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7 mai 1646, il se retira par lassitude plutôt que par choix dans le camp des Écossais, où le résident de France lui faisait espérer un asile, et où il s'aperçut bientôt qu'il était prisonnier.

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Ses hôtes assiégeaient alors Newark, près d'Oxford. Ils ne lui épargnèrent pas les outrages. Un ministre écossais, prêchant devant lui à Newcastle, désigna aux chants de l'assemblée le psaume LI, qui commence par ces mots : Tyran, pourquoi te glorifies-tu dans ta malice et te vantestu de tes iniquités? » Le roi, se levant tout à coup, entonna, au lieu de ce verset, le psaume LVI : « Aie pitié de moi, mon Dieu, car mes ennemis m'ont foulé aux pieds tout le jour, et il y en a beaucoup qui me font la guerre; » et d'un commun élan, toute l'assistance se joignit à lui. Cependant les Écossais, désespérant de lui faire accepter le covenant, le livrèrent (30 janvier 1647) aux Anglais, qui offraient de leur payer les frais de la guerre évalués à dix millions de francs. Mais tout en profitant de la cupidité des Écossais, les Anglais ne se firent pas faute de leur reprocher leur avarice et leur trahison, dans ce refrain populaire :

L'Écossais traître à sa foi,

Pour un liard vendit son roi.

Captivité de Charles; lutte entre les presbytériens et les indépendants (1647-1648).

Si en présence d'un péril commun les indépendants et les presbytériens avaient eu beaucoup de peine à s'entendre, que devait-ce être après la victoire? Luttant déjà entre eux pour le pouvoir, le roi allait être une proie de plus à se disputer. Comme les presbytériens dominaient dans le parlement et les indépendants dans l'armée, l'antagonisme se concentra entre ces deux corps. Le parlement maître de la personne du roi enfermé à Holmby, non loin de Nottingham, ne voyait plus de nécessité de conserver l'armée dans son intégrité. Il voulait ne garder que les régiments indispensables pour marcher contre les catholiques irlandais et licencier les autres. Mais l'armée sentait sa force et n'était pas disposée à céder aux injonctions des avocats du parlement.

Fairfax, qui avait remplacé dans le commandement un zélé presbytérien, le comte d'Essex, était soldat avant tout, et ne se prononçait bien formellement pour aucun des deux partis. Toutefois sa neutralité importait peu aux indépendants qui avaient dans Cromwell, devenu lieutenant général, et dans Ireton commissaire général de la cavalerie, leurs véritables chefs. Le futur protecteur faisait grand cas de son camarade, personnage doué de qualités précieuses et dans lequel le soldat était enté sur le jurisconsulte, le saint sur l'homme d'État. Il lui donna en mariage sa fille Brigitte. Comme à chaque pétition des officiers et des soldats demandant l'arriéré de leur solde, et souvent d'un ton peu respectueux, les presbytériens éclataient en menaces, Cromwell un jour se pencha vers Ludlow, zélé républicain, assis à côté de lui : « Ces gens-là, dit-il, n'auront pas de repos que l'armée ne les ait mis dehors par les oreilles. » La colère fit bientôt place, chez les presbytériens, à l'inquiétude. L'armée entière, armée composée, rappelonsnous-le, non pas de mercenaires, de soldats enrôlés par force, mais de volontaires qui s'étaient levés spontanément pour défendre leurs croyances politiques et religieuses, se concertait, s'érigeait en pouvoir indépendant, rival peut-être, et avait déjà son propre gouvernement. Deux conseils, composés l'un des officiers, l'autre des agents ou agitateurs nommés par les soldats, réglaient toutes ses démarches, et se préparaient à négocier en son nom. Tout était prévu pour soutenir cette organisation naissante; chaque escadron, chaque compagnie nommaient deux agitateurs. Toutes les fois que leur réunion devenait nécessaire chaque soldat donnait quatre pence (quarante centimes) pour suffire aux frais, et les deux conseils ne devaient jamais agir qu'en commun.

En présence d'un si grand danger, la majorité presbytérienne du parlement ne vit qu'un moyen de salut, traiter avec le roi, et elle y était d'autant mieux disposée, que jamais elle n'avait voulu anéantir, mais seulement limiter l'autorité royale. Déjà, à Westminster et dans la cité dont les bourgeois étaient tous presbytériens, on s'entretenait de l'espoir

que le roi se réunirait bientôt à son parlement, quand, le 4 juin 1647, arriva tout à coup la nouvelle, que la veille il avait été enlevé de Holmby par un détachement de sept cents hommes, et que l'armée le tenait en son pouvoir à Newmarket. Le commandant de cette expédition était un agent de Cromwell, nommé Joyce, qui de tailleur était devenu cornette. Le lieutenant général, formellement accusé par un de ses collègues du parlement, par Grimstone, presbytérien énergique, se leva, puis tombant à genoux, fondant en larmes, avec une véhémence de paroles, de sanglots et de gestes qui saisit d'émotion ou de surprise tous les assistants, il se répandit en pieuses invocations, en ferventes prières, appelant sur sa tête, si quelque homme dans tout le royaume était plus fidèle que lui à la chambre, toutes les condamnations du Seigneur. Se relevant ensuite, il parla plus de deux heures, du parlement, du roi, de l'armée, de ses ennemis, de ses amis, de lui-même; abordant et mêlant toutes choses, humble et audacieux, verbeux et passionné, répétant surtout à la chambre qu'on l'inquiétait à tort, qu'on la compromettait sans motif, que, sauf quelques hommes dont les regards se tournaient vers la terre d'Égypte, officiers et soldats, tous lui étaient dévoués et faciles à retenir sous sa loi. Tel fut enfin son succès, que lorsqu'il se rassit, l'ascendant avait passé à ses amis, et que, «s'ils l'eussent voulu, disait trente ans après Grimstone lui-même, la chambre nous eût envoyés à la Tour, les deux officiers qui me servaient de témoins et moi, comme calomniateurs. » Mais Cromwell était trop clairvoyant pour s'abuser sur la valeur de son succès. Il comprit que de telles scènes ne pouvaient se reproduire, et, le soir même de ce grand triomphe, il quitta Londres secrètement, pour aller rejoindre l'armée. Celui-ci, aussitôt, marcha sur la capitale. Elle y entra triomphante, le 6 août 1647, et escortant plus de soixante membres qui, hostiles à la majorité presbytérienne, étaient venus chercher un asile dans ses rangs.

