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loin, comme homme d'État, de mériter les mêmes éloges. Nommé, en 1607, sous l'administration de Robert Cecil, solliciteur général, il se vit appelé successivement à plusieurs autres places jusqu'en 1617, qu'il obtint celle de garde des sceaux. En 1619, il fut créé lord grand chancelier d'Angleterre, avec le titre de baron de Verulam, qu'il échangea l'année suivante pour celui de vicomte de Saint-Albans. Sa fortune était telle alors, qu'il aurait pu vivre avec la magnificence dont il avait le goût, sans dégrader son caractère par les actes d'avidité qu'on eut à lui reprocher avec trop de raison. Des plaintes graves furent portées contre lui. On l'accusa d'avoir reçu des sommes d'argent pour des concessions de places et de priviléges qu'il avait expédiées sous le grand sceau. Ces plaintes furent envoyées à la chambre des lords. Bacon, hors d'état de se justifier, voulut éviter l'éclat d'une recherche judiciaire, et adressa à la chambre une lettre de repentir et de soumission, par laquelle il invoquait la clémence de ses pairs, et demandait que la peine qu'on prononcerait contre lui se bornât à lui ôter la place éminente qu'il avait déshonorée. Les lords ayant exigé de lui une confession circonstanciée, il leur envoya un mémoire dans lequel il reconnaissait la vérité de presque toutes les imputations de corruption portées contre lui, en implorant de nouveau la clémence de la chambre. Malgré l'intérêt que le roi témoigna pour lui, et celui que prenait la chambre même à la situation d'un de ses membres, distingué par un si beau génie, elle ne put s'empêcher de rendre un jugement sévère; il fut condamné à payer une amende de quarante mille livres sterling ou d'un million de francs, et à être emprisonné à la Tour, tant qu'il plairait au roi; il fut en outre déclaré incapable d'occuper aucun emploi ou office public, de siéger au parlement, et d'approcher même du lieu où résiderait la cour.

Toutefois les prévarications des ministres de Jacques n'étaient rien auprès des folles prodigalités auxquelles son aveuglement pour d'indignes favoris entraînait le monarque. Il avait déjà eu un assez grand nombre d'attachements passagers, lorsqu'un jeune Écossais fixa son attention. Robert

Carr avait acquis à la cour de France une politesse de manières et des talents dans l'art de plaire que ne possédait aucun des autres courtisans de Jacques. A son retour du continent, il parut dans un grand tournoi donné à Westminster comme page de lord Dingwald, et caracolait avec grâce, lorsqu'il tomba de cheval et se cassa la jambe. Le roi, vivement alarmé, fit transporter le page dans une maison de Charing-Cross, lui envoya son propre médecin et lui fit chaque jour une visite, jusqu'à son entière guérison. Bientôt, ayant reconnu que l'instruction de son favori laissait à désirer, il lui donna lui-même chaque matin une leçon de latin. Il ne cachait pas à la cour son affection inconsidérée pour Robert Carr. Il s'appuyait sur son bras quand il marchait, lui pinçait les joues, passait ses doigts dans ses cheveux et arrangeait ses vêtements pour qu'ils eussent plus de grâce. Toutes les faveurs ne se distribuèrent plus que par le canal du jeune Écossais qui vendait sa protection au plus offrant. Créé vicomte de Rochester en 1611, Carr fut placé à la tête de l'administration, à la mort de Robert Cecil, en 1612, et devint enfin duc de Somerset.

Robert Carr ou plutôt le duc de Somerset était toutpuissant depuis environ trois ans, lorsqu'en 1615, dans un divertissement que lui donnaient les étudiants de Cambridge, Jacques remarqua le jeune George Villiers, issu d'une trèsancienne famille du comté de Leicester. Celui-ci, pendant le cours de son éducation, avait montré ou peu de goût ou peu d'aptitude pour la culture de son esprit; mais la nature l'avait doué de tout ce qu'elle peut répandre au dehors de beauté, de grâces, de souplesse, et, ainsi que Robert Carr, il était allé se perfectionner en France. Or, Jacques, à qui l'on a reproché tout à la fois de la pédanterie dans ses études et de la frivolité dans ses goûts, ne pouvait résister aux charmes d'un beau visage et d'un bel habit. A la première vue de George Villiers, il fut saisi d'admiration et le nomma son échanson. Sur ces entrefaites fut révélée à la justice un crime d'empoisonnement commis par la duchesse de Somerset, et dans lequel elle avait entraîné son époux à devenir son complice. Le roi bannit de la cour Robert Carr et sa

femme, et chaque jour apporta au successeur du favori déchu un nouvel honneur ou de nouvelles richesses. En moins de deux ans, il fut fait chevalier, gentilhomme de la chambre, baron, vicomte, marquis de Buckingham, grand amiral, gardien des cinq ports, etc., etc., enfin dispensateur absolu de tous les honneurs, dons, offices et revenus des trois royaumes.

