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sa constitution, pour être possédé par S. M. l'Empereur de toutes les Russies, ses héritiers et ses successeurs à perpétuité. Sa Majesté Impériale se réserve de donner à cet État, jouissant d'une administration distincte, l'extension intérieure qu'elle jugera convenable. » Puis, passant aux sujets polonais des provinces détachées de ce centre, le traité s'exprime ainsi dans le 2 paragraphe de l'article 1er : « Les Polonais, sujets respectifs de la Russie, de l'Autriche et de la Prusse, obtiendront une représentation et des institutions nationales réglées d'après le mode d'existence politique que chacun des gouvernements auxquels ils appartiennent jugera utile et convenable de leur accorder. » Enfin l'article 14 de l'acte final stipule l'unité des intérêts matériels dont il a été parlé plus haut.

De sorte que, si l'on excepte la ville libre de Cracovie, toutes les parties de l'ancienne Pologne se trouvaient rangées par le traité dans deux catégories bien distinctes: la première composée d'un royaume presque indépendant, la seconde comprenant les provinces polonaises de la Russie, de l'Autriche et de la Prusse, unies à celui-ci par la liberté de commerce et de navigation, et devant jouir d'institutions représentatives et nationales.

IX.

La diplomatie russe a toujours voulu confondre le passage relatif au royaume avec celui qui a trait aux provinces. Elle soutenait en 1831 cette thèse, dont la nullité fut alors victorieusement démontrée par les dépêches de lord Palmerston à lord Heytesbury, mais il paraît que depuis elle a eu plus de succès, puisque M. Gladstone a exprimé devant le parlement l'opinion que les provinces polonaises de l'empire étaient russes, et que lord Napier n'a trouvé rien d'autre à opposer au prince Gortchakoff, qu'une stérile controverse sur le sens des mots représentation et institutions nationales (1). On ne contestera ni l'habileté ni les progrès constants de la diplomatie russe, quand on se souviendra qu'il y a trente ans lord Palmerston et lord Heytesbury savaient encore réfuter ses assertions.

Si le traité de Vienne est ambigu sur beaucoup d'autres points, certainement il ne l'est pas sur celui de savoir si le paragraphe 2 de l'article 1er s'applique au royaume ou aux provinces. Dans sa dépêche du 19 juillet, le comte Rechberg l'a interprété dans le sens des provinces, en repoussant l'assimilation que le prince Gortchakoff essayait d'établir insidieusement entre le royaume de Pologne et la Gallicie. M. Drouyn de Lhuys exprime la même opinion dans son mémorandum du 3 août dernier. «Sous le nom de Polonais, dit-il, les cabinets ont entendu ici les habitants de l'ancien territoire de la Pologne qui restait en dehors des limites du nouveau royaume. » Ce ne sont pas les autorités qui manqueraient pour rabattre les prétentions de la Russie, mais le plus simple bon sens se prononce aussi contre elles. Il eût été, en effet, incompréhensible et inconséquent de la part de diplomates aussi experts que ceux du traité de Vienne, de stipuler pour les Polonais du royaume, par le deuxième paragraphe, ce qui leur est accordé dans une bien plus large mesure au paragraphe précédent, qui leur promet une constitution.

(1) Voyez la dépêche de lord Napier à lord Russell du 9 mars 1863. On trouve la même confusion dans la dépêche anglaise du 10 avril. « L'empereur Alexandre, y est-il dit, en exécution des engagements contractés à Vienne, établit dans le royaume de Pologne une représentation et des institutions nationales. » Or, ces expressions du traité ne se rapportent qu'aux provinces olonaises, et nullement au royaume.

Ensuite il faut remarquer que le paragraphe 2 parle des Polonais sujets de la Russie ; or, les Polonais du royaume, légalement parlant, ne sont pas plus sujets de la Russie que les Russes ne le sont de la Pologne, puisqu'il n'y a qu'un lien dynastique qui les unisse. Le duché de Varsovie a été réuni « pour être possédé par l'empereur de Russie >>> et non par la Russie : ses habitants sont donc sujets de l'empereur, non de la Russie, et par conséquent les Polonais sujets de la Russie ne peuvent être que ceux des provinces. Le prince Gortchakoff le sent si bien, qu'en résumant le sens de ce passage dans son mémorandum du 7 septembre, il a soin de modifier le texte du traité en disant : « les Polonais sujets des trois cours. » Par ce mesquin subterfuge il se flatte d'étendre ce paragraphe aux Polonais sujets de l'empereur de Russie, et d'en exclure ceux qui sont sujets de la Russie.