Cependant, depuis que le roi était passé des mains du parlement dans celles de l'armée, les chefs de cette dernière n'avaient cessé de négocier avec lui. Ils étaient même tout

disposés à lui accorder des conditions beaucoup plus favorables que celles dont la majorité presbytérienne ne voulait point se départir. Au premier abord, une telle anomalie s'explique difficilement, puisque les presbytériens voulaient sincèrement la monarchie, tandis que les indépendants s'en souciaient fort peu. Mais les chefs de l'armée désiraient à tout prix annuler les presbytériens, et pour atteindre ce but ils ne se refusaient pas à s'entendre avec le roi, surtout si celui-ci promettait de les récompenser largement. Lorsque Charles se vit courtisé par Cromwell, Ireton et quelques autres généraux, il crut qu'il pourrait à la fois se jouer d'eux et du parlement, grâce à leur antagonisme, et finir par ne rien accorder du tout ni aux indépendants ni aux presbytériens; mais il devait payer cher sa duplicité.

Les généraux avaient donné au roi, pour prison, son palais de Hampton-Court. Un des espions que Cromwell y entretenait, lui fit un jour passer l'avis qu'il partait du château une lettre adressée à la reine, et qui contenait les vrais desseins de Charles envers l'armée et ses chefs. La lettre, cousue dans une selle que portait sur sa tête un homme qui n'était point dans le secret, devait arriver vers dix heures du soir à l'auberge du Sanglier Bleu, dans Holborn, où un cheval était préparé pour conduire l'homme à Douvres, d'où le paquet passerait en France. Cromwel et Ireton se rendirent à l'auberge indiquée. A l'approche du messager, ils sortirent l'épée à la main, se saisirent de la selle sous prétexte qu'ils avaient ordre de tout visiter, l'emportèrent dans un cabinet, en fendirent les bords, y trouvèrent la lettre, refermèrent la selle avec soin, et la rendirent au messager. Charles écrivait à la reine que les deux factions le recherchaient également, qu'il se joindrait à celle dont les conditions seraient pour lui meilleures, et qu'il croyait même traiter plutôt avec une troisième faction, avec les presbytériens écossais, qu'avec l'armée ou le long parlement: "Du reste, ajoutait-il, je suis seul au fait de ma situation; sois tranquille sur les concessions que je pourrais faire; je saurai bien, quand il en sera temps, comment il faut se conduire avec ces drôles-là, et au lieu d'une jarretière de

soie (allusion à l'ordre de la jarretière), je les accommoderai d'une corde de chanvre. » Il était donc bien évident pour Cromwell qu'il n'y avait pas moyen de se fier au roi. Dès ce moment il commença à viser plus haut, et songea à soustraire le roi à l'armée, comme il l'avait enlevé au parlement. Charles, épouvanté par des avis menaçants, s'échappa et passa dans l'île de Wight, où il se trouva à la disposition de Cromwell.

La ruine du roi fut le sceau de la réconciliation de Cromwell avec les républicains. Il avait été forcé de réprimer la faction des niveleurs. Un jour qu'il passait en revue neuf régiments, certains cris se firent entendre; les soldats d'un de ces régiments, que commandait Robert Lilburne, frère de John, le pamphlétaire le plus audacieux du parti, parurent même devant lui, portant attaché à leur bonnet un écrit séditieux intitulé: l'Accord du peuple, avec cette inscription: «< Droits des soldats. » Il leur arracha cet écrit, fit sortir des rangs quatorze des plus mutins, ordonna l'exécution immédiate de l'un d'eux, Richard Arnell, devant le front de son régiment, et envoya les autres en prison.

Mais Cromwell n'avait garde de se brouiller pour toujours avec un parti si énergique. Il le regagna en battant dans le pays de Galles les cavaliers qui avaient de nouveau repris les armes, en leur prenant leur dernier asile, le château de Pembroke, puis en mettant en pleine déroute, près de Preston, sur les bords de la Ribble, le 18 août 1648, les presbytériens écossais qui, satisfaits des promesses de Charles, s'avançaient pour le tirer des mains des républicains anglais. Non content de cette victoire, due à la rapidité de ses mouvements et à l'ardeur de ses soldats peu nombreux, mal vêtus, mal nourris, mais suppléant à tout par leur enthousiasme, l'infatigable Cromwell pénétra jusqu'à Édimbourg, y fut reçu avec joie par les presbytériens rigides qui avaient fortement blâmé les presbytériens modérés de s'être armés en faveur de Charles, et reprit la route de Londres plus puissant que jamais. Le long parlement n'avait pu s'empêcher de féliciter officiellement Cromwell sur ses nouvelles victoires, mais au fond il comprenait par

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