Trois faits principaux signalent tristement l'administration de Buckingham, savoir: 1o l'exécution de Ralegh, cette grande victime, si lâchement sacrifiée à une nation rivale et abhorrée des Anglais; 2o l'abandon de Frédéric V, électeur palatin, que le roi d'Angleterre, son beau-père, laissa écraser au début de la guerre de Trente ans, trahissant ainsi et ses devoirs de père et les intérêts du protestantisme si chers à la nation anglaise; 3° un voyage inconsidéré du présomptueux ministre à la cour d'Espagne, en compagnie de l'héritier de la couronne; voici à quelle occasion:

En 1623, la huitième année de sa faveur, Buckingham voulut écarter des affaires le comte de Bristol. Ce ministre, dont il faut louer l'intelligence et l'intégrité, négociait alors à Madrid le mariage d'une infante avec le prince de Galles, qui fut depuis Charles Ier. Il le faisait pour se conformer à la déplorable politique de Jacques qui ne s'apercevait pas combien il dépopularisait les Stuarts en recherchant l'alliance de cette puissance catholique qu'Élisabeth avait mis toute sa gloire à combattre. L'affaire toutefois ne marchait pas vite et Buckingham, dont la présomption politique n'était égalée que par sa fatuité, se fit fort de tout terminer à souhait en quelques semaines. En réalisant promptement une union si vainement attendue par la famille royale il n'aspirait pas seulement à se réconcilier avec le prince de Galles, sur lequel, dans un accès de colère extravagant, il avait osé lever la main : il prétendait mettre dans sa dépendance l'héritier présomptif de la couronne, et assurer ainsi la durée de son pouvoir, si Jacques, vieillissant et infirme, venait à mourir. A l'insu du roi, il inspira au jeune Charles le désir romanesque d'aller lui-même, à Madrid, trancher

par sa présence toutes les difficultés de la négociation, et enflammer le cœur de l'infante par ce besoin de la connaître et cet empressement de s'unir à elle. Le ministre, devenu duc de Buckingham, et le prince se mirent en route, gardant l'incognito, et plus semblables à des paladins du moyen âge qu'à des personnages des temps modernes. Charles charma la famille royale et toute la nation espagnole, mais elles se sentirent révoltées par les vices arrogants, la familiarité grossière et la dissolution scandaleuse de l'étrange mentor auquel avait été confié un si précieux élève. Tout fut rompu, et Jacques, qui semblait avoir juré de faire contracter à son fils une alliance impopulaire, rechercha pour lui la main de Henriette-Marie, sœur de Louis XIII. Cette dernière négociation était déjà fort avancée, lorsque Jacques mourut le 6 avril 1625, à l'âge de cinquante - neuf ans, après en avoir régné vingt-deux en Angleterre. Il avait épousé, l'an 1589, Anne, fille de Frédéric II, roi de Danemark (morte le 2 mars 1619), dont il laissa un fils nommé Charles, qui lui succéda, et Élisabeth, mariée l'an 1613 à Frédéric, électeur palatin.

Administration de Jacques Ier.

Le droit divin, le pouvoir absolu, telle est, en politique, l'idée fixe du premier des Stuarts. On la retrouve dans tous ses discours comme dans ses œuvres, dont les trois principales sont : Le Basilicon doron (le don royal), The true Law of free monarchies (la vraie loi des monarchies libres), et un Commentaire de l'Apocalypse où l'auteur s'attache à prouver que le pape est l'antechrist. Le Don royal fut écrit par Jacques pour son premier fils, le prince Henri, mort à dix-huit ans. La première partie de cet ouvrage, Devoirs d'un roi chrétien envers Dieu, renferme des choses bonnes, mais communes; la seconde, Devoirs d'un roi en sa charge, s'ouvre par un bel exorde; la troisième, Des déportements d'un roi, ès choses communes et indifférentes, amuse par sa naïveté. Dans le second de ces ouvrages, le monarque dit d'une manière expresse que le devoir d'un roi est de commander;

que celui d'un sujet est d'obéir; que les rois règnent en vertu du droit divin, et que le Tout-Puissant, dont ils sont la fidèle image, les a placés au-dessus de la loi; qu'un souverain est libre de faire chaque jour des statuts et des ordonnances, et d'infliger tel châtiment qu'il juge convenable sans prendre avis de son parlement; que les lois générales faites publiquement par le parlement peuvent être adoucies ou suspendues par la volonté du roi pour des causes connues de lui seul; enfin, que celui-là est un bon roi, qui conforme tous ses actes aux lois du royaume, mais que ce roi n'est nullement lié à leur observation, et que, s'il le fait, c'est de son propre mouvement et pour donner l'exemple à ses sujets. Telles sont les maximes auxquelles Jacques ne se conforma que trop dans la pratique. Ses folles prodigalités, ses alliances impopulaires avec des puissances catholiques, le mettaient, en effet, dans la nécessité de violer sans cesse les lois fondamentales de l'Angleterre et de renouveler les exactions des plus mauvais règnes, de se montrer sourd aux justes plaintes des représentants du pays.

Aussi le parlement, sans cesse provoqué et ne trouvant pas en face de lui un monarque qu'il pût estimer ou craindre, montra une opposition inattendue et qui ne fit que s'accroître durant ce règne de vingt-deux ans d'un prince faible et prétentieux. Jacques régna, il est vrai, sans lui pendant treize années. Mais, sous cette oppression, l'esprit public se forma et grandit, et, à la seule exception peut-être du clergé, un amour ferme et profond de la liberté s'empara de toutes les classes. La protestation des communes, du 18 décembre 1621, qui maintenait hautement les priviléges du parlement, montra qu'une lutte était imminente. La désaffection gagna même la chambre des lords.

En religion, Jacques fut fidèle aux mêmes principes. Il se fit le champion de l'Église anglicane contre l'Église presbytérienne, c'est-à-dire qu'entre les deux réformes qui se disputaient l'Angleterre, il adopta celle où le principe d'autorité était maintenu avec le plus de vigueur. Comprenant que les doctrines d'égalité religieuse devaient conduire à l'égalité politique, il voyait le salut de la monarchie dans

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