le maintien de l'Église anglicane et répétait à chaque propos : Point d'évêques, point de roi1. CHAPITRE XXVII. CHARLES Ier (1625-1649)2. CARACTÈRE DE CE RÈGNE; SES DIVISIONS. -- MARIAGE DE CHARLES 1er AVEC -LAUD ET WENTWORTH. MÉS HENRIETTE-MARIE (1625).—PREMIER ET SECOND PARLEMENTS (1625-1626).— COVEDIT COURT PARLEMENT CINQUIÈME NOV. 1640); SUPPLICE DE STRAFFORD (1641). MASSACRE GÉNÉRAL DES PROTESTANTS D'IRLANDE (22 OCT. 1641). - GUERRE CIVILE (1642-1646). ÉNUMÉRATION DES DIVERS PARTIS. CAPTIVITÉ DE CHARLES; LUTTE ENTRE LES PRESBYTÉRIENS ET LES INDEPENDANTS (1647-1648). PROCÈS DU ROI (20-27 JANV. 1649). Caractère de ce règne; ses divisions. Jacques Ier, attendant un comité de la chambre des communes qui venait lui présenter une remontrance sévère, dit ironiquement: « Qu'on prépare douze fauteuils je vais recevoir douze rois. » L'amertume de son dépit le faisait parler encore plus juste qu'il ne croyait, car là était bien la question. A qui resterait la souveraineté, du peuple ou du 1. Il avait raison, car le haut clergé de cette époque était partisan très-prononcé des doctrines du pouvoir absolu, dans le gouvernement de l'État. Les canons arrêtés en 1606, faisaient dériver le gouvernement du régime patriarcal, à l'exclusion de tout choix populaire. Dans cet âge d'or, les fonctions de roi et de prêtre, disaient-ils, « étaient les prérogatives du droit de naissance, » jusqu'à ce que la méchanceté du genre humain amenât l'usurpation; et ils recommandaient dans tous les cas, l'obéissance passive au monarque, sans aucune exception. Les évêques angliCans espéraient en échange obtenir du roi qu'il favorisât les empiétements de leur juridiction; ils le demandèrent formellement en 1605 par les vingt-cinq articuli cleri. La fermeté des juges rendit cette tentative vaine. 2. Guizot, Histoire de la révolution d'Angleterre, et Collection des Mémoires pour servir à l'Histoire de la révolution d'Angleterre; Villemain, Histoire de Cromwell; Philarète Chasles, id.; Clarendon, History of the rebellion; Neal, History of the Puritains; Whitelock, Memorials; Col. Hutchinson, Memoirs; May, History of the Parliament. roi? Elle resta au peuple. Toutefois la révolution anglaise diffère de la révolution française en ce que la première fut plus religieuse que politique, la seconde plus politique que religieuse. En effet, ce qui préoccupait tous les esprits, c'était de savoir qui l'emporterait des anglicans ou des presbytériens. Seulement, comme l'Église anglicane était identifiée avec la monarchie, comme Henri VIII et Élisabeth avaient fait du roi le pape de cette Église; comme partout, dans un dogme, une cérémonie, une prière, l'érection d'un autel, la forme d'un surplis, le pouvoir royal était compromis aussi bien que celui des évêques, les presbytériens comprirent qu'ils ne pourraient renverser la puissance épiscopale, qui leur était si odieuse, qu'en sapant la puissance royale, sur laquelle elle s'appuyait c'était à l'épiscopat qu'ils en voulaient. Quant à la royauté, ils lui avaient, au contraire, de la reconnaissance pour avoir donné la première le signal de la rupture avec Rome, et ne se décidèrent que peu à peu à l'attaquer. Mais Jacques et son fils suivirent une politique si fausse, si peu nationale, ils affichèrent des prétentions si inconciliables avec la grande charte, avec tous les précédents parlementaires, qu'un abîme profond finit par séparer le monarque et son peuple. La royauté s'y engloutit. S'il est facile de saisir ce caractère général du règne de Charles Ier, il n'est pas difficile non plus de le subdiviser en périodes correspondant à de notables variations dans la politique de ce monarque. De 1625 à 1629, Charles essaya de gouverner avec le parlement; de 1629 à 1640, sans le parlement; de 1640 à 1649, d'abord avec, puis contre le parle ment. Mariage de Charles Ier avec Henriette-Marie (1625). Aussitôt que Jacques eut rendu le dernier soupir, les membres du conseil privé proclamèrent Charles, son fils, âgé de près de vingt-cinq ans. Toute l'Angleterre se livra à la joie et à l'espérance; et ce n'était pas seulement cette joie tumultueuse qui éclate au début d'un nouveau règne : celle-ci était sérieuse, générale et semblait bien fondée. Le nouveau roi était un prince de mœurs graves et pures, d'une piété reconnue, appliqué, instruit, frugal, peu enclin à la prodigalité, réservé sans humeur, digne sans arrogance; il maintenait dans sa maison la décence et la règle. Tout en lui annonçait un caractère élevé, droit, ami de la justice. Ses manières et son air imposaient aux courtisans et plaisaient au peuple; ses vertus lui auraient valu l'estime des gens de bien. Lasse des mœurs ignobles, de la pédanterie bavarde et familière, de la politique inerte et pusillanime de Jacques Ier, l'Angleterre se promettait d'être heureuse et libre sous un roi qu'elle pourrait enfin respecter. Charles, de son côté, voulait faire le bonheur de son peuple. Malheureusement, si le monarque et le peuple voulaient également arriver au bien, c'était chacun par un chemin différent : le premier par le despotisme, le second par la liberté. Puis l'entourage du roi était déplorable. Placé entre un ministre tel que Buckingham et une femme telle que Henriette-Marie, il ne pouvait faire que des fautes. Nous connaissons déjà le premier qui eut la bonne fortune singulière d'être le favori de deux rois. Quant à Henriette, on se tromperait étrangement si on la jugeait d'après le portrait