SUR LOUIS XV I. LOUIS XVI, en montant sur le trône, signala par sa bienfaisance le commencement de son règne, sa première marque de royauté fut de renoncer au droit appelé de joyeux avénemens; remise considérable que son coeur paternel fit à ses sujets. Les sentimens dont il devoit être toujours animé sont consignés dans l'édit qui annonça aux Français leur nouveau monarque. » Il est des dépenses, lit-on dans le préambule, » qui tiennent à notre personne et au faste de » notre cour: sur celles-là nous pouvons suivre » plus promptement les mouvemens de notre » cœur, et nous nous occupons déjà de les ré» duire à des bornes convenables. De tels sacri»fices ne nous coûteront rien, dès qu'ils pour»ront tourner au soulagement de nos sujets; » leur bonheur fera notre gloire, et le bien que >> nous pourrons leur procurer, sera la plus douce » récompense de nos soins et de nos travaux. » Au milieu de l'aprêté de l'hyver de 1776 -le roi parcourut souvent incognito les rues de Versailles , pour voir par lui-même si l'on distribuoit exactement aux pauvres le bois qu'il avoit ordonné qu'on brulât dans différens quartiers. Pendant ce froid si rigoureux, il supprima les sentinelles à Versailles; il n'y avoit plus de troupes sous les armes à l'extérieur du château; les pauvres avoient la liberté d'y entrer et de pénétrer dans les cuisines ; ils s'y chauffoient, emportoient de la braise et on leur distribuoit de la soupe; ils étoient également bien reçus dans les galeries, et dans les autres pièces; on avoit aussi allumé pour eux, par ordre du roi, ainsi que je l'ai dit plus haut de grands feux dans tous les quartiers de la ville. Sa majesté avoit ordonné qu'on la laissât passer sans battre aux champs; elle sortoit chaque jour avec peu de suite, et se promenoit dans les rues, afin d'y donner des secours aux indigens. Dans une de ces courses, Louis XVI rencontra un enfant qui lui demanda l'aumône : que ferez-vous de l'argent que je vous donnerai, demanda le monarque ? Hélas! monsieur, je le porterai à mon pauvre père malade depuis plusieurs jours, et qui est sur le point de mourir, faute d'avoir du pain et de pou voir se procurer du bois pour se chauffer. Le roi désira savoir si le récit de l'enfant étoit véritable, et lui dit de le conduire chez lui : arrivé dans la plus triste demeure, le monarque vit en effet un vieillard infirme, couché sur la paille et dépourvu de tout, dans une saisou où les riches mêmes souffroient de la rigueur du froid. Le prince, les yeux baignés de larmes, se hâta de prodiguer des secours à cet infortuné, et lui fit au plutôt apporter un lit, et tout ce qui pouvoit lui être nécessaire pour adoucir son indigence. Dans le long hyver de 1783 à 1784 le roi se montra encore plus sensible aux besoins des pauvres qu'en 1776. Il écrivit de sa main au contrôleur-général, qu'il l'autorisoit à faire donner tous les secours qui seroient nécessaires pour secourir les malheureux, et il lui dit de vive voix il n'y a aucune dépense qui ne doive être retranchée s'il le faut, pour celle-là. — La reine de son côté, envoya à M. Lenoir cinq cents louis pris sur les fonds de sa cassette, en déclarant que jamais dépense ne fut plus agréable à son cœur. A l'occasion de ce froid excessif, dont la durée est presque sans exemple, dans les anna les de notre histoire, le roi soulagea les cam pagnes de trois millions d'impôts non-prélevés ; et y fit encore distribuer trois millons. La piramide de neige élevée rue Saint-Honoré, au coin de celle du Coq, en janvier 1784 en face de la porte du Louvre, fut couverte d'inscriptions pour célébrer la bienfaisance du roi. Hélas! que le cœur des parisiens est changé depuis cette époque! Dans les premiers tems de son avénement au trône, il avoit coutume de sortir quelquefois dans l'après dîner, suivi de son premier valet de chambre, et montoit jusqu'à des quatriè mes étages chercher et secourir des familles infortunées, qui étoient loin de se douter du rang auguste de leur bienfaiteur. Un garde-ducorps le voyant un jour sortir seul, le suivit de loin, d'autres se joighirent à lui, ainsi que plusieurs seigneurs et dans la crainte quil ne lui arrivât quelqu'accident, ils attendirent le roi à la porte de la maison obscure où ils le virent entrer, de sorte que sa majesté, en sortant de cette maison, se vit entourée d'une partie de sa cour. Parbleu Messieurs s'écria ce bon prince, d'un ton enjoué et affectueux, il est bien singulier que je ne puisse aller en bonne for tune sans que tout le monde le sache. ? |