Imej halaman
PDF
EPUB

D'abord, Messieurs, la commission s'est placée, comme celui qui a l'honneur de la représenter dâns ce moment, dans une impartialité complète et absolue. Ses membres ont lutté de zèle, de travail et de bonne foi. Quant à moi, étranger à Avignon, étranger à Marseille, étranger à Arles, à un intérêt des départements du Gard et de l'Hérault, aux intérêts de cette navigation à vapeur du Rhône que M. Berryer représentait hier comme si prépondérants, comme si dominants dans cette question, nous n'avons voulu, nous n'avons dû envisager que l'intérêt national, nous n'avons voulu qu'élever cette question, qui est élevée elle-même, par son importance, à toute la hauteur de nationalité qu'elle avait à nos yeux.

A ce point de vue et sans fatiguer la Chambre de ces discussions de pentes, de courbes, de kilomètres plus ou moins étendus sur tel ou tel tracé... (Réclamations), la Chambre m'aurait bien mal compris si elle avait pensé que, dans une question de distance, je voulais faire une abstraction des kilomètres qui la mesurent. Ce n'a pas été ma pensée.

J'ai dit que je ne voulais pas fatiguer la Chambre déjà épuisée d'attention sur des contestations de détail sur telle ou telle minute, telle ou telle seconde dans la mesure des distances, comme elle en a déjà été fatiguée jusqu'ici; mais la question d'abréviation de tracé, traitée tout à l'heure, cette question, je vais la toucher en peu de mots.

M. Berryer disait hier, et a répété aujourd'hui; car, je le reconnais, il a eu la loyauté et la bonne foi de son beau talent; M. Berryer vous disait donc, à propos des deux tracés de Paris à Marseille, ou de Lyon à Marseille, que vous allongiez la distance de 22 kilomètres, suivant ses calculs; suivant le mien, ce n'est que de 21; et c'est là-dessus que je vous indiquais tout à l'heure que je ne me préoccupais pas de la controverse des distances. M. Berryer vous disait donc que vous allongiez de 21 kilomètres la distance à parcourir par les voyageurs ou par les marchandises.

Il y a inconvénient grave, selon M. Berryer, qui se préoccupe de cette question de transit de l'intérieur, devant emprunter notre territoire, de cette question qui se rattache à de grandes et puissantes considérations dans l'esprit de cette

assemblée; M. Berryer vous dit vous allez compromettre ce grand courant commercial, industriel, politique, que l'invention des chemins de fer pouvait donner en bénéfice à la nation.

Je réponds deux choses à M. Berryer : Premièrement, je ne me préoccupe en aucune façon, et je dois ce désintéressement de mon esprit aux études sérieuses que j'ai faites, par ordre de mon bureau, sur cette question; je ne me préoccupe en aucune facon de cette augmentation de trente et une minutes et quelques secondes, suivant le calcul des ponts-et-chaussées, qui interviendrait, par le tracé direct, au préjudice du transit. Je ne m'en préoccupe pas, parce que je sais que les marchandises destinées à aller du nord au midi ont deux destinations différentes, une destination vers l'Allemagne, par Trieste, dans l'Adriatique; ces marchandises venant d'Angleterre ou de la mer du Nord, vos propres départements du Pas-de-Calais, du Nord, de la Somme, Paris enfin, vous dit M. Berryer, emprunteront la route rivale par l'Allemagne, si vous ne luttez pas de vitesse avec la route sur Trieste par la brièveté de la route de Marseille. Mais je réponds: Ouvrez la carte, et voyez quel est le but de vos voyageurs et de vos marchandises de la Manche et du Nord? vont-ils en Lombardie? vont-ils sur la côte occidentale d'Italie? vont-ils à Milan, à Venise, à Trieste? vont-ils en Dalmatie? vont-ils même en Turquie d'Europe et dans les montagnes de la Macédoine? Rien de tout cela. Tout ce qui ira de ce côté ne viendra jamais emprunter la route de France et de Marseille; cela ira directement, de deux manières, par la route de Trieste, se verser dans l'Adriatique, et par la route que l'Autriche ne tardera pas à faire dans les plaines de la Hongrie, nivelées par la nature, alimenter les côtes de l'Adriatique, et même la Turquie européenne. L'honorable M. Berryer sait aussi bien que moi que, depuis les temps les plus anciens, l'Adriatique est réputée la mer la plus dangereuse, la plus perfide, et que les négociants actuels n'oseraient pas s'y fier quand ils n'auraient pas le choix d'une autre mer. Ainsi, du côté de cette mer, infestée pour ainsi dire par les vents les plus orageux, venant des côtes de l'Albanie, il n'y a pas de danger qu'ils l'empruntent pour toucher à des pays avec lesquels on est en contact direct plus court, plus sûr, plus congénial par Trieste, si c'est la

