant, regardez la situation bizarre, la situation étrange du gouvernement fondé par vous en 1830! Jamais peutêtre gouvernement n'eut plus besoin de susciter à son aide ces caractères, ces vertus, ces forces qui préservent les monarchies de leurs catastrophes. Jamais gouvernement n'eut plus besoin d'élargir la base resserrée, minée de toutes parts, dehors et dedans, sur laquelle il repose. Au dehors, vous le voyez, la France est murée! Mais au dedans, que voyez-vous? D'un côté, le gouvernement est, je ne dirai pas menacé, mais pressé, mais refusé par ce qu'on appelle à tort ou à droit les républicains, c'est-à-dire par une masse agitée et agitatrice pour qui le mot de république signifie seulement agitation, désordre, subversion, rapines peut-être (Très-bien! très-bien!); mais il l'est dans la même opinion par d'autres hommes infiniment plus honorables, et, par là même, beaucoup plus dangereux; hommes de doctrines populaires, hommes de foi politique; jeunesse élevée dans les souvenirs de l'antiquité et dans les illusions généreuses du temps que l'on appelle parmi nous la république, en détestant les crimes, mais voulant en ressusciter les formes politiques, la souveraineté populaire, la royauté multiple, ou même les brillantes dictatures. Ce parti s'évanouit avec les années, mais il est recruté par des hommes jeunes, qui arrivent d'abord à la vie politique avec ces idées. Ce ne sont pas là des amis, des appuis pour le gouvernement.

D'un autre côté, il est refusé également par une autre classe bien autrement puissante, riche, influente, propriétaire, établie au sommet du pays, je parle de cette classe d'hommes qui composaient, sous l'ancien régime, ce que vous nommez le pays légal; hommes accoutumés par la naissance et par la fortune à dominer, à gouverner le pays; hommes que tant de révolutions successives ont renversés de leurs positions, mais jamais de leurs espérances! Patriciat de la France, hommes qui s'étaient atta

chés à la restauration par les plus nobles dévouements, par le malheur même, par l'identité de fortune et d'adversité, et qui restent attachés à ses souvenirs par une persévérance d'affection que nous pouvons déplorer sous le rapport social, mais que nous ne pouvons qu'honorer, quand l'honneur, quand la fidélité aux malheurs d'une dynastie ne coûte rien au sentiment patriotique. Eh bien! vous le voyez, cette classe autrefois patricienne, aujourd'hui encore conservant le patriciat et la fortune territoriale et une juste part de crédit et d'estime, cette classe presque entière ne refuse point le concours au pays, mais refuse l'adhésion au gouvernement qui a remplacé le sien. (Sensation.) Entre ces deux forces, l'une d'en bas, l'autre d'en haut, que reste-t-il donc au gouvernement, aux institutions, pour se fonder, pour se recruter dans l'élection, dans le parlement? Ce qui lui reste? C'est vous, c'est nous (Vive sensation); c'est la propriété moyenne, ce sont les professions libérales, c'est l'intelligence, c'est toute cette partie active, centrale, laborieuse, pensante du pays. Que vous propose-t-on? De la scinder, de la rétrécir, de la déconsidérer en retranchant de la fonction politique tout ce qui, dans cette classe intermédiaire, participe à la fonction administrative.

Et oubliez-vous que c'est cette classe qui a fait dix révolutions pour se conquérir sa juste part d'intervention dans le gouvernement? Quoi elle serait donc exclue par sa victoire même ? Étrange victoire qui, comme toutes celles du faux libéralisme, ne serait suivie que d'un suicide! Non, vous n'écouterez pas ces mesquines préventions d'une démocratie qui se défie d'ellemême, qui se mutile elle-même; non, vous n'enlèverez pas la force à ce grand pays menacé de toutes parts, en le séparant en pays législatif et en pays exécutif. J'en atteste le patriotisme de M. Ganneron lui-même, lui qui a si souvent défendu le gouvernement de Juillet et dans la rue et ici; est-ce cela qu'il veut? Cette erreur nous a perdus en 1791, pour avoir voulu réaliser cette chimère, pour avoir prononcé une loi d'élimination comme celle-ci (Violente interruption à gauche); oui, pour avoir interdit ainsi dans un même esprit la législation à ceux qui avaient fait partie de l'Assemblée nationale!

Je lisais, il y a peu de jours, dans les intéressants mémoires

d'un de nos premiers historiens, M. de Lacretelle, le récit d'une visite de Barnave au château de Liancourt, chez le duc de La Rochefoucauld. L'Assemblée législative marchait de violences en faiblesses; les factions régnaient, les lois tombaient, le 10 août secouait et ensanglantait le palais du roi. Barnave, une des forces les plus pures de la révolution, quoi qu'on en dise, Barnave, exclu par une loi d'élimination comme la vôtre, de son siége à l'assemblée, Barnave, sans voix et sans tribune, voyait tout cela, et frémissait d'impuissance. « Non, je ne connais pas, » disait-il à ses amis, « de plus horrible torture morale que celle de se << sentir capable de servir, de sauver son pays, et d'être exclu « du rôle où le patriotisme et le danger vous appellent. Eh bien! « c'est là aujourd'hui ma situation: je vois périr mon pays, je « vois ma place occupée par des factieux ou par des impuis<«< sants; et, ce qu'il y a de pis, c'est que cette situation, nous <«< nous la sommes faite par notre imbécile magnanimité. (Bravos.)