que Bossuet nous a tracé d'elle dans un si magnifique langage. Buckingham l'épousa à Paris, au nom de son souverain, le 1er mai 1625, et étonna la cour de France, encore plus que celle de Madrid, par ses folles dépenses et son audace. Il parut un jour avec un habit brodé de perles fines fort mal attachées, de telle sorte qu'à chaque pas il en perdait quelques-unes dont il faisait hommage aux dames qui les ramassaient; et on sait que, dans sa fatuité, il espéra se faire écouter d'Anne d'Autriche elle-même. A l'arrivée d'Henriette en Angleterre, ses manières affables et la gaieté répandue sur tous ses traits charmèrent les premières personnes qui la virent. On la disait exempte de bigotisme, parce qu'elle avait mangé du faisan un jour de jeûne, malgré les remontrances de son confesseur, et l'on ajoutait que quelqu'un lui ayant demandé si elle pourrait aimer un huguenot, elle aurait répondu : « Pourquoi non? Mon père n'en était-il pas un?» On ajoutait que, depuis son arrivée, elle avait donné des signes manifestes de sa prédilection pour le protestantisme, et qu'avant peu elle deviendrait elle-même une bonne protestante. Mais ces espérances furent de courte durée; on apprit que Henriette avait amené avec elle un grand nombre de prêtres catholiques, entre autres Pierre de Bérulle, le fondateur de l'Oratoire, et que la messe était célébrée par eux dans le palais du roi. Henriette était accompagnée effectivement de vingt-neuf prêtres et d'un évêque, jeune homme d'environ trente ans, avec lesquels elle avait de fréquents et longs entretiens. Charles, dit-on, manifesta son mécontentement à cet égard. Mais Henriette, quoique aimable, était obstinée, hautaine, et se refusait à la moindre concession. Il y avait à peine quinze jours qu'elle habitait Londres, que son caractère et ses penchants lui suscitaient des ennemis nombreux parmi les puritains. Premier et second parlements (1625-1626). Charles et Henriette avaient fait leur entrée solennelle à Londres le 16 juillet 1625; le lendemain s'ouvrit le premier parlement. Dès le début de la session, la chambre des communes porta ses regards sur le gouvernement tout entier : affaires du dehors et du dedans, négociations, alliances, emploi des subsides passés, des subsides futurs, état de la religion, répression des papistes, rien ne lui parut étranger à ses droits. Les reproches, il est vrai, s'adressaient peu au gouvernement de Charles: il commençait. Cependant, un examen si étendu des affaires publiques lui semblait déjà un empiétement; la liberté des discours prononcés par les orateurs de l'opposition l'offensait. Mais il prit patience. Il avait besoin de subsides. Le dernier parlement avait souhaité avec ardeur la guerre avec l'Espagne, et avait fini par forcer le pacifique Jacques à la déclarer le nouveau parlement ne pouvait refuser de la soutenir. Charles insistait pour que, sans retard, on lui en fournît les moyens, promettant de redresser les justes griefs. Mais les communes ne se fiaient plus aux promesses, même d'un roi qui n'en avait encore violé aucune et qu'elles estimaient. Aussi commencèrent-elles par ne donner qu'un faible subside, et les droits de douane1 ne furent votés que pour un an : ce dernier vote parut une offense, et la chambre haute refusa de le sanctionner. On portait donc au roi, disait la cour, moins de confiance qu'à ses prédécesseurs, qui avaient obtenu les droits de douane pour toute la durée de leur règne. Le parlement fut dissous moins d'un mois après sa réunion. Ainsi, malgré leur bienveillance mutuelle, le prince et le peuple ne s'étaient rapprochés que pour se heurter; ils se séparérent sans que ni l'un ni l'autre se sentît faible ou se crût un tort, également certains de la légitimité de leurs prétentions, également décidés à y persister. Les communes protestèrent qu'elles étaient dévouées au roi, mais ne lui livreraient point leurs libertés. Le roi dit qu'il respectait les libertés de ses sujets, mais qu'il saurait bien gouverner seul. A peine six mois s'étaient écoulés que Charles reconnut qu'il n'était pas aussi facile qu'il le supposait de se passer du parlement. Un emprunt forcé valut peu d'argent au trésor; une expédition contre Cadix échoua. D'ailleurs, il pensait que les communes seraient charmées de revenir sitôt, et qu'après avoir pris des mesures pour écarter de la chambre les orateurs les plus populaires, il trouverait un parlement docile et reconnaissant. Mais si, à la cour, on disait que le peuple aimait le roi, et que quelques factieux l'égaraient seuls, les communes, de leur côté, pensaient aussi qu'on égarait le roi, et que, pour le rendre à son peuple, il suffirait de l'enlever à un favori. Le second parlement s'était réuni le 6 février 1626; dès le 21 il mit en accusation le duc de Buckingham, ce ministre dissipateur dont la prodigalité n'avait d'égale que sa cupidité, et qui, indépendamment des traitements affectés à ses innombrables charges et dignités, s'était fait donner des domaines de la couronne pour une valeur de sept millions cent neuf mille huit cent soixante-quinze francs. Cependant, il était difficile de prouver contre Buckingham des crimes légaux; les communes votèrent que le simple bruit public était un motif suffisant 1. Ces droits de douane sont très-souvent désignés sous le nom de tonnage et de poundage ou pesage, parce qu'ils étaient en raison du tonnage des navires et du poids des marchandises, l'unité de poids étant le pound ou livre. |