presse de faire jouir vos commettans de la tranquillité qui est la compagne de la liberté. Permettez-moi de vous offrir quelques obfervations qui, peut-être, vous aideront à prononcer sur une question qui ne fauroit être trop éclaircie, trop difcutée, & dans laquelle une erreur peut produire des maux incalculables. Je suis loin d'être l'apologiste de la Caisse d'Efcompte; aucun intérêt personnel ne m'attache à fon fort: je ne fuis ni porteur, ni propriétaire d'aucune de ses actions, & l'amour de mon pays est le seul motif qui me fafle agir. J'aurai premièrement l'honneur de vous rappeller que l'Assemblée Nationale, après avoir fait examiner ses statuts, ses règlemens, & après avoir fait vérifier sa situation par une commission nommée à cet effet, a décrété qu'elle verseroit dans le tréfor public 170 millions pour le service, tant des fix derniers mois de l'année dernière, que des fix premiers de la présente. J'ajouterai à cette observation qu'elle a préféré son papier à tous ceux qui lui ont été proposés, parce qu'elle a penfé, d'une part, que le public y étoit déja habitué par un usage de plusieurs années, & que de l'autre sa circulation éprouveroit moins d'inconvéniens A; puisqu'il représenteroit une portion des biens fonds du clergé & du domaine dont elle avoit décrété la vente.. L'Assemblée Nationale avoit trop de preuves 'de la malice des ennemis de la révolution pour ne pas croire qu'ils employeroient tous les moyens poffibles pour le discréditer : c'est dans cette idée, dont l'expérience nous démontre la sagesse, qu'elle a ordonné qu'il seroit remis aux Administrateurs de cette Caisse, 170 millions d'affignats qui devenoient l'hypothèque spéciale des 170 millions de billets de Caisse. Elle a pensé que dans un moment où des circonstances impérieuses rendoient cette ressource indispen. fable, il falloit que les porteurs de ce papier fuffent garantis d'une manière particulière, & qu'elle devoit multiplier les gages de leur paiement, afin de les rendre inaccessibles aux craintes dont on ne manqueroit pas de les entourer. Ce qu'elle avoit en quelque forte prévu eft arrivé: des bruits fourds & fâcheux ont circulé parmi nous: le mot de banqueroute, qu'aucun bon François ne devroit prononcer qu'avec frémissement, a frappé nos oreilles, & est venu remplir de terreur tous les Capitaliftes. Ils favoient bien, nos ennemis, qu'en mettant l'intérêt personnel aux prises avec l'intérêt public, ils obtiendroient un triomphe de quelques inftans, & que leurs fophifmes seroient tout puissans sur des hommes qui ne raisonnent plus quand ils croyent leur fortune' en danger; alors le numéraire s'est caché, parce qu'il a été recherché avec empressement, & cet empressement, par une forte de providence qui place le mal à côté du bien, a éveillé la cupidité & l'avarice qui profitent aujourd'hui des frayeurs de la crédulité. On vous a proposé la liquidation de la Caisse d'Escompte, comme le moyen le plus prompt & le plus certain pour arrêter les progrès de ce trafic, & on vous a présenté son établissement comme la cause de la disette actuelle du numéraire : cette Caisse, vous a-t-on dit, a facilité à des étrangers les moyens de s'intéresser dans nos fonds fans avancer un écu, & de percevoir de gros arrérages pour un capital qu'ils nous promettent fans cesse, & ne nous donnent jamais. Cette assertion est appuyée par un exemple qui a paru faire quelqu'impression dans l'Assemblée; mais je ne doute pas que ce prestige ne se soit évanoui, quand, à l'aide du raifonnement, on aura voulu le saisir. Toutes les personnes instruites des opérations de banque, qui ont suivi celles qui A 4 & la déprédation ont eu lieu depuis que les dépenses de la guerre d'Amérique de nos Finances nous ont forcés d'ouvrir des emprunts, vous diront avec moi, que les traites croifées auxquelles on s'est si fort attaché, ont été bientôt connues dans le public commerçant, comme papier de circulation, & que le moment de cette découverte a été celui de leur difcrédit. Je ne doute pas que la Caiife d'Escompte n'en ait eu quelques-unes dans fon porte-feuille, parce qu'il lui étoit impoffible de deviner d'abord la cause qui les avoit produites; mais averție de ce défordre, elle a pris toutes les précautions imaginables pout se garantir de ce papier contagieux. J'en atteste ici, & je prends à témoins tous les Négocians, tous les Financiers, tous les Banquiers & d'accord avec moi, ils vous diront qu'à cette époque elle s'est refusée presque, totalement à efcompter le papier de banque, qu'elle rejetoit des bordereaux qui lui étoient présentés, tout ce qui ne portoit pas l'empreinte d'une opération réelle de Commerce, & qu'enfin les fignatures des principales maisons de banque de Paris, les fignatures les plus capables d'inspirer la confiance, perdoient depuis un jusqu'à deux pour cent par mois. Si la Caisse d'Escompte د avoit prêté son appui aux spéculateurs qui nous ont retracé le tableau des scènes que nos pères ont vues dans le temps du systême de Law, assurément elle auroit été comprise dans la chûte de ces vils agioteurs; car je puis le dire ici avec vérité, il y en a peu qui ayent recueilli les fruits de leur brigandage : les plus célèbres ont fuccombé, & l'estime publique s'est refusée à ceux qui ont eu l'adresse de réalifer leurs bénéfices. Je puis & je dois encore vous le dire, parce que les Commissaires de l'Affemblée Nationale l'ont vu, parce que vos Commissaires l'ont (vu; cette Caisse, depuis fon établissement jusqu'à ce moment, n'a perdu que 4000 liv. pour cause de faillite. Je puis encore ajouter que, parmi les 50 & quelques millions de traites, acceptations & billets, qui garniffent aujourd'hui son porte-feuille, il n'y en a aucun qui ne soit la suite d'une opération de Commerce de marchandises. C'est donc par erreur qu'on vous a assuré que sa liquidation amèneroit une grande rentrée de numéraire. Si effectivement l'Assemblée Nationale, renonçant aux vues qui l'ont dirigée quand elle a rendu ses Décrets des 19 & 21 Décembre dernier, lui ordonnoit de cesser ses escomptes & de se liquider, il est bien cerAs |