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Messieurs, ne faisons pas une loi qui pourrait priver notre pays d'un seul courage, d'un seul talent dans l'avenir; séparez le pays en deux, vous n'en aurez que la moitié! (Très-bien! trèsbien!) Tout entier pour suffire aux grandes nécessités d'affermissement, d'énergie et de progrès, que ses difficultés lui imposent; oui, je le veux tout entier pour le dedans, et surtout pour le dehors!

Voilà pourquoi, tout en voulant comme vous la pureté du corps politique, je repousse une proposition qui le mutilerait sans l'épurer. (Très-bien! très-bien!)

SUR L'ADJONCTION

DE LA

LISTE DÉPARTEMENTALE DU JURY

CHAMBRE DES DÉPUTÉS. Séance du 15 février 1842.

M. Ducos proposait d'admettre au nombre des électeurs tous les citoyens inscrits sur la liste départementale du jury. M. de Lamartine défendant cette motion, comme un progrès régulier et gradué d'un État démocratique, s'expliqua sur l'appui qu'il avait donné jusqu'ici au parti conservateur. Ce discours a l'importance d'une déclaration de principes, et met en pleine lumière l'évolution normale et toute logique de la conduite politique de M. de Lamartine à la Chambre. Il soutint les ministères tant qu'il espéra un gouvernement en rapport avec les besoins du pays. Ce ne fut que lorsqu'il désespéra d'un pouvoir aveugle, immobile, inerte, implacable à toute amélioration, qu'il se tourna décidément vers l'opposition. Un mot de ce discours qui résumait le système gouvernemental de résistance suivi depuis 1830 devint populaire comme expression de l'opinion publique sur le pouvoir: «Il n'y aurait pas besoin d'un homme d'État, une borne y suffi

rait. >>

MESSIEURS,

Aux premières paroles de M. le ministre des affaires étrangères 1, j'ai cru, et je m'en suis réjoui, qu'il allait porter cette discussion, la replacer à la hauteur où il lui appartenait si bien

1. M. Guizot.

de la maintenir et où j'aurais aimé à la voir rester. (Rumeur au centre.)

Je dis qu'aux premières paroles de l'orateur auquel je succède, à ces paroles dans lesquelles il annonçait à la Chambre qu'il allait placer le débat à sa véritable hauteur, c'est-à-dire sur le terrain des principes seuls, je me suis réjoui et je me suis senti heureux d'avoir à l'y suivre; mais qu'en écoutant plus attentivement et plus loin l'illustre orateur, je m'étais affligé de le voir quitter trop tôt ce véritable terrain des principes pour s'abaisser... (Nouveaux murmures au centre.) et il n'y a rien d'offensant pour lui, il a pris le point de la discussion là où son intelligence supérieure, dans l'intérêt de sa position ministérielle, le lui a fait trouver plus utile et plus opportun; je suis bien loin de l'en blâmer, je l'énonce seulement.

Je répète qu'en l'écoutant ensuite, je me suis affligé de le voir redescendre de ces principes pour conduire l'esprit de la Chambre sur les inculpations faites aux esprits les plus purs, aux hommes les plus honorables. (Réclamations au centre.)

En écoutant, dis-je, l'illustre orateur, je me suis dit tristement en moi-même : Il en fut presque toujours ainsi toutes les fois que la liberté la plus mûre, la plus mesurée, la mieux préparée, a voulu faire un pas; on lui a prédit ainsi un abîme et une chute.

Ainsi, quand vous avez voulu fonder une démocratie complète, on vous a dit que jamais la démocratie complète n'avait pu se constituer sur l'égalité dans le monde, et que vous alliez être une nation décapitée, sans lumières, sans haute propriété, sans ordre possible. Qu'est-il arrivé? Vous vivez, vous marchez, vous faites l'envie de l'Europe, et, si vous le vouliez jamais, vous feriez encore la terreur de l'Europe. (A gauche : Très-bien!) On vous a dit: Vous allez établir la liberté de la discussion, de la parole écrite, du journalisme; mais il n'y aura pas de gouvernement qui résistera à cet ouragan d'opinions contradictoires, soufflant chaque jour sur le pays. Qu'avez-vous vu? La presse s'user, s'émousser en partie contre les masses d'intérêts solides et d'intelligences éclairées. (Applaudissements à gauche.)

Enfin, que vous disait-on quand vous constituâtes la garde

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