D'ailleurs, le préambule du traité particulier entre l'Autriche et la Russie, en date du 3 mai 1815, dit expressément que les empereurs de Russie et d'Autriche et le roi de Prusse << ayant à cœur de s'entendre sur les mesures les plus propres à consolider le bien-être des Polonais dans les nouveaux rapports où ils se trouvent placés par les changements amenés dans le duché de Varsovie, et voulant en même temps étendre les effets de ces dispositions bienveillantes aux provinces et districts qui composaient l'ancien royaume de Pologne, moyennant des arrangements libéraux autant que les circonstances l'ont rendu possible, sont convenus, etc. » Cela répond suffisamment au langage hautain de la dépêche russe du 7 septembre, adressée au baron Budberg, où la Russie « exclut péremptoirement, même d'un échange d'idées amicales, toute allusion à des parties de l'empire auxquelles ne s'applique aucune stipulation internationale quelconque. »

Ainsi, quelle que soit l'ambiguïté des termes, il ressort de la lettre du traité et plus encore de son esprit, comme on peut s'en convaincre en lisant les négociations qui précédèrent, que l'Europe a voulu : que le nouveau royaume de Pologne possédât une constitution, que le reste des provinces polonaises fût régi par des institutions nationales et représentatives, et que toute la Pologne de 1772 formât une unité nationale sous le rapport des intérêts matériels. Par ces garanties, l'Europe de 1815 entendait assurer la conservation et le développement de la vie organique d'une nation dont elle reconnaissait l'existence depuis la Warta jusqu'au Dniéper, et depuis la Dwina jusqu'aux Carpathes. L'Europe de 1863 semble l'avoir complétement oublié, et, à l'exception de la France, c'est à peine si elle ose parler timidement du royaume seul, en abandonnant le reste au bon plaisir du tsar. D'où vient cette contradiction? Qu'est devenue cette nation que tout le monde voyait et reconnaissait il y a cinquante ans? Par quel cataclysme inconnu a-t-elle passé pour disparaître ainsi? Ah! la Russie a bien le droit de vous jeter son insultante ironie au visage quand elle s'excuse de n'avoir pas eu assez de temps pour détruire toute la Pologne, au moment même où vous semblez lui demander compte de cette destruction (1).

Χ.

Cette existence nationale, cette constitution et ces institutions représentatives et nationales que les législateurs de

(1) « La Russie ne possède ces contrées que depuis un siècle à peine. Durant cette période, les événements du dehors ont constamment troublé le travail d'assimilation nécessaire pour effacer les divergences historiques sous l'action d'une forte unité. » (Note du prince Gortchakoff au baron Budberg, du 30 juillet 1863.)

Vienne ont voulu assurer à la Pologne, sont loin d'être aussi vagues et aussi dépendantes du caprice des tsars que le prétend la diplomatie russe.

Le vœu que formulait lord Castlereagh, dans sa note circulaire du 12 janvier 1815, quand, après avoir exprimé le regret de sa cour de devoir renoncer au rétablissement de la Pologne dans la plénitude de ses droits, il manifestait le désir de voir les trois copartageants s'engager à « traiter comme Polonais » les parties de ce peuple qui allaient se trouver sous leur domination, ce vœu que les trois puissances déclarèrent être aussi le leur, trouva sa sanction expresse dans le traité. A part la reconnaissance de cette nationalité dans toute l'étendue de l'ancienne Pologne, qui résulte de la lettre et de l'esprit du traité, l'article 14 et tous ceux qu'il résume ont constitué l'unité des intérêts matériels, unité d'un degré inférieur, mais qui n'en sert pas moins de témoignage solennel à l'unité de la nation ellemême. Ainsi les libertés et immunités dont parle cette partie du traité, sont accordées à tous les Polonais, à tous les habitants des provinces polonaises, « comme elles étaient avant 1772 », et cela à l'exclusion de tous les « étrangers ». Or, ce qui est digne de remarque, c'est que, sous la dénomination d'étrangers le traité entend les sujets des mêmes souverains et des mêmes empires, mais qui ne sont pas habitants des provinces polonaises incorporées à ces empires. Voici le texte : « Pour obvier à ce que des étrangers profitent des arrangements pris en faveur des provinces citées, il est arrêté que tous les produits de ces dernières, qui passeront d'un gouvernement dans un autre, seront accompagnés d'un certificat d'origine sans lequel ils n'entreront pas. » (Traité entre la Russie et la Prusse, du 3 mai 1815, art. 28.) En un mot, toutes les dispositions qui remplissent les deux traités du 3 mai tendent à isoler

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