presse, afin, disait le décret, «que l'opinion publique éclairée, qui est le meilleur conseiller des gouvernements constitutionnels, serve de phare au gouvernement. >>> En même temps, le duc de Terceira fut nommé général en chef de l'armée d'opération contre les insurgés. Mais déjà la faiblesse du ministère commençait à se faire connaître. Le 27, il fut forcé de se modifier. Le duc de Terceira cessa d'en faire partie; MM. d'Albuquerque, Lavradrio, Loureize et Soure, complétèrent le cabinet, et le marquis de Saldanha prit le portefeuille de la guerre. Deux documents de nature diverse, publiés à la même époque, jettent quelque jour sur une situation difficile à comprendre. Les frères Cabral, en se réfugiant à Cadix, lancèrent un manifeste où ils déclaraient ouvertement que ce qui les avait obligés à fuir, c'étaient les persécutions du duc de Palmella, qui voulait, disaient-ils, les sacrifier au pouvoir révolutionnaire. Ils reprochaient aussi au duc de Terceira de les avoir trahis en plein conseil des ministres, en déclarant le gouvernement hors d'état de résister à l'insurrection et en demandant la dissolution du cabinet. De leur côté, les pairs et les députés de la minorité adressèrent à la reine une représentation, dans laquelle ils accusaient l'administration déchue de tous les maux qui étaient tombés sur le royaume. La violation des lois excusait à leurs yeux le soulèvement populaire qui n'était qu'une juste réclamation contre l'oppression. Une représentation nationale, véritable et libre, la suspension immédiate et la révocation opportune des lois manifestement contraires à la charte et oppressives pour le peuple; l'annulation de tous les actes du gouvernement entachés du même vice; l'autorité publique et la force nationale conférées aux mains d'hommes intègres, purs de toute souillure du sang du peuple: telles étaient les garanties réclamées par les auteurs de ce document (23 mai). On remarquait parmi les signataires le marquis de Loulé, le marquis d'Abrantès, le comte Das Antas, le comte de Farrobo, le comte de Mello, le comte de Lumiarès et le vicomte Sa da Bandeira. Il y avait dans cette pièce, à côté d'une assurance de concours à l'administration du duc de Palmella, une adhésion au mouvement populaire et à la constitution. Là était la clef de la situation. En effet, le ministère semblait lui-même s'être fait septembriste. Toutes les concessions réclamées par les juntes étaient accordées : destitution des fonctionnaires nommés par l'ancienne administration; nomination de libéraux exaltés à tous les emplois; amnistie générale des délits politiques; rappel des ban. nis; organisation des milices nationales; dissolution des chambres; liberté illimitée de la presse, tout fut accordé, sauf la convocation des cortès constituantes: encore fut-il entendu que les députés élus seraient munis d'un mandat exceptionnel. Malgré ces concessions d'autant moins applaudies qu'elles étaient imposées, le pouvoir s'affaiblissait de jour en jour; la défiance inspirée par ses actes sans personnalité n'était pas faite pour le consolider; le crédit public n'existait plus, et l'autorité, tout à coup décentralisée, échappait aux mains du ministère qui semblait réduit à n'être que la junte centrale de l'insurrection. Si, à l'intérieur, le gouvernement était aux prises avec les plus grandes difficultés, il se trouvait, à l'extérieur, en face de questions non moins embarrassantes. Justement alarmée du progrès de l'insurrection portugaise, et de l'influence qu'elle pourrait exercer sur ses populations, l'Espagne fit avancer sur les frontières des troupes nombreuses prètes à tout événement. Les sympathies bien connues de M. Gonzalez Bravo, ambassadeur d'Espagne à Lisbonne, pour le ministère déchu, les efforts qu'il fit pour protéger la fuite des frères Cabral, et son hostilité ouverte avec le nouveau ministère, firent craindre une intervention que rendait au reste improbable l'attitude de l'Angleterre, dont l'ambassadeur, lord Howard, avait puissamment travaillé à la chute du ministère Cabral. La soumission absolue du ministère à la volonté des juntes septembristes désorganisait insensiblement le mouvement insurrectionnel. Les juntes de Coimbre et de Santarem furent dissoutes, et de nombreuses bandes de révoltés se dispersèrent. Mais, en même temps què la véritable révolte s'éteignait, des mouvements nouveaux se faisaient sentir. Les miguélistes reparurent, et les villes de Monte-Alegre et de Torcy, où résidaient les réfugiés espagnols du parti carliste, proclamèrent don Miguel roi absolu de Portugal. Ces tentatives s'étendirent sur quelques autres points des provinces de Minho, Tra-os-Montès, Beïra, et même jusqu'à Thomar, dans l'Estramaduro. Quoique ce drapeau n'eût aucune chance de succès, le comité miguéliste de Londres publia un manifeste dans lequel don Miguel exposait son système politique, et promettait les réformes les plus fécondes sur les bases de l'ancienne constitution de la monarchie. Des manifestations plus sérieuses furent celles des chartistes qui relevèrent enfin la tête. Un mouvement fut tenté en faveur des cabralistes