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chef-lieu? (A gauche: Oui! oui!) Voulez-vous proposer ce qu'on vous proposait tout à l'heure, la suppression du cens d'éligibilité? (Oui! oui!) Voulez-vous, dis-je, pour égaliser les situations dans cette enceinte, pour mettre tous les députés au niveau de ces 164 fonctionnaires publics, les privilégiés du budget, voulez-vous faire la proposition d'une indemnité aux autres députés? (Oui! oui!)

Enfin, voulez-vous aller plus loin, voulez-vous demander ce que j'ai soutenu de toute ma force de conviction l'année dernière, l'adjonction des capacités de la seconde liste du jury? (A gauche: Oui.)

Voulez-vous plus encore?... Oui, voulez-vous proposer plus encore? voulez-vous proposer que dans un grand remaniement de votre loi électorale, non-seulement les capacités de la seconde liste du jury viennent s'adjoindre à ce cens trop exclusif qui confère seul les droits politiques, mais encore qu'une législation appréciatrice, sagement appréciatrice, introduise dans le droit électoral toutes les autres garanties sociales? voulez-vous faire des propositions qui étendent prudemment en le régularisant le droit d'élire les représentants du pays à des catégories de professions libérales, industrielles, laborieuses même, dans la nation (violents murmures), qui le distribuent proportionnellement, en sorte que nulle classe de citoyens en France ne puisse se plaindre de manquer d'organes, et que la représentation ne soit plus seulement l'élite, mais le résumé complet et organisé du pays? (Mouvements divers et bruit au centre.)

Voulez-vous, en laissant à la propriété toute sa valeur comme gage principal dans la communauté, reconnaître enfin le dogme, le principe générateur de la révolution et de la pensée françaises, c'est-à-dire que le titre de citoyen politique n'est pas seulement le titre de contribuable, mais le titre d'homme, d'être moral, et donnant des garanties sociales suffisantes à l'État? Voulez-vous reconnaître largement, mais avec sûreté, les droits de l'intelligence et du travail, de cette intelligence qui est la force des forces dans les temps modernes, que l'éducation publique, la presse, les tribunes, les industries font monter et prévaloir de jour en jour davantage? Oui, mettez-la dans le droit avec proportion, pour qu'elle ne le trouble pas! (Murmures.)

Oui, tracez-lui son orbite régulier pour qu'elle ne jette pas un jour le désordre et la ruine dans votre système électif. (Violents murmures.)

Si vous voulez faire à leur heure des propositions semblables, mûres, réfléchies, nous les examinerons d'un œil bienveillant, avec prudence, mais avec cette audace qui est aussi un des caractères des législateurs dans les temps agités, dans les temps. avancés où nous vivons. Et ne craignez pas de demander trop, d'échouer sans cesse devant la majorité. Ce n'est pas en première instance qu'on gagne ces causes-là devant la majorité, c'est devant l'opinion! et vous faites l'opinion, vous faites le pays plus faibles qu'ils ne le sont en effet.

Je vous disais tout à l'heure que vous ne connaissiez pas votre force, je vous dis maintenant que vous ne connaissez pas celle de votre pays. Oui, la force ne lui manque jamais pour accomplir ce qu'il croit un progrès dans le bien et dans le juste. Oui, la France est infatigable, infatigable comme son génie, comme l'œuvre qu'elle accomplit dans le monde par les lois, par la presse, par la tribune, par l'action; une pensée vraie, une pensée populaire ne meurt jamais dans ce sol, une fois qu'elle ya été jetée. (Murmures. Vive agitation.)

à

Eh bien! je comprends à ces murmures, à cette agitation, que ces propositions que je vous signale comme des éventualités vous paraîtraient de nature à remuer trop fort le sentiment public dans le pays. Mais j'interpelle ceux qu'elles troublent, et je leur demande si, en conscience, ils ne reconnaissent pas, de graves symptômes, à la persistance même des propositions de cette nature, présentées quelquefois même par des membres de la majorité, comme vous venez de le voir, s'ils ne reconnaissent pas qu'il y a des opinions qui s'aliènent, qui se désaffectionnent, qui se détachent d'un gouvernement qui se ferme depuis tant d'années à toutes les améliorations de cette nature, s'ils ne reconnaissent pas pour le gouvernement la nécessité de reprendre confiance, force dans des éléments nouveaux? Et n'en sentez-vous pas le besoin vous-mêmes, en soutenant le pouvoir?