:

mer; par Vienne, la Hongrie et le Danube, si c'est la terre qu'ils veulent traverser. Il n'y a donc là aucune lutte avantageuse pour nous, car il n'y a aucune comparaison, aucune rivalité possibles. M. Berryer n'a pas fait attention au but que se proposent les voyageurs et les ballots; il les égare, mais eux ne s'égareront pas. (On rit.)

D'ailleurs, la théorie de M. Berryer est contraire aux faits et à la pratique, quant aux produits. Je n'ai pas le temps de rien développer devant votre impatience de voter. Mais qui ne sait que sur un chemin de fer les produits viennent des points intermédiaires traversés et non pas des deux extrémités. (C'est vrai.)

La raison en est simple. La population et la circulation des deux points extrêmes ne sont rien, comparées à la population des lieux intérieurs traversés.

Mais je me hâte; je néglige, puisque vous le voulez, les fortes objections des préopinants. J'ai dit que dans le choix, dans la préférence d'une ligne sur une autre, c'était par une seule grande raison qu'on se décidait en général, parce qu'une grande raison pèse plus que mille petites et emporte l'esprit irrésistiblement du côté de la vérité géographique.

En deux mots, Messieurs, voici la raison qui me décide et qui tranche pour moi le doute, le doute que j'ai un instant partagé avec vous. J'ai ouvert la carte, je suis allé sur les lieux, j'ai vu, j'ai suivi, j'ai embrassé de l'œil, de la pensée, du calcul, cette magnifique, large, profonde vallée du Rhône que la nature semble avoir creusée et dessinée dans ses détours jusqu'au cœur du pays le plus fertile et le plus industrieux de la France, jusqu'à Lyon, pour en faire la grande route fluviale, le grand déversoir du commerce et des produits agricoles de notre pays. Le Rhône à Arles est encore navigable pour les navires dont le tonnage supérieur ne les laisse flotter que sur la mer et où ces navires étaient forcés de s'arrêter pour transborder leurs marchandises sur les bateaux plats et plus légers du fleuve. A un point pareil du cours des fleuves, la nature a écrit la place d'une ville. Elle s'y fonde nécessairement, et pour peu que des circonstances violentes ne viennent pas la neutraliser, elle y grandit, elle y prospère, elle y enrichit le pays auquel elle appartient!

Telle est précisément l'admirable position d'Arles, et l'antiquité qui ne jetait pas ses essaims, ses colonies au hasard, ne s'y était pas trompée; ses quais, ses monuments vous le témoignent.

Revenons aux tracés. Vous prétendez que le commerce gagnerait une distance d'au moins une demi-heure; je dis, moi, et la Chambre me permettra d'abréger à cet égard les dévelop-pements je dis que le tracé de M. Montricher abrége en effet d'une demi-heure la route à parcourir entre Avignon et Marseille; je dis que le tracé se présente infiniment plus accidenté, infiniment plus montagneux, d'un parcours beaucoup plus difficile, d'une élévation que M. Berryer diminuait tout à l'heure de 50 mètres, mais qui a 100 mètres à son point culminant, tandis que le projet de M. Talabot s'exerce sur une contrée qui a 50 mètres de moins d'élévation. J'en appelle à tous les dépu

tés du pays.