par le 3o régiment de ligne en garnison à Bragança. Divers autres régiments voulurent ainsi se prononcer dans ce sens. Mais ces efforts furent facilement réprimés par les officiers, tous à peu près dévoués à la cause de la révolution. Toutefois le reste de l'armée éta it favorable à une réaction. C'est qu'en effet, après le dangereux succès de la révolution qui avait renversé le ministère Costa-Cabral, et, en présence de la faiblesse patente de l'administration nouvelle, on commençait à comprendre qu'il avait fallu au comte de Thomar des qualités réelles, une énergie et une personnalité puissantes pour conserver six ans le pouvoir dans un pays comme le Portugal. Ces qualités incontestables de M. Costa-Cabral avaient fait de lui un ministre vraiment portugais, et sa fière attitude vis-à-vis le gouvernement de la Grande-Bretagne contrastait singulièrement avec la docile soumission du ministère Palmella. Malgré sa fatale roideur et ses habitudes de violence, le ministère Cabral avait été pour le Portugal la seule administration forte et respectée qu'il eût eue depuis longtemps. Au lieu de cela, le cabinet Palmella donnait chaque jour l'exemple de nouvelles faiblesses. L'arrivée des émigrés rappelés par l'amnistie fut pour les septembristes l'occasion d'un triomphe honteux pour le ministère. Ces émigrés allèrent, conduits par José Estevan, Jorvis de Atouquia, Manoel Passos, le vicomte de Andaluz, et surtout le fameux César Vasconcellos, présenter au duc de Palmella cet ultimatum insultant du parti septembriste: 1o l'annulation du décret d'amnistie accordée aux révoltés de Torres-Novas en 1844, et la substituation à ce décret d'un autre déclarant qu'ils avaient bien mérité de la patrie; 2o la ratification des faveurs et emplois, tant civils que militaires, donnés par les chefs de cette insurrection; 3o là réorganisation du 12a régiment d'infanterie et du 1er de chasseurs, qui avaient été licenciés pour avoir pris part à cette révolte; 4o la destitution de tous les commandants et officiers des différents corps qui ne méritaient pas la confiance du peuple. 5o dans le cas où il ne serait pas fait droit immédiatement à toutes ces exigences, la destitution des ministres de la guerre et de l'intérieur. Fidèle à son système de concession, le duc de Palmella satisfit en partie à cet audacieux programmé, ou se prépara du moins à le faire; car, rencontrant une vive opposition chez ses collégues, il provoqua un changement de ministère, selon la volonté de la députation des émigrés. Il conserva la présidence du conseit: mais le vicomte de Sa da Bandeira, septembriste avoué, fut appelé au ministère de la guerre et le comte de Lavradio aux affaires étrangères. MM. Aguiar, Gomez et d'Albuquerque complétèrent le cabinet. Cette modification radicale calma pour un temps les esprits, mais au prix d'une concession complète à la révolution. La nouvelle loi électorale, expression trop avancée sans doute du système représentatif dans un pays qui n'est pas encore à la hauteur des institutions libérales, vint aussi ajouter à la tranquillité d'un moment, obtenue à force de soumission aux idées révolutionnaires. La nouvelle loi reculait les conditions d'âge et de cens jusqu'aux dernières limites. Elle n'exigeait dans certains cas pour les électeurs qu'un impôt annuel de 5 francs 60 cent. sur les propriétés. Elle admettait à titre de capacités et en dehors de l'âge, fixé à vingt-cinq ans, et de cens abaissé comme on l'a vu, l'adjonction des officiers de toutes armes, des prètres, des hommes mariés, des docteurs, bacheliers... Enfin, elle n'excluait que les domestiques, les hommes en faillite, et ceux qui seraient sous le coup d'une accusation criminelle. Tout citoyen qui, après avoir été élu député, accepterait quelque décoration, titre honorifique ou commission salariée, grade ou emploi, et ce en dehors du concours public ou du droit d'ancienneté, perdrait l'emploi de député et ne pourrait être réélu durant la législature. Le calme produit par ces diverses mesures ne dura pas longtemps. Bientôt les juntes révolutionnaires de Coïmbre et de Santarem, et le mouvement absolutiste, recommencèrent dans les provinces du nord. Il fallut envoyer le comte Das Antas, dont l'énergie bien connue pouvait seule réprimer les excès des miguélistes. Mais le danger réel n'était pas là pour le ministère. Les exagérations ultra-libérales auxquelles il avait cédé avec tant de mollesse devaient nécessairement amener une réaction conservatrice. Cette réaction emporta le cabinet du duc de Palmella, qui fut remplacé, le 6 octobre, par un ministère ainsi composé : Le marquis de Saldanha, conseiller d'État, pair du royaume, maréchal de l'armée, ministre de la guerre et président du conseil; Le vicomte d'Oliveira, président du tribunal des comptes, pair du royaume, ministre de l'intérieur; Le vicomte de Carreira, conseiller de Sa Majesté et envoyé extraordinaire à Paris, ministre des affaires étrangères. Don Manuel de Portugal y Castro, pair du royaume, gentilhomme de la chambre, ministre de la marine. Don Jose-Jacinio Farino, conseiller de Sa Majesté, président |