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même elle ait encore fait des conquêtes, et qu'en perdant de sa renommée militaire, elle n'ait point cessé d'augmenter sa domination territoriale. Nous en avons aperçu la cause dans l'esprit de sa politique : il nous reste à jeter un coup-d'œil rapide sur son climat, ses provinces, sa population, ses forces de terre et de mer, ses finances, ses institutions, et sur la condition civile et morale de ses habitans. C'est par-là qu'on peut achever' d'apprécier la nature et les effets de sa puis

sance.

Étendue

de

CHAPITRE XI (1).

État de l'Empire russe au commencement du XIX: siècle.

L'IMAGINATIO

IMAGINATION ne peut contempler sans une l'Empire espèce d'effroi un empire qui s'étend des mers

du Japon jusqu'à la Vistule, et du pôle Arctique jusqu'au Phase, qui est deux fois plus grand que l'Europe, et qui occupe la neuvième partie de la terre habitable (2). Sous ce rapport, il surpasse l'empire d'Alexandre et celui des Césars (3): mais la domi

(1) Sans doute on n'attend pas que nous donnions de grands détails sur la statistique de cet empire. Ce chapitre ne peut rem placer une géographie; mais l'Appendice remplira à quelques égards les vides que nous sommes forcés d'y laisser.

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(2) « L'empire de Russie, dit Storch, s'étend, tant en Europe qu'en Asie, depuis le 39.° degré jusqu'au 207. de longitude, et depuis le 42.o 1/2 jusqu'au 78.o de latitude septentrionale. Il comprend donc cent soixante-huit degrés de longitude et trente-cinq » et demi de latitude. » (Storch, Tableau de l'empire de Russie, tom. I, pag. 1. Ce territoire a été augmenté depuis que Storch a écrit son tableau sa longueur est d'environ dix-neuf cent milles d'Allemagne, sa surface d'environ trois cent vingt-quatre mille milles carrés (environ 453,000 lieues).

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(3) « Les possessions de l'empire romain s'étendaient l'espace de » trente-deux degrés : la Russie en comprend trente-cinq et demi. Mais si l'on réfléchit que la domination des Romains s'étendait » sur la plus belle partie de la zone tempérée (depuis le 24.o degré jusqu'au 50.), et que le sol, dans toute cette étendue, était le plus fertile et le plus fécond des trois parties de la terre, cet » avantage apparent s'évanouit. » (Ibid.

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fall and decline of the Roman empire. London,

Gibbon's Hist. of the

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nation romaine, comprenait les provinces du monde les plus fertiles, les mieux peuplées ; et la moitié des possessions russes offre l'aspect d'une solitude profonde et d'un hiver éternel. Auguste avait recommandé à ses successeurs de ne pas porter plus loin les limites de l'empire (1); Adrien les fixa aux rives de l'Euphrate: mais l'ambition russe, comprimée à l'Occident par la résistance des peuples civilisés, ne s'est pas arrêtée là même où la nature semble repousser l'homme et lui refuser l'existence.

Un tel empire doit offrir des différences prodigieuses dans le climat, l'aspect physique, et dans les productions de ses provinces. Aussi, dans quelques-unes, on jouit d'un air pur, on trouve un sol riche et fertile; et dans toutes les autres, le froid arrête la végétation: la terre, un moment réchauffée, ne rend que des exhalaisons malsaines; des steppes arides, de vastės plaines imprégnées de sel, n'offrent aucun aliment salubre, aucune espérance à l'industrie du cultivateur (2).

Pour déterminer les divers climats de la Russie avec quelque précision, on la divise en trois régions.

>>

(1) Loi de coercendo Imperio.

(2)

«

Au-delà du 60. degré de latitude, la terre est tout-à-fait inculte et incultivable; et l'on peut placer sous cette latitude, ou compter comme tels, environ cent soixante-deux milles carrés » géographiques, c'est-à-dire la moitié de la surface de l'empire. » (William Tooke's View of the Russian empire, vol. II, pag. 135.)

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Climats.

La première s'étend depuis le soixantième degré de latitude jusqu'au soixante-dix-huitième, région froide, stérile, presque inhabitable, où la rigueur d'un hiver de huit à dix mois fait geler même le mercure, où croissent quelques tristes bruyères, où végète, des produits de la chasse ou de la pêche et sur des marais glacés, une population rare, misérable et comme disgraciée de la nature. Tels sont les gouvernemens d'Arkhangel, de Vologda, de Permie, de Tobolsk, d'Irkoutsk, et même d'une partie de Novogorod et de Pétersbourg. Le contraste de tant de misère, auprès des pompes de la capitale, offre une image frappante de la nature de cet empire.

Dans la seconde région, du cinquantième au soixantième degré, l'hiver a encore ses rigueurs; mais l'été y produit promptement ses bienfaits; l'air y est généralement pur, le territoire fertile, les forêts superbes : c'est le centre et la force réelle de la puissance russe. Sous cette latitude sont les gouvernemens formés en Livonie et en Pologne, ceux de Smolensk, de Twer, de Woronetz, de Kasan, de Moscow, et sur-tout la fertile Ukraine.

Un hiver doux, pluvieux et court, distingue la région méridionale, comprise entre le cinquantième et le quarante-deuxième degré. Un soleil brûlant y soulève les exhalaisons salines des steppes et des marais; mais il y fait croître les végétaux de l'Europe, à côté de ceux de l'Asie. Dans cette région, sont des mines

riches et des déserts sauvages, des steppes sablonneuses et des pâturages fertiles, les aspérités du Caucase et les vallons de la Tauride.

Il ne faut pas perdre de vue ces trois divisions; il suffit presque de les suivre sur la carte, pour juger de la température de chaque gouvernement. Quelquesuns sont situés dans deux régions; celui d'Irkoutsk s'étend même sur les trois. La température y est modifiée suivant le degré de culture; et dans tout l'empire, on observe qu'elle est plus froide, plus humide, plus malsaine que dans les autres contrées de l'Europe situées sous la même latitude, effet certain d'une civilisation moins avancée (1).

De cette différence de climat et de température, résulte une variété singulière dans les phénomènes de l'atmosphère, dans les productions de la nature, et dans la manière de vivre des habitans: tous ne jouis

(1) Virgile et Ovide disent que, de leur temps, le vin gelait dans la Thrace, de sorte qu'il fallait le fendre avec des haches. Pline, Pomponius-Mela et Strabon représentent la Germanie septentrionale comme couverte de marais, de lacs et de forêts. Cependant ces contrées ont changé de climat; l'industrie de l'homme y a vaincu la nature..... On ne voit pas encore ce miracle en Russie. On dit que l'intensité du froid y est plus grande, parce que les vents du nord n'y sont point arrêtés; mais le mauvais état de la culture en est la principale cause, et rien ne donne une idée plus exacte d'un hiver russe que ces vers élégans d'Ovide :

Sæpe sonant moti glacie pendente capilli,

Et niter inducto candida barba gelu.
(Ovid. Trist, lib, III, eleg. x.)

Voyez, pour l'étendue des gouvernemens, l'Appendice, tableau n.° II.

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