Imej halaman
PDF
EPUB

Oui, tout renaît, tout recommence!
J'ai retrouvé mes chers vingt ans;
J'ai retrouvé cette démence
Qui peuple l'horizon immense
D'un fantôme aux yeux inconstants.

Seulement mon cœur sans alarme
Se précipitait autrefois :

Mais la vie a rompu le charme;
Je sais qu'il est plus d'une larme
Au fond de la coupe où je bois.

Je sais que toute joie est brève;
Je sais qu'avec un sort pareil
Rien ne commence et ne s'achève,
Et que plus divin est le rêve,
Plus sombre en sera le réveil.

Mais je sais surtout une chose :
Je sais que, dussé-je en mourir,
Tout mon bonheur en toi repose,
Et que, sur ta lèvre mi-close,
Je veux tout entier le tarir.

DÉPART

Je veux oublier, oublier que j'aime;
Emmenez-moi loin, amis, loin d'ici,

En Espagne, en Flandre, à Naple, en Bohème,
Si loin, qu'en chemin reste mon souci...
Que restera-t-il en moi de moi-même
Quand à m'en guérir j'aurai réussi?

N'importe! je veux fermer ma blessure;
Les longues douleurs ne sont pas mon lot.
Allons par pays courir l'aventure,
Pour nous secouer partons au galop,

- Sans te dire adieu, chère créature,

Car mon cœur fondrait, fondrait en sanglot.

Nous reposerons la course assouvie
Dans le serpolet, le baume et le thym;
Mais, si d'en cueillir il me prend envie,
Détournez mes doigts d'un fatal butin,
Car ce fut ainsi qu'elle prit ma vie,
Sans en rien savoir, par un frais matin.

J'étais à genoux parmi la bruyère...
Partons, mes amis, j'ai soif de courir!
Que mon cheval jette au vent sa crinière,
Voyons l'horizon devant nous s'ouvrir...
Ah! partez sans moi : l'âme prisonnière
Aime sa prison et veut y mourir!

A UNE JEUNE FILLE

Pauvre enfant qui voulez combattre la nature,
Qui doutez de l'amour et repoussez sa loi,
Qu'avez-vous donc souffert, et par quelle blessure
Ce cœur de dix-huit ans a-t-il perdu la foi?

La fleur d'avril est-elle à tout jamais fanée
Pour avoir frissonné sous un souffle du nord?
La coupe
de vos jours est-elle empoisonnée
Par un pleur de vos yeux qui coula sur le bord?

Moi qui suis déjà vieux dans les choses humaines, Dont le cœur a saigné plus souvent qu'à son tour, Je ne regrette pas le sang pur dont mes veines Ont rougi les buissons où je cherchais l'amour.

Car ce que m'ont appris la ronce et les épines,
C'est qu'il n'est rien de bon au monde que d'aimer,
Que même les douleurs de l'amour sont divines,
Et qu'il vaut mieux briser son cœur que le fermer.

« SebelumnyaTeruskan »