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Ça te fera du bien. Tu ne marches pas assez.

POIRIER.

D'ailleurs, je garde mon coupé bleu. Je vous le prêterai.

LE DUC.

Quand il fera beau.

GASTON.

Ah çà ! monsieur Poirier !...

LE DOMESTIQUE, rentrant.

Monsieur Vatel demande à parler à monsieur le marquis.

GASTON.

Qu'il entre! (Entre Vatel en habit noir.) Quelle est cette tenue, monsieur Vatel? êtes-vous d'enterrement, ou la marée manque

t-elle?

VATEL.

Je viens donner ma démission à monsieur le marquis.

GASTON.

Votre démission? la veille d'une bataille !

VATEL.

Telle est l'étrange position qui m'est faite; je dois déserter pour ne pas me déshonorer; que monsieur le marquis daigne jeter les yeux sur le menu que m'impose monsieur Poirier.

GASTON.

Que vous impose monsieur Poirier? Voyons cela. (Lisant.) Le Japin sauté!

POIRIER.

C'est le plat de mon vieil ami Ducaillou.

GASTON.

La dinde aux marrons.

POIRIER.

C'est le régal de mon camarade Groschenet.

GASTON.

Vous traitez la rue des Bourdonnais?

POIRIER.

En même temps que le faubourg Saint-Germain.

GASTON.

J'accepte votre démission, Monsieur Vatel. (vatel sort.) Ainsi demain mes amis auront l'honneur d'être présentés aux vôtres?

POIRIER.

Vous l'avez dit, ils auront cet honneur... Monsieur le duc serat-il humilié de manger ma soupe entre monsieur et madame Pincebourde?

LE DUC.

Nullement. Cette petite débauche ne me déplaira pas. Madame Pincebourde doit chanter au dessert?

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Et de temps en temps, j'espère, nous renouvellerons cette

bamboche.

POIRIER.

Mon salon sera ouvert tous les soirs et vos amis seront toujours les bienvenus.

GASTON.

Décidément, monsieur Poirier, votre maison va devenir un lieu de délices, une petite Capoue. Je craindrais de m'y amollir, j'en sortirai pas plus tard que demain.

POIRIER.

J'en serai au regret... mais mon hôtel n'est pas une prison. Quelle carrière embrasserez-vous ? la médecine ou le barreau?

Qui parle de cela?

GASTON.

POIRIER.

Les ponts et chaussées peut-être? cu le professorat? car yous ne pensez pas tenir votre rang avec neuf mille francs de rente?

LE DUC.

Neuf mille francs de rentes?

POIRIER, à Gaston.

Dame! la bilan est facile à établir: vous avez reçu cinq cent mille francs de la dot de ma fille. La corbeille de noces et les frais d'installation en ont absorbé cent mille. Vous venez d'en donner deux cent dix-huit mille à vos créanciers, il vous en reste donc cent quatre-vingt-deux mille, qui, placés au taux légal, représentent neuf mille livres de rente... Est-ce clair? Est ce avec ce revenu que vous nourrirez vos amis de carpes à la Lithuanienne et de volailles à la concordat? Croyez-moi, mon cher Gaston, restez chez moi, vous y serez encore mieux que chez vous. Pensez à vos enfants... qui ne seront pas fàchés de trouver un jour dans la poche du marquis de Presles les économies du bonhomme Poirier. A revoir, mon gendre, je vais régler le compte de monsieur Vatel. (11 sort.)

SCÈNE IV.

LE DUC, LE MARQUIS.

(Ils se regardent un instant. Le duc éclate de rire.)

GASTON.

Tu trouves cela drôle, toi?

LE DUC.

Ma foi, oui! Voilà donc ce beau-père modeste et nourrissant comme les arbres à fruit? ce George Dandin? Tu as trouvé ton maître, mon fils; mais, au nom du ciel, ne fais pas cette piteuse mine. Regarde-toi, tu as l'air d'un paladin qui partait pour la croisade et que la pluie a fait rentrer! Ris donc un peu; l'aventure n'est pas tragique.

GASTON.

Tu as raison!... Parbleu ! Monsieur Poirier, mon beau-père, vous me rendez là un service dont vous ne vous doutez pas.

LE DUC.

Un service?

m

GASTON.

Oui, mon cher, oui, j'allais tout simplement me couvrir de ridicule; j'étais en chemin de devenir amoureux de ma femme... Heureusement monsieur Poirier m'arrête à la première station.

LE DUC.

Ta femme n'est pas responsable des sottises de monsieur

Poirier. Elle est charmante.

GASTON.

Laisse-moi donc tranquille! Elle ressemble à son père.

LE DUC.

Pas le moins du monde.

GASTON.

Je te dis qu'elle a un air de famille... je ne pourrais plus l'embrasser sans penser à ce vieux crocodile. Et puis, je voulais bien rester au coin du feu... mais du moment qu'on y met la marmite... (11 tire sa montre.) Bonsoir !

LE DUC.

Où vas-tu?

GASTON.

Chez madame de Montjay: voilà deux heures qu'elle m'attend.

LE DUC.

Non, Gaston, n'y va pas.

GASTON.

Ah! on veut me rendre la vie dure, ici; on veut me mettre

en pénitence...

LE DUC.

Écoute-moi donc

GASTON.

Tu n'as rien à me dire.

LE DUC.

Et ton duel?

GASTON.

Tiens! c'est vrai... je n'y pensais plus.

LE DUC.

Tu te bats demain à deux heures, au bois de Vincennes.

! GASTON.

Très-bien! De l'humeur dont je suis, Pontgrimaud passera demain un joli quart d'heure.

SCÈNE V.

LES MÊMES, VERDELET, ANTOINETTE.

ΑΝΤΟΙΝETTE.

Vous sortez, mon ami?

GASTON.

Oui, madame, je sors. (11 sort.)

VERDELET.

Dis donc, Toinon? il ne paraît pas d'humeur aussi charmante

que tu le disais.

ΑΝΤΟΙΝETTE.

Je n'y comprends rien...

LE DUC.

Il se passe ici des choses graves, madame.

ΑΝΤΟΙΝETTE.

Quoi donc?...

LE DUC.

Votre père est ambitieux.

VERDELET.

Ambitieux !... Poirier?

LE DUC.

Il avait compté sur le nom de son gendre pour arriver...

VERDELET.

A la pairie, comme monsieur Michaud! (A part.) Vieux fou!

LE DUC.

Irrité du refus de Gaston, il cherche à se venger à coups d'épingle, et je crains bien que ce ne soit vous qui payiez les frais de la guerre.

Comment cela?

ΑΝΤΟΙΝETTE.

VERDELET.

C'est bien simple... si ton père rend la maison odieuse à ton

mari, il cherchera des distractions dehors.

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