Imej halaman
PDF
EPUB

FRANTZ.

Pourquoi cela?

SPIEGEL.

Parce qu'il y en a beaucoup à dire.

FRANTZ.

Entre autres ?

SPIEGEL.

Entre autres... L'opulence est un état difficile à exercer; il faut y être acclimaté pour la pratiquer sainement elle ressemble à ces contrées d'Amérique qui respectent les habitants et donnent les fièvres aux étrangers... Sénèque ignorait ce détail.

FRANTZ.

C'est fâcheux, car il est concluant.

SPIEGEL.

Figure-toi que tu as un million de rente, que tu peux te passer tous tes caprices sans prendre le temps de la réflexion!... C'est effrayant!

Ma foi, non!

FRANTZ.

SPIEGEL.

Eh bien, moi, cela m'effraye à penser. Exécuter toutes mes fantaisies, juste ciel ! Il m'en passe quelquefois par la tête de si baroques! je serais bien vexé, une heure après, de les avoir satisfaites. S'il me prenait envie de brûler Rome, comme Néron, juge un peu!

FRANTZ.

Est-ce que l'envie t'en prendrait, si tu pouvais le faire ?

SPIEGEL.

Eh! ch! qui sait? Brûler Rome, c'est appétissant. Qui peut se croire à l'abri de cette lubie, quand elle a pris justement à l'élève de Sénèque?

Un monstre !

FRANTZ.

SPIEGEL.

Qui aurait été peut-être un pauvre délicieux.

Enfin, ta conclusion?

FRANTZ.

SPIEGEL.

Ma conclusion? C'est qu'il ne faut pas tant crier contre les riches; qu'ils nous valent bien, et qu'à leur place beaucoup d'entre nous feraient peut-être comme beaucoup d'entre eux, sinon pis.

FRANTZ.

Eh bien, moi, je ne demande qu'à être mis à l'épreuve.

SPIEGEL.

Et, si tu découvrais un trésor demain, combien dinerais-tu de fois après-demain? combien porterais-tu de paires de souliers l'une sur l'autre, combien de chapeaux?

FRANTZ

Oh! la philosophie d'Horace, n'est-ce pas ? Je ne

ferais qu'un dîner, je ne porterais qu'un chapeau et qu'une paire de souliers; mais je te commanderais pour cent mille florins de tableaux.

[blocks in formation]

Je ferais jouer ma symphonie sur un théâtre à moi.

Bravo!

SPIEGEL.

FRANTZ.

Enfin, si tu veux voir le fond de mon cœur et la vraie plaie d'où me vient cette fièvre, j'épouserais celle que j'aime.

[blocks in formation]

FRÉDÉRIQUE, à Frantz.

Déjà levé, cousin? Bonjour, Spiegel !

FRANTZ.

Cela t'étonne, Frédérique, que je sois aussi matinal que toi?

FRÉDÉRIQUE.

Ce n'est pas ton habitude, au moins; ordinairement Spiegel et moi nous vivons depuis trois heures quand tu parais sur l'horizon.

SPIEGEL.

Pourquoi se lèverait-il aussi tôt que moi, ce pauvre garçon? Il n'est pas obligé, comme moi, de profiter du jour pour son travail.

FRÉDÉRIQUE.

Ni, comme moi, de mettre la maison en ordre. Aussi n'est-ce pas un reproche de paresse que je lui fais. (A Frantz.) Est-ce que tu as mal dormi? Tu es un peu pâle.

FRANTZ.

Oui, j'ai été agité toute la nuit.

SPIEGEL.

Il est dans ses jours de découragement; grondez-le, Frédérique.

FRÉDÉRIQUE.

Quand donc auras-tu la conscience de ta valeur, mon cher Frantz?

FRANTZ.

Ma valeur ! C'est votre amitié à tous deux qui me la prête.

FRÉDÉRIQUE.

Et ta défiance qui te l'ôtera. La certitude est la vertu des forts, c'est peut-être leur force.

FRANTZ.

Que veux-tu? j'ai une organisation de femme : l'obstacle me décourage, l'attente m'énerve.

FRÉDÉRIQUE.

Ce n'est pas ta faute, mon pauvre Frantz : tu as toujours été traité en enfant gâté, par ton père d'abord, par nous ensuite. La moindre résistance chez les autres t'étonne et l'irrite.

FRANTZ.

Je n'ai pas votre sérénité d'âme à tous deux, je l'avoue; je prends parfois ma faiblesse en pitié... Mais enfin, que veux-tu? je souffre, je doute, j'ai l'esprit troublé.

FRÉDÉRIQUE.

Veux-tu que je te joue ta symphonie? C'est le remède souverain à tes défaillances.

FRANTZ, avec humeur.

Eh! ma symphonie...

FRÉDÉRIQUE, à part.

Pauvre Frantz! tu as raison, ton esprit est malade!

SPIEGEL.

Frantz, passe-moi le vermillon.

FRANTZ, couché sur le divan.

Tiens, Frédérique, il est là. (Il montre une petite étagère)

« SebelumnyaTeruskan »