Ah! il y a une pensée historique qui m'a toujours et vivement frappé, et qui devrait être toujours présente à l'attention

des hommes du pouvoir dans ce moment; cette pensée, la voici : elle ressort, elle jaillit de toutes les pages de notre histoire depuis cinquante ans, c'est que tous les gouvernements qui ont surgi depuis cinquante ans en France ont reçu pour ainsi dire du mouvement même d'où ils étaient sortis, de la commotion qui les avait fait naître, une dose d'impulsion qui a été la mesure exacte de la force et de la durée de ces gouvernements. Eh bien! n'est-il pas évident pour tout œil clairvoyant, et même en quelque sorte pour l'instinct public, que la force d'impulsion, d'élan, de puissance, que le gouvernement de Juillet a reçue de la révolution libérale et populaire d'où il est sorti, sorti accompagné de tant d'espérances, de popularité, de prestige, n'est-il pas visible, dis-je, que cette force d'impulsion est, sinon épuisée et morte, au moins considérablement ralentie, amortie, et n'imprime plus à ce gouvernement l'énergie nécessaire pour lui faire franchir, surmonter toutes les résistances, tous les obstacles, tous les périls qu'un gouvernement nouveau, dans des temps difficiles, rencontre tôt ou tard sur sa route? Qu'en conclure? Qu'il faut, sous peine de stagnation et de dépérissement, que ce gouvernement, bien et fortement conseillé, se retrempe énergiquement dans ce qui devait être son principe, la liberté, les intérêts populaires, la puissance de l'intelligence et des dogmes nouveaux, qu'il creuse jusqu'au tuf de nouvelles couches du sol électoral pour y repuiser la séve, la vie qui pourraient lui manquer un jour. (Vive sensation. Violents murmures au centre.)

Où trouver cette force, cette impulsion si nécessaire dans cet état de choses? Ce ne sera pas dans l'appel aux forces mortes, mais dans l'appel aux forces vives, qui seules peuvent donner la vie politique.

Je sais bien ce qu'on me répondra; je sais bien que toutes les fois que les oppositions ont fait des propositions de ce genre, elles ont été mal reçues par les majorités.

Je sais, Messieurs, qu'à toutes les époques, quand des oppositions courageuses, prévoyantes, ont eu le courage de présenter des idées semblables au gouvernement de leur pays, aux majorités même, elles ont été calomniées, et qu'elles ont eu des insinuations pénibles à subir; mais elles les ont franchies, et elles ont apporté à leur tour à leur gouvernement, à leur pays, des

vérités, des secours, des ressources, qu'il était dans leur devoir et dans leur loyauté de leur apporter.

Les premiers hommes du tiers état qui conquirent, on peut dire, tout l'esprit de la Révolution française, le 27 mai 1789, en conquérant le vote par tête au lieu du vote par ordre, furent appelés aussi un jour des agitateurs de l'opinion, des tribuns et des factieux. Ces factieux furent le lendemain l'Assemblée nationale, et sont encore pour nous les fondateurs de la liberté et de l'égalité françaises. (A gauche : Très-bien!)

Eh bien! Messieurs, l'opposition de ce temps-ci n'a heureusement pas besoin de tant d'énergie et de tant d'efforts pour introduire dans nos lois électorales quelques modifications essentielles, mais préservatrices, et pour rendre ainsi, par sa masse même, la représentation nationale imperméable, impénétrable à ces corruptions de tout genre qu'on nous signale. Mais eussions-nous aussi quelques préjugés, quelques dénominations injurieuses à subir, nous aurons le courage de les accepter, et peut-être même l'insolence de nous en enorgueillir. Oui, qu'on nous appelle, si l'on veut, les agitateurs de la moralité publique, les tribuns des idées, les fuctieux de l'intelligence et du travail, peu nous importe. Ces factieux-là sauvent les peuples et préservent les constitutions en les élargissant, en y faisant pénétrer avec justice et avec prudence les forces vives, morales, intelligentes, et en donnant ainsi une base plus large et un aplomb plus solide aux institutions qu'ils ne veulent pas détruire, mais fortifier en les complétant. (Marques nombreuses d'assentiment.)

SUR LA SUPPRESSION

DE LA

FABRICATION DU SUCRE INDIGÈNE

CHAMBRE DES DÉPUTÉS. Séance du 12 mai 1843.

Nous ne ferons point l'historique de cette question depuis le discours de 1837, le discours suivant en contient l'exposé complet. Il suffit pour l'intelligence de la discussion de rappeler que le projet de loi alors soumis à la Chambre par le ministre du commerce proposait la suppression totale de la fabrication du sucre indigène, moyennant une indemnité de quarante millions. La commission avait adopté un système opposé. Elle voulait des droits égaux sur les deux industries coloniale et indigène, subordonnant la mise en pratique de cette mesure fiscale aux progrès des fabriques de la métropole, manifestés par l'accroissement de leur production. La question capitale de ce débat portait sur les colonies et sur la marine françaises, gravement compromises par les immunités accordées au sucre de betterave, qui en avaient démesurément développé la fabrication.

MESSIEURS,

Quelle que soit l'opinion qu'on ait adoptée sur la grave et difficile affaire qui nous est soumise, il est impossible, en montant à cette tribune, et en succédant à un aussi savant orateur1, de ne pas se sentir pénétré d'un sérieux respect pour son

1. M. Stourm.

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