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tant de soldats, M. le comte Pelet (de la Lozère) se plaignait que, dans un pays où nous avons une armée de 80,000 hommes, nos forces fussent tellement éparpillées que partout et toujours l'infériorité numérique nous créât un danger de plus. Vouloir occuper à la fois tout le nord de l'Afrique en quelques années, c'était reculer l'époque d'une conquête définitive.

L'honorable pair ayant affirmé que notre armée d'Afrique était ravagée par les maladies, M. Moline de Saint-Yon, ministre de la guerre, releva l'inexactitude de cette assertion et affirma que l'état sanitaire de l'Algérie s'était amélioré sensiblement. Le nombre des malades, qui, en 1840, était dans la proportion de 1 sur 8, était tombé à celle de 1 sur 9, et même dans certaines provinces de 1 sur 16.

M. le prince de la Moskowa, prévoyant qu'une guerre dans le Maroc serait bientôt nécessaire pour mettre la province d'Oran à l'abri des incursions d'Abd-el-Kader, désirait que, cette fois du moins, l'esprit de la politique générale ne fit pas avorter les efforts de nos soldats. En effet, qu'avait tenté l'empereur du Maroc pour exécuter la partie la plus importante du traité, l'internat d'Abd-el-Kader? L'impuissance marocaine n'était pas aussi grande qu'on le voulait bien dire, ni l'empereur aussi innocent qu'on le pensait de la dernière levée de boucliers; et, à ce propos, l'honorable pair signalait l'existence d'une secte politique et religieuse connue sous le nom de mouley-tahieb, du nom de son fondateur, sorte de charbonnerie dont le siége est dans le Maroc et qui maintient la résistance et réchauffe le fanatisme.

M. le baron Charles Dupin, et après lui M. le marquis de La Place, ne croyaient pas que les événements qui avaient affligé nos possessions d'Afrique eussent compromis l'avenir et la solidité de notre conquête.

M. Teste insista surtout sur ce point, que les derniers événements qui avaient éclaté dans la province d'Oran étaient la meilleure justification de la politique suivie par le gouvernement et du traité conclu à Tanger. Dans quelle position se fûton trouvé, en effet, si l'invasion d'Abd-el-Kader et l'insurrection des tribus avaient eu lieu pendant la marche de notre armée sur Fez à travers le territoire marocain?

M. le ministre des affaires étrangères se refusa nettement à donner aucune explication sur les faits récents de la guerre. Ce silence était pleinement justifié par la situation des choses. D'une part, les opérations militaires étaient commencées en Afrique; d'autre part, les négociations étaient pendantes avec le Maroc, dont l'ambassadeur se trouvait à Paris.

Le paragraphe fut adopté, ainsi que le suivant.

Le paragraphe 10 ramenait la discussion sur l'état financier de la France. M. le ministre des finances saisit cette occasion pour répondre aux critiques dirigées contre lui, dans la discussion générale, par M. le vicomte Dubouchage et M. le baron Charles Dupin.

On avait comparé notre système financier à celui de l'Angleterre, et loué ce dernier au détriment du nôtre. M. LacaveLaplagne acceptait et poursuivait cette comparaison. L'Angleterre a sur nous des avantages naturels : elle est entourée de la mer, ce qui rend ses communications plus faciles avec l'étranger; elle a des cours d'eau qui, prenant leur source dans des montagnes peu élevées, présentent une navigation plus aisée, plus permanente; elle possède, en outre, de puissants éléments indústriels, la houille et le fer; de plus, elle a sur nous cet immense avantage de nous avoir précédés de plus d'un siècle dans l'adoption du gouvernement représentatif. La France, elle, est obligée d'aller chercher au loin des éléments de production; elle était de beaucoup en arrière pour ses routes, pour ses canaux. Avec des capitaux peu abondants, une industrie peu disposée à les risquer dans de grands travaux, il avait fallu que le gouvernement trouvât des ressources dans les budgets généraux, dans des emprunts. En même temps que le budget anglais se réduisait, même après avoir supporté le fardeau de grandes guerres, la France se voyait donc forcée d'augmenter le sien. Pendant quinze ans, il lui avait fallu s'occuper de la sûreté de son territoire, fortifier Paris, Lyon, Grenoble, Béfort, exécuter des travaux gigantesques dans les ports de Dunkerque, de Toulon, de Cherbourg, à l'embouchure de la Charente. Tout cela, et bien d'autres travaux encore, elle l'avait fait sans faire éclater son budget.

Ce budget, disait-on, excède de 100 millions celui de l'Angletere. Mais, répondait M. le ministre, entre les éléments des deux budgets il n'y a pas de comparaison à établir. Dans le budget anglais, cing ministères ne sont pas compris, non plus que la taxe des pauvres, non plus que l'amortissement : ces dépenses rétablies, l'avantage resterait-il à l'Angleterre?

