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ma maison sur un ton que je ne peux pas soutenir à moi seul; et, puisqu'il est bien convenu que nous n'avons à nous deux que ma fortune, il me paraît juste, raisonnable et nécessaire de supprimer de mon train ce qu'il me faut rabattre de mes espérances. J'ai donc songé à quelques réformes que vous approuverez sans doute.

GASTON.

Allez, Sully! allez, Turgot! coupez, taillez, j'y consens ! Vous me trouvez en belle humeur, profitez-en !

POIRIER.

Je suis ravi de votre condescendance. J'ai donc décidé, arrêté, ordonné...

GASTON.

Permettez, beau-père: si vous avez décidé, arrêté, ordonné, il me paraît superflu que vous me consultiez.

POIRIER.

Aussi ne vous consulté-je pas; je vous mets au courant, voilà tout.

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Un peu; mais, je vous l'ai dit, je suis en belle hu

meur.

POIRIER.

Ma première réforme, mon cher garçon......

GASTON.

Vous voulez dire mon cher Gaston, je pense? La langue vous a fourché.

POIRIER.

Cher Gaston, cher garçon... c'est tout un... De beaupère à gendre la familiarité est permise.

GASTON.

Et de votre part, monsieur Poirier, elle me flatte et m'honore... Vous disiez donc que votre première réforme ?...

POIRIER.

C'est, monsieur, que vous me fassiez le plaisir de ne plus me gouailler. Je suis las de vous servir de plastron.

GASTON.

Là, là, monsieur Poirier, ne vous fàchez pas!

POIRIER.

Je sais très-bien que vous me tenez pour un trèspetit personnage et pour un très-petit esprit; mais...

Où prenez-vous cela ?

GASTON.

POIRIER.

Mais vous saurez qu'il y a plus de cervelle dans ma pantoufle que sous votre chapeau.

GASTON.

Ah! fi! voilà qui est trivial... vous parlez comme un homme du commun.

POIRIER.

Je ne suis pas un marquis, moi!

GASTON.

Ne le dites pas si haut, on finirait par le croire.

POIRIER.

Qu'on le croie ou non, c'est le cadet de mes soucis. Je n'ai aucune prétention à la gentilhommerie, Dieu merci je n'en fais pas assez de cas pour cela.

GASTON.

Vous n'en faites pas de cas?

POIRIER.

Non, monsieur, non! Je suis un vieux libéral, tel que vous me voyez; je juge les hommes sur leur mérite, et non sur leurs titres; je me ris des hasards de la naissance; la noblesse ne m'éblouit pas, et je m'en moque comme de l'an Quarante: je suis bien aise de vous l'apprendre.

GASTON.

Me trouveriez-vous du mérite, par hasard?

POIRIER.

Non, monsieur, je ne vous en trouve pas.

GASTON.

Non! Ah! alors pourquoi m'avez-vous donné votre

fille?

POIRIER.

Pourquoi je vous ai donné.....

GASTON.

Vous aviez donc une arrière-pensée?

POIRIER, embarrassé.

Une arrière-pensée?

GASTON.

Permettez! Votre fille ne m'aimait pas quand vous m'avez attiré chez vous; ce n'étaient pas mes dettes qui m'avaient valu l'honneur de votre choix; puisque ce n'est pas non plus mon titre, je suis bien obligé de croire que vous aviez une arrière-pensée.

POIRIER.

Quand même, monsieur... quand j'aurais tâché de concilier mes intérêts avec le bonheur de mon enfant ? quel mal y verriez-vous? qui me reprochera, à moi qui donne un million de ma poche, qui me reprochera de choisir un gendre en état de me dédommager de mon sacrifice, quand d'ailleurs il est aimé de ma fille? J'ai pensé à elle d'abord, c'était mon devoir; à moi, ensuite, c'était mon droit.

GASTON.

Je ne conteste pas, monsieur Poirier; vous n'avez eu qu'un tort, c'est d'avoir manqué de confiance en moi.

POIRIER.

C'est que vous n'êtes pas encourageant.

GASTON.

Me gardez-vous rancune de quelques plaisanteries? Je ne suis peut-être pas le plus respectueux des gendres, et je m'en accuse; mais, dans les choses sérieuses, je suis sérieux. Il est très-juste que vous cherchiez en moi l'appui que j'ai trouvé en vous.

POIRIER, à part.

Comprendrait-il la situation?

GASTON.

Voyons, cher beau-père, à quoi puis-je vous être bon? si tant est que je puisse être bon à quelque chose.

POIRIER.

Eh bien, j'avais rêvé que vous iriez aux Tuileries.

GASTON.

Encore! c'est donc votre marotte de danser à la cour?

POIRIER.

Il ne s'agit pas de danser. Faites-moi l'honneur de me prêter des idées moins frivoles. Je ne suis ni vain ni futile.

GASTON.

Qu'êtes-vous donc? ventre-saint-gris! expliquez

vous.

POIRIER, piteusement.

Je suis ambitieux!

GASTON.

On dirait que vous en rougissez; pourquoi done? Avec l'expérience que vous avez acquise dans les affaires, vous pouvez prétendre à tout. Le commerce est la véritable école des hommes d'État.

POIRIER.

C'est ce que Verdelet me disait ce matin.

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