Je dis donc que les difficultés de parcours, les pentes ne sont pas plus considérables, je le reconnais, que 2 mètres 2/10es dans le tracé Montricher; et ici M. Berryer a été dans le vrai; mais ces pentes sont extrêmement plus répétées, plus multipliées que dans la plaine toute nivelée que le chemin de fer suivrait d'après le tracé de M. Didion. Le bassin de la Crau est tout nivelé, tout aplani par la nature pour recevoir vos rails.

Je dis que, quant au terrain, il y a à franchir les souterrains de la Nerthe, qui, comme le disait M. d'Angeville, sont communs aux deux tracés. Il y a détriment, désavantage au tracé de M. de Montricher : 5,000 ou près de 5,000 mètres de souterrain de plus que pour le tracé de M. Talabot; et je livre cette seule considération à la Chambre.

Pour l'un de ces tracés, il y a des pentes plus multipliées, des points plus accidentés et plus montagneux, et j'ajoute des populations plus rares; car il n'y a sur tout ce tracé que la petite ville de Sallon, dont l'industrie, le transport commercial, M. Berryer ne le contestera point, ne sont pas à ses yeux d'une haute importance, c'est 150 ou 200 tonnes!

Mais, dit encore le préopinant, vous enchérirez de 3 millions le transport de Paris à Marseille. En allant chercher Arles, je

ne veux ni enchérir le trajet, ni ruiner Arles. Quittez Arles, et faites-lui un embranchement.

Quant au premier argument, je réponds géographiquement et mathématiquement encore : Oui, en touchant Arles, en n'abandonnant pas la vallée du Rhône avant le point où elle se change en golfe, en vallée maritime, vous enchérissez de 19 kilomètres le trajet total de Paris à Marseille : deux ou trois millions de perte, si vous voulez. Mais un moment, en quittant Arles, en négligeant Tarascon et Beaucaire, vous éloignez la route du Languedoc, le chemin de Bordeaux, Toulouse, Montpellier et Marseille, d'autant à peu près, de 15 kilomètres environ; les marchandises se divisent, à Avignon, en deux parts: une de Marseille, une du Languedoc, par moitié à peu près. Les frais de transport sont à peu de chose près les mêmes; les marchandises coloniales même, moins précieuses, sont moins encombrantes, et payent plus, à raison de leur poids, d'où il suit, si vous voulez bien comprendre le raisonnement, que si vous perdez 4 millions, comme vous le dit M. Berryer, en prolongeant le chemin de fer de 20 kilomètres par Avignon, vous perdez également 2, 3, 4 millions sur vos frais généraux de transport ou de transit, en éloignant de 17 kilomètres Bordeaux, Toulouse, Montpellier, de Beaucaire et de Tarascon. C'est-àdire que, selon que vous regardez la France en long ou en large, vous gagnez ou vous perdez quelque chose par l'une ou par l'autre route. Qu'en conclure, Messieurs? Qu'elles sont égales sous ce rapport qui a si fort préoccupé vos esprits, par la puissante argumentation que M. Berryer a appuyée sur ce fait, et que même, si vous appelez au conseil et au jugement les Pyrénées, la Guyenne, Bordeaux, le Languedoc, le canal du Languedoc, les départements dépouillés de la Lozère, des Cévennes, et enfin la voix imposante, la voix décisive, en fait de commerce et de transport, la voix d'une ville qui est la première ville industrielle de l'Europe, Lyon, d'une ville de 250,000 ouvriers, ouvriers pour l'étranger, remarquez-le! vous serez forcés de reconnaître que les choses se balancent, et que vous discutez en réalité sur des minutes et sur des secondes !

Je demande à la Chambre de rentrer en elle-même, et de se

« SebelumnyaTeruskan »