Le budget s'augmentait tous les ans, mais par des dépenses utiles, nécessaires, nouvelles; des accroissements importants s'appliquaient à l'instruction publique, aux traitements du clergé secondaire, aux traitements des grades inférieurs de l'armée et de la marine. Sous la Restauration, 35 millions seulement étaient affectés aux travaux publics, tandis que, dans dix années, depuis 1830, cette dépense avait été de 775 millions; dépense énorme, il est vrai, mais placement excellent, puisqu'il doit faire jouir la France de voies de communication qui lui manquaient, et qu'en même temps, par l'accroissement des impôts résultant de la plus grande circulation et de la consommation, des sommes considérables rentraient et rentreraient de plus en plus dans les caisses de l'État.

Il y avait eu quelques additions aux contributions directes; mais à quoi s'appliquaient-elles? Elles s'élevaient à 93 millions; sur cette somme, 30 millions seulement étaient affectés aux dépenses de l'État, et n'excédaient pas la somme que produisaient les jeux et la loterie, somme à laquelle le gouvernement avait renoncé. Quant aux 67 millions restant, les départements se les imposaient à eux-mêmes pour leurs dépenses départementales et communales, pour l'instruction primaire et les

routes.

Quant aux contributions indirectes, M. Dupin avait dit que 300 millions de plus pesaient sur le pays. Mais, répondait M. le ministre, est-ce qu'on avait augmenté les droits de douane, l'impôt sur le tabac? Non; on consommait plus, et le problème se trouvait ainsi résolu : c'était de la richesse et non de la pauvreté.

On signalait un déficit énorme ce déficit, depuis le 1er janvier 1830 jusqu'au 1er janvier 1844, s'élevait à 371 millions. Cela était vrai; mais on n'avait tenu aucun compte des réductions annoncées, provenant des dépenses à reporter sur 1846. En 1845, il y avait eu augmentation de dépenses, et cependant diminution de la dette flottante. On en était donc arrivé à ce point, de recevoir plus qu'on ne dépensait. Voilà, disait en terminant M. le ministre, ce qui autorisait à dire que l'état de nos finances était de plus en plus satisfaisant.

Après cet intéressant exposé, les derniers paragraphes furent votės sans opposition, et l'Adresse entière adoptée à la majorité de 120 voix contre 23 (16 janvier).

La discussion de l'Adresse s'ouvrit à la Chambre des putés le 19 janvier. Dans la première séance, M. Corne, seul, parla de l'Adresse pour contester, par l'examen de la situation intérieure et extérieure, la sécurité, la quiétude du gouver

nement.

Après quelques observations échangées entre M. le ministre de l'intérieur, M. de Peyramont et M. Leyraud, au sujet de quelques scandales électoraux que ce dernier mettait à la charge du Cabinet, M. Ledru-Rollen fit le procès à l'opposition à propos d'une prétendue fusion de la gauche et du centre gauche; l'honorable député reprochait à l'opposition de s'amoindrir et de s'abaisser.

Quelques renseignements ayant été demandés par M. d'Angeville sur l'expédition de Madagascar, M. le ministre de la marine donna communication de ses instructions à M. Romain Desfossés, et prouva que, dans la circonstance où il s'était trouvé engagé le 15 juin 1845 (yoyez l'Annuaire précédent, p. 223), ce commandant avait agi comme il lui était prescrit de le faire, en ne permettant pas, en présence du pavillon français, à la portée de ses canons, que des Français fussent dépouillés de leurs biens et menacés de mort.

M. Duvergier de Hauranne ne pouvait penser qu'au fond du cœur la majorité de la Chambre fût favorable à la politique qui demandait, par l'Adresse, une adhésion absolue à tous ses actes. Elle laissait vivre le Cabinet, elle le laisserait vivre encore, mais en lui faisant payer cher son appui. C'était donc au pays lui-même qu'il fallait s'adresser pour lui montrer dans quelle route on l'entraînait. Au milieu du calme profond des dernières années, la cause des libertés publiques et de la grandeur nationale avait-elle fait ces progrès que suppose la paix absolue? Il n'en était rien, selon l'honorable député; la vérité du gouvernement représentatif, la sincérité et la pureté des élections, ces véritables bases de la liberté politique, avaient marché, mais en arrière. Voilà pour l'intérieur.

Au dehors, la dignité de la France était compromise par un système de paix à tout prix que ne justifiait plus aucune crainte sérieuse de la guerre. En Syrie, sur la Plata, dans l'Amérique du Nord, à Tahiti, en Espagne, en Afrique, M. Duvergier de Hauranne ne voyait partout que conséquences déplorables de la conduite ministérielle.

M. de Gasparin pensait, au contraire, que la gloire du cabinet actuel est d'avoir compris que la cause de la civilisation est intimement liée à la conservation de la paix générale, et que cette paix dépend de l'alliance avec l'Angleterre. A l'intérieur, il est vrai, l'honorable député reconnaissait qu'il existe un mal profond, aujourd'hui comme autrefois, et, par l'effet du temps, aujourd'hui plus qu'autrefois. Ce mal avait une de ses causes dans l'intervention des députés dans les affaires administratives et dans les questions d'intérêt privé: par là, l'esprit politique avait été banni des colléges électoraux.

Les attaques portées la veille contre l'opposition amenèrent à la tribune M. Desmousseaux de Givré, qui s'enquit de l'alliance prétendue conclue entre la gauche et le centre gauche. Que devenaient dès lors les différences existant entre la gauche et le

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